Les combattants est une histoire d’amour marginale, qui évoque pour le meilleur l’univers lunaire de Céline Sciamma. Le cinéma de Thomas Cailley est une authentique révélation.
Synopsis : Entre ses potes et l’entreprise familiale, l’été d’Arnaud s’annonce tranquille…
Tranquille jusqu’à sa rencontre avec Madeleine, aussi belle que cassante, bloc de muscles tendus et de prophéties catastrophiques. Il ne s’attend à rien ; elle se prépare au pire.
Jusqu’où la suivre alors qu’elle ne lui a rien demandé ?
C’est une histoire d’amour. Ou une histoire de survie. Ou les deux.
Avant Le règne animal, Thomas Calley était un combattant surdoué
Critique : Adèle Haenel retrouve enfin un rôle à la hauteur de son incroyable talent. La révélation brute de Les Diables – film de fugue adolescente d’une fougue impétueuse -, et de Naissance des pieuvres, que l’on ne présente plus, est, avec Kévin Azaïs, l’héroïne remarquable d’une histoire d’amour atypique, qui a marqué les esprits lors de sa présentation à Cannes. Il est reparti avec les prix principaux de la Quinzaine des Réalisateurs. Adèle est une actrice qui intériorise beaucoup pour relâcher à l’écran une forme de violence ou de force qui gonfle ses personnages toujours entiers. Elle incarne physiquement, vocalement et mentalement, une jeune femme éprise de sports de combat. Sa vie est une inlassable préparation au chaos, puisque dans son esprit la « Fin » va frapper. Intelligente, pugnace, c’est une « combattante ».
Les combattants d’un monde au bord de l’éffondrement
Elle entraîne dans son fantasme qui la marginalise, un jeune homme un peu simplet, joué avec une sensibilité prégnante par le comédien Kévin Azaïs. Le personnage d’Arnaud, est plus lunaire qu’immature. Bien dans ses pompes, a priori, mais en quête de sa propre place dans ce macrocosme du soleil sans boulot (c’est la crise, il faut partir, au Canada pour l’un de ses potes), il charme par une vraie gentillesse qui ne trompe pas, par son abnégation aussi, alors que ses réponses sont souvent décalées et font de lui un extra-terrestre chez les adultes. Lui aussi a besoin d’un facteur déclencheur pour lui permettre de reprendre son souffle dans un environnement exigeant où il se montre trop poli pour dire non. Il est frappé par la foudre estivale de l’amour, lors de sa rencontre musclée avec la jeune Madeleine, qui va le mettre à terre lors d’un jeu d’auto-défense sur la plage. Il va devenir à ses côtés un « combattant ».
Le premier long de Thomas Cailley a été précédé par un court métrage de 25mn, remarqué dans de très nombreux festivals, notamment aux Premiers Plans d’Angers, où il y obtint le Prix du Public. On ne le qualifiera pas de singulier tant son cinéma se situe à merveille dans une nouvelle scène du cinéma français, portée par Céline Sciamma (Naissance des pieuvres, Tomboy) ou Rebecca Zlotowski (Belle épine), où des âmes marginales nous entraînent dans des fantasmes de cinéma habillés par une musique électronique envoûtante, quasi cosmique. Ce cinéma nous subjugue souvent, en particulier Les Combattants.
La petite apocalypse
En dépit de quelques longueurs dans la deuxième moitié, le film impose son ton sans ironie, sarcasme déplacé, mais avec force, fraîcheur et simplicité. Il communique un amour plein de non-dits, où tout passe par l’intensité des regards, des actes, entre excentricité de caractères et singularité lunaires qui nourrissent le métrage d’une couche comique par l’absurde. Irrésistibles, les deux tourtereaux qui ne se trouveront physiquement que sur le tard, ce qui rend l’inévitable rapprochement d’autant plus charnel, notamment lors d’une scène empreinte de fantastique, d’onirisme cauchemardesque de science-fiction ou de film catastrophe, nous emportent volontiers dans leur cavale hors de toute réalité.
Les deux acteurs nous séduisent, leur jeu les situant parmi les meilleurs de la jeune scène française.
Les combattants est un magnifique manifeste à l’amour marginal, une déclinaison lunaire de la comédie adolescente magnifiée par les canons du nouveau cinéma français. Un film formidable.
Les sorties de la semaine du 20 août 2014
Le test DVD
DVD sommaire d’une œuvre culte en devenir qui mérite plus d’égards, notamment dans la partie suppléments.
Les suppléments : 1 / 5
Premier film prometteur, signé Thomas Cailley, Les Combattants est caractérisé par l’absence de son auteur dans la section bonus. Une petite minute de présentation du film par l’équipe en salle, une bande-annonce, plus un court-métrage de 20mn du cinéaste, c’est maigre. Pas d’interviews, de making-of… Rien. Heureusement, le court métrage vaut le détour et confirme le ton décalé du cinéaste avec un road movie atypique provoquant la rencontre attachante entre un personnage lunaire hirsute et un ado bien de son temps.
Image : 2.5 / 5
La définition est un peu sommaire. L’image manque de texture et de précision. Il vaut mieux se tourner vers le blu-ray que l’on n’a pas pu tester, mais qui fait envie.
Son : 3.5 / 5
La partition électronique qui agrémente le film ressort plutôt bien en 5.1 DD. On reste dans les canons du support, avec une certaine ampleur du score, des dialogues cristallins. Rien d’exceptionnel, toutefois.