Successeur digne des Virtuoses, The Full Monty et Billy Elliot, Pride n’est que du bonheur. L’un des meilleurs feel-good movies britanniques des années 2010.
Synopsis : 1984 – Alors que Margaret Thatcher est au pouvoir, le Syndicat National des Mineurs vote la grève. Lors de la Gay Pride à Londres, un groupe d’activistes gay et lesbien décide de récolter de l’argent pour venir en aide aux familles des mineurs en grève. Mais l’Union Nationale des Mineurs semble embarrassée de recevoir leur aide. Le groupe d’activistes ne se décourage pas. Après avoir repéré un village minier au fin fond du pays de Galles, ils embarquent à bord d’un minibus pour aller remettre l’argent aux ouvriers en mains propres. Ainsi débute l’histoire extraordinaire de deux communautés que tout oppose qui s’unissent pour défendre la même cause.
Critique : On passera vite sur les clichés d’excellence des Britanniques, quant au cinéma social. Que ce soit dans le drame chez Ken Loach, Mike Leigh et Michael Winterbottom, ou dans le feel-good movie (Les Virtuoses, Billy Elliot, The Full Monty…), leur stature n’est plus à démontrer. Le premier film en quinze ans du metteur en scène de théâtre Matthew Warchus, après le flop de Simpatico en 1999, le démontre un peu plus. Ce cinéma social coule dans leurs veines.
Les anti Margaret Thatcher se rebellent
Pride s’inscrit donc dans cette lignée, douce-amère, souvent euphorique, d’un cinéma ouvrier, militant, toujours en guerre contre les fantômes de Thatcher (le film se déroule en fait au milieu des années 80, durant les grèves des mineurs du Pays de Galles contre l’administration régie d’une main de fer par l’ancienne premier ministre). Alors que les Britanniques ont avalé sur leur île les couleuvres de l’ultra-libéralisme à l’américaine (c’est le fast-food partout, y compris dans les pharmacies !), le cinéma local fronde ; s’amuse à montrer les petites gens unies pour une cause (la manifestation n’étant pourtant pas la panacée outre-Manche !), y compris dans des mariages contre-nature.
L’union de Pride est celle de deux groupes que tout oppose, mais qui s’attirent inexorablement vers un but commun : déstabiliser l’autorité du gouvernement, revendiquer des droits sociaux et d’égalité. Se découvrir l’un l’autre et faire tomber les tabous des différences. Thatcher menait une politique contre les ouvriers et sa politique homophobe conduira David Cameron lui-même à présenter des excuses, au nom de son parti deux décennies plus tard.
Culture Gay et crise minière au Pays de Galle
Dans Pride, se tient d’une part le militantisme urbain, voire londonien d’une poignée de membres de la communauté LGBT, à l’époque de l’avènement de la culture homo de club, avec Bronski Beat, Culture Club et autre Frankie Goes to Hollywood, mais aussi de l’apparition du sida pour la partie mélo du film. Ce sont des citoyens oppressés par une législation qui fait d’eux des individus de seconde zone.
D’autre part, dans Pride, le cinéaste Matthew Warchus dépeint aussi l’arrière-plan des ruraux du Pays de Galles, région la plus pauvre du Royaume Uni, où les mines, et donc toute l’économie locale, sont menacées. Il griffonne un portrait romancé de bougres virils, qui descendent dans les couloirs souterrains miniers au péril de leur vie, et désormais dans la rue pour sauver leurs peaux et celle de leurs familles. Ils sont, a priori, des parangons bourrus d’une certaine intolérance de campagne. Des gays et des lesbiennes…, ils n’ont pas pour habitude d’en voir beaucoup.
Pride est une réussite qui transcende les stéréotypes
Sans tomber dans l’énumération de situations drôles ou de dialogues piquants, Pride mérite que l’on souligne son panache général. Dans cette démarche canonique de l’euphorie avec toutes les ficelles propres au feel-good movie, le réalisateur Matthew Warchus ne fait pas qu’appliquer tous les éléments cocasses qui ont fait le succès relatif de productions comme We want sex equality ; il les transcende pour parvenir à ce petit cocktail imparable de rires et d’émotions qui rendent tous les personnages irrésistibles et réellement touchants.
Pourtant les stéréotypes sont clairement là, l’ado au seuil de l’âge adulte qui part en ville pour trouver son identité, les femmes du terroir, entières dans leurs propos, qui sont les premières à adopter les petits gays de la ville qui viennent s’unir à leurs efforts pour mieux lutter contre l’autorité de Thatcher… Cette main tendue de la communauté GAY à leurs ennemis rednecks, n’était pas gagnée d’avance, surtout que, parmi les lieux-communs, forcément, le cliché de la conservatrice coincée a la peau dure…
Les Américains réticents à distribuer le film en salle
Alors que le groupe Manic Street Preachers a offert l’un des plus beaux hommages musicaux à la lutte des Gallois avec le sublime album Rewind the film, en 2013, Pride est un nouveau tribu pop et populaire aux heures les plus dures de l’histoire de cette région de Grande-Bretagne. Véritable pain béni par les “queens et les queers” du dancefloor des années 80, distribué en 2014 dans le contexte de la disparition totale des mines de charbon en raison de la lutte contre le réchauffement climatique, la comédie n’a pas eu le succès consensuel de The Full Monty et a même été boycottée aux USA, car trop gay-friendly. Sur ce territoire, la poilade a été réservée à trois villes clé (New York, San Francisco et Los Angeles), ce qui explique des recettes locales restreintes à 1 446 000$.
Le peu d’intérêt du grand public pour la culture gay au cinéma
En Europe, les Britanniques, forcément touchés dans leur chair, feront un succès honorable au film, avec 6M$ de recettes. Ils sont suivis des cousins Australiens (4 600 000$), des Italiens (1 546 000$), et des Espagnols (1 041 000$).
En France, Pathé, société productrice et distributrice dans l’Hexagone, n’en obtiendra pas le succès espéré avec 780 000$, soit 230 000 spectateurs. La comédie fière de ses convictions n’ira pas plus loin que 69 000 spectateurs dans 200 salles lors de sa semaine inaugurale, démontrant le peu d’appétence du grand public français pour les films ancrés dans la culture homosexuelle. La chute à 36 000 entrées en seconde semaine (-47%) et 25 000 entrées lors du 3e tour (-30%), démontrera les limites de ce type de divertissement lgbt.
Malgré tout, Pride voyagera longtemps au cœur de la France pour trouver 50 000 spectateurs après sa 7e semaine d’exploitation, lors de séances spéciales, de projections scolaires, fort d’un bouche-à-oreille plutôt favorable.
La comédie de la rentrée 2014 est, une décennie après, une leçon d’histoire pop et romancée qui permet de replacer la crise sociale post-Brexit dans un récit des conservatismes dont il faut bien l’humour d’un casting en folie pour en supporter les aspérités.
Sorties de la semaine du 17 septembre 2014
© Pathé Films