Avec Quand on a 17 ans, André Téchiné revient aux troubles amoureux de la jeunesse. L’initiation adolescente arpente des reliefs dramatiques moins tumultueux que certaines de ses œuvres antérieures. Le résultat est moins tumultueux mais néanmoins touchant.
Synopsis : Damien, 17 ans, fils de militaire, vit avec sa mère médecin, pendant que son père est en mission. Au lycée, il est malmené par un garçon, Tom. La violence dont Damien et Tom font preuve l’un envers l’autre va évoluer quand la mère de Damien décide de recueillir Tom sous leur toit.
Critique : Se situant dans la continuité initiatique de nombre d’œuvres tumultueuses d’André Téchiné, Quand on a 17 ans porte le lourd héritage d’une carrière d’auteur sur ses frêles épaules adolescentes. Passer après Rendez-vous, Les Roseaux sauvages, ou encore J’embrasse pas et Les Témoins, n’est nullement facile ; d’aucuns pourraient reprocher à l’artiste la tentation de la répétition ou celui de s’éloigner des préoccupations de son âge pour toujours revenir à cette obsession universelle des premières amours.
Quand on a 17 ans souffle donc un vent tiède de déjà-vu, dans son traitement des saisons qui viennent effleurer les tergiversations sentimentales des protagonistes, et même son attachement pictural à vouloir rendre un hommage poétique aux Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë (Les Sœurs Brontë est l’une des pièces maîtresses de l’œuvre de Téchiné) ne convainc pas, l’effort ne tenant pas la distance avec les lois d’un gothique à l’anglaise dont on reconnaît ici et là des traces pour une réalité poétique montagnarde moins vertigineuse qu’un roman d’Ann Radcliffe.
Toutefois, ne diminuons pas le plaisir sensoriel passé devant un Téchiné pur qui s’éloigne de la fadeur de films plus récents (citons respectivement Impardonnable et L’Homme qu’on aimait trop). Le réalisateur excelle quand il s’agit de révéler le talent indéniable de deux jeunes comédiens formidables de fraîcheur. Kacey Mottet-Klein que l’on ne présente plus (on l’a vu dans L’enfant d’en haut et sera par la suite dans un autre Téchiné, à contre emploi, L’adieu à la nuit) a ce naturel sauvage qui fait déjà de lui un grand, quand la masculinité en devenir du jeune Corentin Fila lui apporte la part de ténèbres suffisante pour détourer la personnalité malaisée d’un jeune homme dans l’auto-dénigrement. Toutefois ce personnage de fils adopté, aux repères instables qui synthétise des envies contraires, entre désir de tradition et d’émancipation, devoir filial et besoin d’accomplissements personnels, aurait mérité davantage d’approfondissement dans chacune des pistes psychologiques proposées, et surtout pas le surlignage de certaines d’entre elles (la métaphore malheureuse de l’ours et les séquences oniriques, la mère adoptive qui se croyait incapable de porter un enfant à terme, et qui est enceinte pour de bon…).
Dans ce récit d’homosexualité refoulé d’un classicisme narratif certain, dont on devine aisément tous les enjeux dès le visionnage de la bande-annonce, on reprochera effectivement la présence périphérique et par trop symbolique de l’adulte, cette mère doctoresse qui panse les plaies, ou le père soldat (Alexis Loret, d’Alice & Martin), catalyseur un peu trop expédié. Dans Quand on a 17 ans, le rôle joué brillamment par l’impeccable Sandrine Kiberlain méritait probablement qu’on s’y attarde plus longuement dans un film qui aurait pu lui être entièrement consacrée. Sa détresse soudaine, mais constructive sur le sentier initiatique écharpé qui mène les deux adolescents vers une meilleure compréhension d’eux-mêmes, est un écueil dont l’effet miroir tantôt cool, tantôt triste, nous éloigne des grandes figures adultes tragiques que Téchiné a su ausculter avec maestria pendant près de quarante ans.
Quand on a 17 ans ne se déconseille pas, pour peu que l’on aime l’univers lumineux et agité du réalisateur. Toutefois, que les fidèles de la première heure ne s’attendent pas à y trouver matière à s’extasier. A moins, peut-être, d’avoir les 17 ans du titre et donc l’âge des grandes interrogations conflictuelles, cet ersatz des Roseaux Sauvages n’apparaît que comme un avatar de plus dans la longue carrière d’un auteur dont on attend chaque film avec délectation, et qui fera bien mieux en 2019 avec L’adieu à la nuit.
Critique : Frédéric Mignard
Sorties de la semaine du 30 mars 2016