Malgré ses trop nombreux emprunts aux codes des téléfilms de Netflix et à la série post-apocalyptique de The Walking Dead, Sans un bruit est une série B ingénieuse, d’une redoutable efficacité, riche en scènes mémorables.
Synopsis : Une famille tente de survivre sous la menace de mystérieuses créatures qui attaquent au moindre bruit. S’ils vous entendent, il est déjà trop tard
Critique : C’est parfois dans les films les moins originaux que l’on trouve les meilleurs moments. Produit d’exploitation pur, dans ce qu’il utilise en codes et ficelles, Sans un bruit régurgite non sans autosatisfaction, tout un pan de la culture pop horrifique et malgré tout jouit aujourd’hui d’un succès rare pour une œuvre d’épouvante aux USA. Il a beau être un triomphe phénoménal aux États-Unis, il n’est en rien un nouvel Exorciste, un nouveau La nuit des morts Vivants, Evil Dead, Saw, Projet Blair Witch ou même Get Out, que l’on peut considérer comme des œuvres novatrices qui ont redéfini les canons d’un genre et lancé des tendances.
Sans un bruit n’invente donc rien et rebondit entièrement sur des modèles prédéfinis que son auteur, l’acteur et réalisateur John Krasinski, a ingurgités avec l’appétence de fan. Ainsi, Sans un bruit commence de façon poussive dans le cadre rural éculé d’un épisode de The Walking Dead, à savoir un supermarché dévasté. Une famille qui a miraculeusement survécu à l’invasion mondiale de monstres sanguinaires sur Terre, suit une ligne de chemin de fer avec quelques provisions. Classique. A la sortie des emplettes, les pages d’un journal donnent le contexte apocalyptique sur le perron de l’enseigne, à l’instar de Day of the Dead et sa Une mythique The Dead Walk !
Krasinski, un acteur-réalisateur qui a l’œil et l’oreille
Le sujet qu’affectionnent beaucoup les productions sans budget, a immédiatement le goût et l’odeur des productions Netflix (Cargo), où zombies, enragés et affamés, évident l’humanité de toute vie. Les réminiscences ne s’arrêtent pas là. Le récit est construit essentiellement sur un concept sensoriel (ne jamais faire de bruit, ni parler, sinon vous êtes mort !) évoquant ceux de Dans le noir et Don’t Breathe qui jouaient aussi sur cet aspect des sens, en axant leur intrigue sur la vue et la lumière.
L’esthétique de Sans un bruit est somptueuse dans ses éclairages ; elle semble avoir été calquée sur celle du remake de La nuit des fous vivants de Romero, l’efficace The Crazies de Breck Eisner. On y retrouve cet attachement à l’atavisme, le goût de la ruralité léchée et des scènes visuellement éclatantes de par leur éclairage soigné. La production de 17M$ a vraiment de la gueule.
Nonobstant ces airs de déjà-vu qui s’invitent tout au long du film, le succès de Sans un bruit s’explique et se justifie pleinement. L’on évoque pourtant ici une œuvre sans dialogues à 90%, très courte, sans ressources au niveau des personnages réduits au minimum (essentiellement quatre). Le succès est justifié en dépit d’une thématique sensorielle surlignée dans le récit via le personnage d’une jeune fille sourde (forcément), et même si le discours familial conservateur est pataud : est-ce bien raisonnable d’attendre un enfant dans un monde où les cris d’un nourrisson condamneront la famille au carnage par des créatures extraterrestres qui ne résistent pas au bruit ?
Sans un bruit mérite sa bonne réputation
Malgré tous ces petits éléments qui empêchent Sans un bruit d’être le monstre du cinéma fantastique attendu, on s’attachera à défendre son incroyable efficacité, son intensité lors d’un enchaînement de scènes horrifiques au suspense prenant. Jouant remarquablement sur l’espace (l’attaque dans la cave, la chute à l’intérieur du silo), convaincant dans son rapport psychologique à l’enfance malmenée, le réalisateur signe un thriller épatant, peuplé de créatures dignes de l’imaginaire de Lovecraft, qui ne sont pas qu’aperçues mais bel et bien exploitées de façon juste, équilibrée ; elles sortent de leurs ténèbres pour extirper le spectateur de son petit confort.
Un clou dans le pied, un accouchement sans péridurale, avec obligation de garder le silence, et des créatures carnassières à l’ouïe phénoménale qui ne décrochent jamais… tels sont les éléments qui restreignent le spectateur à un silence de mort ou, au contraire, à une catharsis par le cri ou les rires nerveux pour ceux qui se laissent emporter par leurs émotions.
Sans un bruit n’amène aucune évolution dans le genre, mais le spectacle n’en demeure pas moins d’excellente facture dans sa capacité à susciter la frousse et restaurer la primauté de la salle, pour vivre une expérience collective, avec le son ad hoc pour profiter des performances sonores très élaborées qui lui vaudront des nominations aux Oscars, BAFTA… dans cette catégorie technique. Effectivement, le carton était assuré.