Maniant toujours l’humour politiquement incorrect avec une certaine dextérité, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire est moins réussi que les deux premiers volets de la franchise, à cause d’un scénario inégal et d’un rythme moins percutant. L’ensemble demeure très drôle tout de même.
Synopsis : 1981. Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, est de retour. Pour cette nouvelle mission, plus délicate, plus périlleuse et plus torride que jamais, il est contraint de faire équipe avec un jeune collègue, le prometteur OSS 1001.
Retour d’OSS 117 dans un monde qui change
Critique : Cela faisait une dizaine d’années que nous n’avions plus de nouvelles d’Hubert Bonisseur de La Bath, plus connu sous le nom d’OSS 117. Le personnage créé par Jean Bruce a effectivement connu une renaissance étonnante sous forme parodique dans les années 2000, permettant de confirmer au passage le statut de star comique de Jean Dujardin et de lancer la carrière de réalisateur de Michel Hazanavicius. Toutefois, la genèse de ce troisième volet a été compliquée par de multiples réécritures du script et le refus de Michel Hazanavicius de reprendre la casquette de réalisateur. Plusieurs années ont été nécessaires pour finaliser cet opus, durant lesquelles le monde a beaucoup changé, jusque dans son approche de l’humour.
Effectivement, la marque de fabrique de la saga est de proposer une vision très ironique d’un personnage d’une autre époque. Poussant le curseur du second degré au maximum, les auteurs ont ainsi rendu humoristiques des répliques machistes, misogynes et racistes pour le plus grand bonheur des amateurs de politiquement incorrect. Les deux premiers volets étaient deux électrons libres dès leur sortie, tranchant avec la frilosité globale des comédies françaises à gros budget.
Nicolas Bedos pastiche les James Bond des années 80
Entre-temps, une nouvelle génération s’est affirmée en France comme dans le reste du monde pour imposer des limites à l’humour. Cette génération offensée par le moindre propos un peu déplacé ou ironique vis-à-vis des femmes ou des minorités ne risque-t-elle pas de tirer à boulets rouges sur ce troisième volet qui entend régler son compte aux ayatollahs de la pensée wok ? Sans doute, puisque le scénariste Jean-François Halin – déjà aux commandes des deux premiers volets – et Nicolas Bedos font exprès de multiplier les blagues machistes, ainsi que les allusions racistes ou homophobes. Pour autant, il n’est aucunement question de valider ces idées, mais de s’amuser des stéréotypes d’une époque, en l’occurrence ici les années 80.
Alors que les deux premiers volets pastichaient les divertissements français des années 50 et 60, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire ambitionne de se mesurer aux James Bond des années 80. Le long-métrage débute donc par une scène d’action pré-générique plutôt efficace située en Afghanistan, puis se prolonge par un générique qui parodie les effets psychédéliques et la chanson-titre obligatoire des James Bond. Par la suite, l’intrigue suit la même logique que celle des films avec l’agent 007, à savoir un fil conducteur ténu qui sert de prétexte à une multitude de situations extrêmes. Cela permet de varier les environnements explorés par le héros, mais entraîne également une dispersion du scénario dans des digressions pas toujours heureuses.
De réels problèmes de rythme et de scénario
Terriblement ambitieux, ce troisième opus pâtit également d’un léger problème de rythme et d’une durée de deux heures excessive par rapport à ce qui est raconté. Enfin, on reste vaguement circonspect devant une fin expédiée qui se refuse à conclure une intrigue pourtant déjà pas fameuse. Ces défauts réels font donc de ce troisième épisode le plus faible de la saga. Faut-il pour autant bouder l’intégralité du long-métrage ?
En fait, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire n’en est pas moins une comédie fort drôle, car toujours habitée par un mauvais esprit qui fait du bien à voir en 2021. Si certains continueront à trouver les blagues sexistes et racistes de mauvais goût, ceux qui ont un certain sens du second degré comprendront que les auteurs dénoncent une fois de plus la crétinerie du personnage principal. Face à ce modèle de beauf réactionnaire, la jeune génération est également placée devant ses défauts et Nicolas Bedos prend finalement le parti de rire de toutes et tous. Alors que l’on craint une aseptisation du personnage qui semble se découvrir une conscience politique, les auteurs ont l’intelligence de terminer par un pied-de-nez qui préserve l’intégrité du caractère.
Des gags efficaces portés par un Jean Dujardin impérial
Bien entendu, la dénonciation du système de la Françafrique, très largement inspirée par l’affaire des diamants de Bokassa offerts au président Valéry Giscard d’Estaing en 1979, pouvait être un peu plus développée, mais il ne faut pas oublier que la saga a essentiellement une vocation de divertissement. Au moins le long-métrage a le mérite de rappeler les implications de la France dans le grand désordre africain, ce qui permet de contrebalancer les propos du personnage principal.
Marqué par de nombreux gags absurdes d’une grande drôlerie, le film ne serait pas aussi agréable à suivre sans la contribution de Jean Dujardin, décidément très à l’aise dans la peau de l’espion français. Face à lui, on apprécie également Pierre Niney en jeune espion métrosexuel. Par contre, on peut regretter le manque de véritable incarnation du casting féminin, globalement sous-employé.
Le résultat s’avère donc en-deçà des deux premiers volets, mais réserve toutefois suffisamment de moments cocasses et de pur délire pour constituer un divertissement de bonne tenue, d’autant que la réalisation de Nicolas Bedos est plutôt bonne. Initialement prévu pour sortir au mois de février 2020, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire a vu son exploitation repoussée par la crise sanitaire. Après de multiples reports, le film est finalement visible depuis le mercredi 4 août, avec un démarrage plutôt encourageant malgré un contexte sanitaire encore tendu.
Critique de Virgile Dumez