Ridicule de bout en bout, L’implacable ninja établit tous les gimmicks de la firme Cannon et finit par être un divertissement sympathique malgré sa médiocrité.
Synopsis : Vétéran des Forces Spéciales de l’armée américaine, Cole rend visite à son vieil ami Franck Landers qui, installé aux Philippines, refuse catégoriquement de vendre ses terres à un homme d’affaires. Loin de renoncer, celui-ci emploie dès lors l’intimidation pour obtenir ce qu’il veut, puis la violence. Rompu aux techniques de combat des ninjas, Cole intervient, bientôt confronté à Hasegawa, un mercenaire dont il ne connaît que trop bien l’efficacité dans l’art du meurtre…
Menahem Golan ressuscite la figure du ninja
Critique : En 1979, le duo Menahem Golan – Yoram Globus, deux producteurs israéliens associés (et cousins) depuis le début des années 60, rachète la petite société américaine The Cannon Group Inc. qui est en faillite. Leur but est de conquérir Hollywood en tournant notamment des films d’action pour un coût modéré, puis d’exploiter le tout au cinéma et sur le marché naissant de la vidéo locative.
Convaincu du pouvoir d’attraction des arts martiaux depuis le triomphe d’Opération dragon (Clouse, 1973) qui a fait de Bruce Lee une star mondiale, Menahem Golan cherche alors à renouveler le genre en proposant du neuf. Il consulte Mike Stone qui s’y connaît particulièrement dans le domaine et les deux complices choisissent d’exploiter le thème du ninja, ces guerriers asiatiques issus de la période féodale. Le but est donc de populariser une figure qui n’existe plus en Asie, mais peut fasciner l’Occident grâce à la pratique du ninjutsu. Il suffit pour les auteurs d’introduire ce personnage fictif au cœur du monde contemporain pour offrir un divertissement haut en couleurs aux spectateurs avides d’exotisme.
Franco Nero arrive à la rescousse
Pour cela, Menahem Golan et Mike Stone se rendent aux Philippines, terre d’accueil de toutes les productions fauchées des années 80, où ils peuvent bénéficier de décors exotiques à un prix modique. Toutefois, dès les premiers jours, Menahem Golan se rend compte de l’incapacité de Mike Stone à incarner son personnage. Certes très habile sur le plan physique, Stone n’est clairement pas un acteur valeureux. Heureusement, Golan apprend par inadvertance que l’acteur Franco Nero est actuellement présent à Manille.
L’incarnation de Django accepte ce remplacement de dernière minute, mais précise qu’il ne peut pas prendre l’accent texan attribué à son personnage (il doit donc être intégralement doublé) et qu’il n’a jamais pratiqué le moindre art martial. Du coup, le personnage principal est bel et bien interprété par Franco Nero sur les gros plans, mais ce sont les évolutions martiales de Mike Stone qui se taillent la part du lion sur les plans larges.
Des acteurs en roue libre
Si le script ne vaut déjà pas grand-chose en recyclant tous les clichés possibles, c’est finalement la présence de Franco Nero en ninja qui déclenche la plus franche hilarité. L’acteur nous gratifie ici de l’une de ses compositions les plus faibles. Visiblement uniquement motivé par le chèque à endosser, il fait le minimum syndical. Parfaitement ridicule dans son accoutrement blanc, l’acteur n’est guère plus convaincant lors des séquences plus dramatiques qu’il interprète avec nonchalance et les yeux dans le vague.
Alors que Susan George est plutôt correcte, on ne peut pas en dire autant des autres acteurs, dont un Shô Kosugi déjà passablement ridicule dans son rôle d’antagoniste. Mais le pire vient de la prestation de Christopher George en homme d’affaire précieux. Si le surjeu était un art, alors l’acteur aurait largement le droit à un Oscar d’honneur.
Golan, la lourdeur servie sur un plateau
Au milieu de ces comédiens en roue libre, Menahem Golan signe un certain nombre de scènes d’action qui se voudraient spectaculaires, mais sont le plus souvent hilarantes par leur médiocrité d’exécution. Ce qui frappe est surtout l’extrême lourdeur de l’ensemble. Afin que le spectateur comprenne l’attachement qui lie le ninja à son pote propriétaire terrien et colon de son état, Golan a par exemple recours à un flashback où l’un des protagonistes sauve la vie de l’autre durant la guerre. Cette simple séquence de deux minutes permet donc d’établir leur relation, puis d’enchaîner aussitôt avec la mort de cet ami. L’acuité psychologique n’est clairement pas le fort de Menahem Golan.
Un pur produit Cannon ou comment réaliser des mauvais films sympathiques
L’usage d’un humour douteux et le recours à une musique qui surligne chaque émotion ou réplique viennent surcharger encore un peu plus un plat déjà assez peu digeste. Toutefois, il faut bien avouer que le spectacle demeure sympathique de bout en bout, sans doute à cause de son premier degré confondant de bêtise. Les quelques effusions gore font sourire et l’ensemble du film amuse, par sa nullité même. Menahem Golan établit en quelque sorte ici les recettes qui seront systématiquement employées par la Cannon.
Le long-métrage a d’ailleurs rencontré un joli succès à sa sortie en salles aux Etats-Unis, puis en France. Mais ce sont surtout les multiples exploitations en vidéo qui ont permis un vrai retour sur investissement. Ce joli pactole a non seulement lancé la firme Cannon à l’international, mais a également permis la réalisation de deux suites tout aussi déplorables, voire plus encore. On pense ici à Ultime violence : Ninja 2 (Firstenberg, 1983), puis Ninja 3 (Firstenberg, 1984). Notons enfin que le long-métrage a initié la mode du ninja dans la culture populaire américaine des années 80, que ce soit au cinéma ou en BD (notamment les comics signés Frank Miller).
Critique de Virgile Dumez
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