Deux hommes, un chien et la nature. Tels sont les ingrédients d’Old Joy, road movie minimaliste au ton amer et désabusé. Envoûtant.
Synopsis : Deux amis de longue date partent camper le temps d¹un week-end. Les deux hommes se retrouvent rapidement confrontés aux différences qui les opposent : l’un est ancré dans la vie adulte, l¹autre ne parvient pas à se défaire de la douce insouciance de sa jeunesse…
Un film contemplatif marqué par les seventies
Critique : Que le spectateur avide de sensations fortes, d’action et de retournements de situation en cascade passe immédiatement son chemin : le second long métrage de Kelly Reichardt, ancienne collaboratrice d’Hal Hartley et Todd Haynes, se situe plutôt dans la veine des road movies contemplatifs à la Wim Wenders ou encore aux déambulations sous ecstasy de Dennis Hopper et Peter Fonda.
© 2006 Film Science – Van Hoy/Knudsen Productions – Washington Square Films / © 2021 Splendor Films. Tous droits réservés.
Il faut donc se mettre en état de disponibilité totale pour goûter aux charmes intenses de ce petit film. L’art de la pause n’est pas aisé et seuls les cinéastes cités ci-dessus, ainsi qu’un certain Jim Jarmusch sont parvenus jusqu’alors à donner de la force à ces moments en creux. Ici, le temps d’un week-end et d’une balade en forêt, deux amis d’enfance vont faire le point sur leur relation, visiblement en fin de parcours. Autant dire que l’ambiance n’est pas à la franche rigolade, l’excursion se teintant d’une amertume prégnante du début à la fin. Car le but de l’auteur n’est pas seulement de nous convier à une randonnée bucolique empreinte de panthéisme, mais bien de faire le point sur ce qui subsiste aujourd’hui des idéaux de mai 68.
L’Amérique conservatrice des années 2000 sonne le glas des idéaux des années 60-70
Film politique avant tout, Old Joy débute par des nouvelles entendues à la radio faisant état du désordre mondial actuel. L’Amérique de Bush, repliée sur ses vieilles valeurs chrétiennes, s’exprime sans partage sur les ondes. Cherchant à retrouver le calme et la paix, les deux amis partent donc en forêt, mais leur relation n’est plus possible puisque l’un est resté un idéaliste déconnecté de la réalité, tandis que l’autre est entré de plain-pied dans la “vraie” vie.
© 2006 Film Science – Van Hoy/Knudsen Productions – Washington Square Films / © 2021 Splendor Films. Tous droits réservés.
Dans les deux cas, l’auteur dresse un terrible constat d’échec. Après un séjour marqué par un retour aux sources – au propre comme au figuré – véritable métaphore de l’Éden retrouvé, les deux hommes doivent revenir à cette civilisation où règnent à nouveau l’intolérance religieuse et la rigueur morale. Old Joy est donc la balade funèbre des idéaux d’une génération ayant rêvé d’un monde meilleur et trimballe une amertume qui touche au plus profond. Son rythme extrêmement lent, sa petite musique nostalgique et son rapport fusionnel avec la nature en font un trip terriblement envoûtant pour tous ceux qui feront l’effort de se laisser séduire.
Le meilleur film de Kelly Reichardt, annonciateur de l’Amérique de Trump
Il s’agit en tout cas du meilleur film de Kelly Reichardt qui n’a pas toujours retrouvé cette grâce par la suite. On notera d’ailleurs que son constat terrible sur la situation des États-Unis est encore plus prégnant de nos jours, après le passage de Donald Trump à la présidence. D’où l’importance de ressortir ce long-métrage, intéressant témoignage d’une Amérique typique des années 2000. La reprise est effectuée par Splendor Films.
Critique de Virgile Dumez
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