Œuvre de transition, L’homme du Minnesota mêle respect envers le western américain et originalité du traitement formel à l’italienne. Une synthèse loin d’être parfaite, mais qui donne lieu à un spectacle prenant.
Synopsis : Condamné à tort aux travaux forcés, Minnesota Clay s’évade afin de retourner à Mesa Encantada. Il découvre que deux bandes rivales se disputent la petite ville, chacune cherchant à s’assurer les services de Clay, réputé fine gâchette. Mais celui-ci refuse une quelconque alliance. Il doit alors affronter non seulement la colère des deux chefs, mais aussi le désir de vengeance d’une femme manipulatrice.
Un film de transition, encore marqué par l’influence américaine
Critique : Au début des années 60, le western européen commence à se développer, avant même que Sergio Leone ne sublime le genre en lui attribuant des caractéristiques purement latines liées au baroque. Les premières œuvres étaient généralement plus respectueuses d’un certain classicisme à l’américaine, tout en abordant des thèmes plus variés.
© 1964 Gaumont (France) – Ultra Film (Italie) – Jaguar Film (Espagne) / 2016 Gaumont Vidéo. Tous droits réservés.
Lorsque Sergio Corbucci s’attaque à L’homme du Minnesota (1964), il n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine du western puisqu’il a déjà réalisé Massacre au Grande Canyon (1964) quelques mois auparavant. Toutefois, si ce long-métrage respecte encore de manière servile les canons du western américain, on commence à voir se dessiner quelques thématiques plus personnelles dans L’homme du Minnesota, nettement supérieur à tous les points de vue.
Tout d’abord, il faut signaler que Corbucci inaugure ici une série de films où le héros est handicapé. Le pistolero du film perd effectivement progressivement la vue en cours de film (ce qui est ensuite contredit par un plan final aussi inutile qu’incohérent), l’obligeant à suivre un véritable chemin de croix christique, comme nous en verrons ensuite beaucoup dans les œuvres du petit maître.
Corbucci livre un western soigné et encore sous influence
Ensuite, Corbucci semble, comme Sergio Leone au même moment, inspiré par le cinéma nippon. L’intrigue fondée sur un homme pris entre deux feux au cœur d’un village livré au pillage rappelle ainsi fortement Yojimbo – le garde du corps (Kurosawa, 1961), tandis que la cécité finale du héros nous renvoie inexorablement à Zatoichi, le masseur aveugle (Misumi, 1962). Corbucci a-t-il vraiment été influencé par ces œuvres ou est-ce simplement les hasards de thématiques dans l’air du temps ? Nous ne le saurons sans doute jamais, mais le cinéphile attentif ne peut que remarquer ces coïncidences.
Construit avec beaucoup de soin, le scénario se tient parfaitement et permet au spectateur de s’attacher au personnage principal, pris entre deux feux. Il faut dire que Cameron Mitchell, acteur américain très professionnel, apporte une belle autorité au rôle, tout en développant sa psychologie par des petites touches. Il est soutenu dans son entreprise par Georges Rivière, acteur français parfait en méchant de service dont la belle gueule contraste avec le caractère malfaisant.
Au niveau des demoiselles, les deux actrices principales sont aussi belles que rayonnantes. Enfin, au rayon des indispensables seconds rôles, les amateurs de western européen pourront compter sur Antonio Casas, toujours aussi charismatique et sur la bonhomie de Fernando Sancho dans son traditionnel emploi de bandit mexicain.
Sergio Corbucci crée quelques séquences audacieuses
Le spectacle, bien mené et sans temps mort, bénéficie aussi de quelques belles fulgurances de la part d’un Sergio Corbucci qui commence à se sentir à l’aise derrière une caméra. Ainsi, il multiplie les beaux panoramiques, tout en osant tourner une longue séquence de duel dans un silence absolu.
La cécité du personnage l’oblige à se servir de son ouïe, ce qui donne lieu à une excellente séquence de cinq minutes, intégralement muette et dépourvue de musique. Le reste du temps, le thème musical de Piero Piccioni (futur collaborateur régulier de Francesco Rosi) est une bonne surprise tant il fait la synthèse entre les scores américains et ceux des productions latines.
Aujourd’hui un peu oublié à cause du poids écrasant de chefs-d’œuvre comme Django (1966) ou Le grand silence (1968), L’homme du Minnesota ne doit pourtant pas être négligé au sein des westerns de Corbucci. Il a d’ailleurs connu un certain succès à sa sortie, aussi bien en Italie qu’en France où il a su attirer dans les salles 330 856 pistoleros. Un score très correct, amplement mérité, vu les qualités de ce produit confectionné avec soin par un artisan inspiré.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 9 mars 1966
Les westerns spaghettis sur CinéDweller
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