Red Screening (Al morir la matinée), aussi connu sous le titre de The Last Matinee, est la version slasher de Démons de Lamberto Bava. Un film de genre réjouissant qui renvoie au cinéma bis des années 80.
Synopsis : Alors que des trombes d’eau s’abattent, la meilleure chose à faire est de s’abriter au sein d’un vieux cinéma et de ses salles obscures. Malheureusement pour les réfugiés, un psychopathe en liberté a eu exactement la même idée
Red Screening (Al morir la matinée) : une VOD inattendue
Critique : Le cinéma uruguayen est rare. L’opportunité de découvrir de surcroît un avatar de cinéma de genre local rend l’expérience d’autant plus attrayante.
The Last Matinee a beaucoup voyagé depuis sa présentation à Sitges en 2020, devenant un choix évident pour les éditeurs vidéo qui se le sont arrachés des USA jusqu’en Allemagne, avec une superbe édition limitée chez Arrow Film au Royaume-Uni.
Trop de titres tue le film
En France, le film connaît une première, sous son titre original pas très aisé à prononcer (Al morir la matinée), sur OCS, un événement qui prépare le terrain pour une sortie en vidéo chez Factoris Films sous un autre titre alternatif, Red Screening (disponible seulement en DVD, donc dispensable). C’est ce titre même qui l’accompagnait déjà au Festival du Film Fantastique de Strasbourg, dans la catégorie des Midnight Movies en septembre 2021.
Al morir la matinée / Red Screening ne s’illustre pas par son scénario, basique, puisqu’il met en scène un psychopathe dont on ne connaîtra rien de l’arrière-plan psychologique, de ses motivations. Le monsieur vêtu de façon glauque, avec un sac que l’on imagine rempli d’armes, a acheté une place pour un fauteuil dans un temple cinématographique à l’ancienne, dans le simple but de commettre des meurtres en série auprès des quelques spectateurs présents. C’est ce qu’on appelle en 2021 une tuerie de masse programmée. Enfermés dans le cinéma par le monstre humain ou l’humain monstrueux, ils vont être tour à tour assassinés de la façon la plus brutale qui ravira les amateurs de slashers qui slashe ou de gore qui tache.
Ambiance cinéma de quartier garantie
Toute la maigreur du script va rendre le divertissement efficace et tranchant. Le réalisateur parvient avant tout à choyer une ambiance, rendant hommage aux projections des années 80 où des films de série Z/B (celui diffusé à l’écran, dans un effort de mise en abyme) trouvaient encore leur place sur les grandes toiles de lieux loin d’être standardisés comme dans un multiplexe.

Blu-ray américain Copyright : Dark Star Pictures / © Yukoh Films, La Gota Cine, Pensa & Rocca Producciones. All Rights Reserved
Faute de budget, Maximiliano Contenti va à l’essentiel et le fait bien. Une musique synthpop (le générique de fin tombe sur un morceau de Motorcycle Cop, Power Glove, et le bonheur se prolonge) vient tisser ses références sensorielles dans un microcosme horrifique propre à un certain cinéma italien rital. L’impression d’assister à un remake de Démons de Lamberto Bava, sans l’aspect surnaturel ou fantastique, est prégnante. Le virus maléfique de la production de Dario Argento de 1986 est remplacé par la folie meurtrière d’un homme tapi dans l’ombre et derrière les fauteuils des spectateurs pour des supplices épicés. Le cinéaste a beau crier son amour pour les grands auteurs américains, le cinéma bis italien culmine et a visiblement cultivé son regard de jeune consommateur de VHS au milieu des années 90, quand il avait une dizaine d’années.

Visuel allemand (Editeur Pierrot le Fou) / © Yukoh Films, La Gota Cine, Pensa & Rocca Producciones. All Rights Reserved
Les yeux de la terreur
Pour faciliter l’intrigue, il s’agit de couper quelques spectateurs et la fille d’un projectionniste, du reste du monde, et donc de la police ou de toute autre aide extérieure. L’action a donc été transposée en 1993, époque où les téléphones portables n’existaient pas dans les poches des spectateurs braillards. Cela participe à octroyer un caractère généreusement vintage aux images qui pourtant se défendent avec des idées de réalisation loin d’être anodines.
Au royaume des produits de VOD difficilement acceptables tant ils sont médiocres et sans enjeux horrifiques, The Last Matinee (Al morir la matinée/Red Screening) parvient à susciter l’angoisse du morbide et même le dégoût face à quelques plans oculaires persistants.
Faute d’un budget occidental pour en faire une tuerie totale, le film de Maximiliano Contenti est l’inattendu du streaming que l’on n’avait pas vu venir et dont on se délecte de la sortie vidéo. Pour notre part, le choix sera Arrow Film pour le collector blu-ray.
Notes : C’est le réalisateur Ricardo Islas qui interprète le tueur fou. Celui-ci est également l’auteur de Frankenstein Days of the Beast, le nanar presque intemporel (il date de 2011), qui est projeté à l’écran pendant les assauts meurtriers de son personnage. Faute de temps et de budget, en pleine pandémie, pour tourner son propre film dans le film, le réalisateur Maximiliano Contenti a dû se battre afin de pouvoir accéder à des droits. Son premier choix était un certain Terreur à l’Opéra de Dario Argento, dont on voit l’affiche dans les couloirs du cinéma, mais celui-ci n’en possédait même pas les droits…