Le reboot cinématographique de la licence Mortal Kombat ne redore aucun blason. Bien trop sérieux et timidement radical, le film adapté du jeu de combats illustre une nouvelle fois l’incompatibilité d’humeur des deux médiums.
Synopsis : Lorsque les plus grands champions de la Terre sont appelés à combattre les ennemis de l’Autre Monde, ils doivent découvrir leurs véritables pouvoirs pour sauver notre planète de l’annihilation totale.
La critique : En 1995, Paul W.S. Anderson – réalisateur aux commandes ensuite de l’acceptable Event horizon puis des douteux Resident Evil ou Monster Hunter – s’attaque à la première itération cinématographique du jeu vidéo Mortal Kombat pour New Line Cinema. Délire bisseux sanglant et un brin racoleur, le défouloir vidéoludique trouve sur le grand écran un semblant de projection, entre rires frénétiques et guerriers de latex. Reste que le métrage d’Anderson acquiert au fil des ans un capital sympathie modéré. Mortal Kombat premier du nom conserve d’ailleurs à son corps défendant une fenêtre de sortie antérieure à la saturation du marché de l’adaptation, fracassé ultérieurement par les errements d’Uwe Boll et consorts. Surtout, entre suites indigentes et métrages d’animation fauchés, la licence ne cesse ensuite de côtoyer les tréfonds de l’aberration artistique. Le volet originel surnage donc, pour le meilleur et pour le pire.
Warner Bros. Tous droits réservés.
Il aura donc fallu attendre vingt-six ans et une web-série correcte pour assister au véritable redémarrage filmique de Mortal Kombat. Le projet convoque James Wan à la production, Simon Mc Quoid derrière la caméra (qui réalise ici son premier film) et Greg Russo, scénariste d’emblée armé d’un plan de trilogie, à l’écriture. Le tournage s’achève en 2019 en Australie, et Mortal Kombat subit immédiatement le KO technique de la pandémie de la Covid-19, amenant le film à bénéficier d’une exploitation américaine mixte, à la fois en salle et sur la fameuse plate forme HBO Max. En France, il nous arrive en achat digital le 12 mai 2021 après ses multiples reports, dans l’attente d’une probable sortie vidéo ultérieure. Toutefois, Warner, ne s’interdit pas une sortie en salle pour autant, à l’instar de ce qu’Universal avait fait en 2020 avec The Hunt.
Mortal Kombat, mortel ennui
Mais l’effet d’attente – ou curiosité vaguement malsaine – généré, en valait t-il la chandelle ? Après visionnage, la réponse n’est pas si évidente, tant la tonalité d’ensemble du métrage semble cryptique. Malgré sa désertion des salles obscures, la franchise vidéoludique Mortal Kombat semble avoir retrouvée un cap depuis 2011, année de son quasi-reboot orchestré par le studio Netherrealms. Embrassant pleinement un lore nanardesque à souhait, le jeu se vautrait joyeusement dans ses penchants grotesques, décidé à ne plus commettre l’audace de se prendre une seule seconde au sérieux.
La nouvelle version filmique choisit-elle finalement d’accepter cette vision ? Malheureusement, pas vraiment, et c’est ici que se situe la limite majeure de l’œuvre. Car dès sa scène d’introduction, Mortal Kombat version 2021 semble écrasé par ses complexes. Perdu entre ses velléités graphiques évidentes, produits de son héritage ludique, et la volonté manifeste d’intégrer à sa narration des enjeux traumatiques, Mortal Kombat laisse en chemin le spectateur, et sa potentielle immédiateté.
Racontant la quête initiatique des guerriers du royaume Terre, derniers remparts de l’humanité face aux forces occultes de l’outre-monde, le métrage s’enlise rapidement dans une bouillie émotionnelle fumeuse, offrant à ses héros une ambition de profondeur psychique qu’ils ne demandaient pas. Scorpion et Sub Zero (respectivement campés par Hiroyuki Sanada et Joe Taslim), personnages emblématiques de la licence, voient leur affrontement millénaire pollué par une intrigue secondaire balourde. Kung Lao et Liu Kang, autrefois tête de gondole de l’écosystème MK, se traînent un lourd passif difficilement justifiable. Le propos même du film est une immense contradiction, exigeant de ses protagonistes un total lâcher-prise sans en être lui-même capable.
(Not) Flawless victory
Lorsque Mortal Kombat tente de se parer de ses atouts, le résultat est encore une fois plombé par la maladresse. L’immense Hiroyuki Sanada, réduit au rang de simple produit d’appel du casting, se voit octroyé la bagatelle de deux scènes faméliques (dont les huit minutes introductives, fièrement balancées sur Internet en amont de la sortie). L’audace de faire appel à de véritables artistes martiaux, Taslim – transfuge de la castagne indonésienne – en tête, est contrebalancée par un montage excessif et une caméra ne sachant jamais ou se placer dans son processus d’iconisation des combattants.
Du divertissement décomplexé promis, il ne reste plus grand-chose. Même les fameuses Fatalitys sanglantes, teasées à l’envie durant la promotion, se révèlent bien sage. L’habitué pourra bien se raccrocher à quelques artefacts de fan service, à l’image des coups spéciaux bien connus de la saga, mais l’utilisation du Roster de combattants laisse à désirer (une pensée pour le puissant Goro, purement et simplement sacrifié). MK manque tellement de confiance dans son matériau original qu’il commet l’aveu de faiblesse d’imaginer un tout nouveau point d’entrée pour le spectateur, symbolisé par un nouveau héros créé de toutes pièces, et péniblement raccroché au lore pré-existant. Le fameux tournoi qui donne son nom à la franchise n’aura même pas lieu.
Finalement, il ne reste dans ce nouveau Mortal Kombat bien peu de motifs de satisfaction, hormis peut-être celui de voir quelques scènes d’action dépasser celles de son prédécesseur, extrêmement faiblard dans le domaine. Moins nanardeux, un tantinet plus ambitieux graphiquement, le MK 2021 n’est clairement rien d’autre qu’une rampe de lancement timide pour de potentielles suites, qui ne généreront pas d’attentes fébriles. Pour une écrasante victoire, il faudra repasser.
Critique de Marvin Montes