Cette satire au vitriol des rapports de classe ne manque pas de morceaux de bravoure et confirme le punch du cinéaste coréen, même si la grandiloquence nuit à la perfection de l’œuvre.
Synopsis : Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…
Bong Joon-ho retrouve la compétition à Cannes
Critique : Septième long métrage de Bong Joon-ho, Parasite marque le retour du réalisateur dans son pays et sa langue d’origine, après Snowpiercer et surtout Okja dont la réelle qualité avait été occultée par la polémique Netflix. À l’instar de Quentin Tarantino suppliant la presse de ne pas spoiler la fin de Once Upon a Time… in Hollywood, présenté le même jour en sélection officielle cannoise, l’auteur tient à ce que les rebondissements de l’intrigue ne soient pas dévoilés. Il faut là encore préciser que la force de Parasite ne réside pas seulement dans le twist final et que le récit se savoure avec délices malgré quelques lourdeurs sur lesquelles nous reviendrons. Le film semble au départ le pendant coréen de Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda, tant la description de la cellule familiale en reprend certains motifs : pauvreté, précarité et petites combines sont la destinée de Ki-taek et les siens. Un minimum de bonne allure, de culture et une grande dose de débrouillardise et de culot leur permettent de s’immiscer sans encombre dans la demeure d’une famille bourgeoise et guindée dont ils vont s’attirer les bonnes grâces.
Un spectacle souvent jubilatoire qui aime mélanger les genres
L’humour (noir, très noir) est jouissif, les situations savoureuses, et cette première partie rappelle les oppositions de classe que l’on a pu voir dans des films aussi divers que L’Argent de la vieille de Luigi Comencini ou La Cérémonie de Claude Chabrol. La tournure que prendront les événements fera glisser le métrage sur la piste du thriller et du film d’horreur, teintés de farce bouffonne. « Pour des personnes issues de milieux différents, cohabiter n’est pas chose facile. C’est d’ailleurs de plus en plus vrai dans un monde où les relations humaines fondées sur les notions de coexistence et de symbiose se délitent, et où chaque classe sociale devient parasitaire pour les autres », précise Bong Joon-ho qui semble se faire un malin plaisir à activer son petit théâtre de marionnettes.
Déjanté et décapant, le film pâtit toutefois de ses effets grand-guignolesques
Le mélange des genres et l’intelligence du scénario confirment que Bong est un sacré conteur, qui n’a rien à envier à son prestigieux compatriote Park Chan-wook (Old Boy). En même temps, le film établit plusieurs correspondances avec son œuvre : l’animalité au cœur des pulsions humaines fait écho à Memories of Murder, son chef-d’œuvre, la complexité des relations filiales prolonge Mother, la symbolique de l’eau source de tous les dangers ravive le souvenir de The Host.
Spectacle souvent jubilatoire qui en bluffera plus d’un, Parasite doit aussi beaucoup à l’interprétation de Song Kang-ho, acteur majeur du cinéma sud-coréen, et la photographie éclatante du chef opérateur Hong Kyung-pyo, dont on avait apprécié le travail dans The Strangers de Na Hong-jin et Burning de Lee Chang-dong. Pourtant, Parasite ne nous semble pas le meilleur film de son auteur, la faute à des effets de Grand-Guignol et un cynisme ambiant qui par moments alourdissent l’atmosphère de l’œuvre, surtout dans son dernier tiers. Bong Joon-ho manifeste aussi une fâcheuse tendance à grossir les traits, loin de la subtilité de ses précédents longs métrages. En dépit de ces réserves, Parasite est un film déjanté et décapant qui devrait élargir l’audience du cinéaste.
Critique : Gérard Crespo
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