Lisa et le diable : la critique du film (1973)

Epouvante-horreur, Fantastique | 1h35min
Note de la rédaction :
8/10
8
Lisa et le diable, jaquette DVD

  • Réalisateur : Mario Bava
  • Acteurs : Alida Valli, Gabriele Tinti, Elke Sommer, Telly Savalas, Sylva Koscina, Alessio Orano
  • Date de sortie: 09 Mai 1973
  • Nationalité : Italien, Espagnol, Allemand
  • Titre original : Lisa e il diavolo
  • Titres alternatifs : La maison de l'exorcisme (remontage complet du film avec des scènes coupées et additionnelles)
  • Année de production : 1973
  • Scénariste(s) : Mario Bava, Alfredo Leone
  • Directeur de la photographie : Cecilio Paniagua
  • Compositeur : Carlo Savina
  • Société(s) de production : Leone International, Euro America Produzioni Cinematografiche, Roxy Film
  • Distributeur (1ère sortie) : Film inédit dans les salles françaises. La date ci-dessus est celle de la présentation au marché du film de Cannes.
  • Éditeur(s) vidéo : One Plus One (DVD, 2002) / ESC Editions (Mediabook)
  • Date de sortie vidéo : 5 août 2020 (Mediabook)
  • Box-office France / Paris-périphérie : Version non exploitée
  • Budget : 1 M$
  • Classification : -
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Présentation au marché du film de Cannes en 1973
  • Illustrateur / Création graphique : -
  • Crédits : Alfred Leone Productions
Note des spectateurs :

Dernière incursion majeure dans le cinéma gothique pour Mario Bava, Lisa et le diable est une œuvre aussi intense que maudite. A découvrir.

Synopsis : Alors qu’elle visite la ville de Tolède, en Espagne, l’américaine Lisa Reiner éprouve une sensation de déjà vu en passant devant une peinture murale représentant le Diable. Attirée par le son d’une musique familière, elle s’aventure dans les rues de la ville. Elle est alpaguée par de nombreux habitants, qui croient reconnaître en elle une femme du passé. A la tombée de la nuit, elle est recueillie par une diligence qui l’emmène à une vaste demeure habitée par une étrange famille : un jeune homme, sa mère aveugle et un valet ressemblant à s’y méprendre au Diable de la peinture murale…

Un petit bijou, resté dans un placard

Critique : Tout d’abord, il est important de préciser que nous allons ici évoquer la version initiale de Lisa et le diable, celle présentée sans grand succès au marché du film de Cannes en 1973. Effectivement, Mario Bava et son producteur Alfredo Leone ont misé gros (on parle d’un budget d’un million de dollars) sur ce retour de Bava au film gothique. Persuadés de tenir là une œuvre attractive, ils la présentent aux potentiels acheteurs qui passent tous leur tour. Considéré comme trop lent et complexe, le long-métrage reste sur les bras du producteur qui ne parvient à le vendre qu’en Espagne où il va sortir dans une version légèrement remaniée.

Face à cette déconfiture, Alfredo Leone pousse Mario Bava à revoir sa copie et à tourner des scènes additionnelles qui dénaturent totalement le projet initial pour coller au plus près au succès du moment : L’exorciste (Friedkin, 1973). Coupant une demi-heure de son film, Bava ajoute donc des séquences d’exorcisme et Lisa et le diable devient ainsi La maison de l’exorcisme. Le métrage remanié est acheté en masse et sort bel et bien sur les écrans français en 1977. Il faudra donc attendre 2002 pour que le film original voulu par Mario Bava refasse surface par le biais du DVD. Et ce que l’on pressentait alors s’est révélé exact : là où La maison de l’exorcisme est un film hétéroclite qui prend l’eau de toute part, la version initiale de Mario Bava apparaît comme formidablement cohérente au sein de son œuvre d’esthète.

Bava s’amuse à bousculer les repères du spectateur

Dans cette version que nous appellerons donc Lisa et le diable par commodité, le cinéaste déploie une fois de plus son savoir-faire d’esthète décadent au service d’une histoire tortueuse et délicieusement perverse. La première séquence où le personnage incarné par Elke Sommer se perd dans les rues de Tolède est clairement programmatique, en ce sens que le cinéaste brouille dès le départ la perception du spectateur. Débutée à l’époque contemporaine, la séquence se termine par un saut temporel audacieux qui nous ramène une bonne cinquantaine d’années en arrière. Ce glissement est effectué en douceur, de manière quasiment imperceptible, ce qui déstabilise fortement le spectateur. Par la suite, les événements étranges se multiplient au sein d’une demeure où échouent des personnages aux comportements fantomatiques.

Le cinéaste nous invite donc dans un espace-temps parallèle où le maître des lieux n’est pas nécessairement celui que l’on pense. Sorte d’errance au cœur d’un purgatoire mal défini, le film fait intervenir au bout qu’une quarantaine de minutes des meurtres mystérieux qui relancent l’intérêt. Malgré les doutes qui planent sur chaque occupant de la vaste demeure, les habitués du cinéma de Mario Bava trouveront assez facilement le coupable. Ce n’est d’ailleurs pas tant la révélation qui importe que les raisons expliquant les meurtres. Dans la continuité d’Une hache pour la lune de miel (1970), Mario Bava analyse un nouveau cas de psychose sexuelle. Il signe alors des séquences troublantes tournant autour de l’impuissance masculine, mais en abordant également des thèmes plus complexes comme le matricide et la nécrophilie. Nous n’en dirons pas davantage pour ne pas spoiler l’intrigue.

Un chef-d’œuvre d’esthétisme

On peut sans aucun doute regretter quelques défauts majeurs comme une première demi-heure un peu trop lente, des acteurs pas toujours concernés et une tendance au cabotinage de la part de Telly Savalas. Si tout n’est pas réussi dans Lisa et le diable, force est de constater que le réalisateur a mis à profit le million de dollars de budget à sa disposition pour en soigner la forme. Doté de décors riches et d’un goût exquis, d’une photographie splendide et d’un soin maniaque dans les mouvements de caméra, Lisa et le diable évoque par instants les délires baroques d’un Wojciech Has.

Le long-métrage ne cherche aucunement à expliquer l’intégralité des éléments fantastiques qu’il met en scène et laisse ainsi souffler un vent de poésie sur ce très bel objet cinématographique qui a simplement eu le malheur d’arriver trop tard dans l’histoire du cinéma horrifique. Le film semble effectivement sortir tout droit des années 60 alors qu’il fut présenté lors du festival de Cannes en 1973. Cela explique sans doute la frilosité d’investisseurs qui ne considéraient pas encore Mario Bava comme un auteur à part entière, mais uniquement comme un faiseur.

Attention, édition décevante !

Revenue d’entre les morts, Lisa et le diable parade désormais en blu-ray aux côtés de La maison de l’exorcisme chez ESC Editions. On peut toutefois regretter la qualité médiocre de la copie proposée, avec des noirs peu profonds et un grain prononcé, voire des plans flous. Décidément, le long-métrage devra encore attendre un peu pour nous être proposé dans toute sa splendeur esthétique.

Critique de Virgile Dumez

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Lisa et le diable, jaquette DVD

© 1974 Alfred Leone Productions. Tous droits réservés.

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