Au cœur de paysages bretons enchanteurs, Pierre Jolivet s’engage dans un film passionnément politique pour brandir à l’écran le combat d’une lanceuse d’alerte autour d’un risque de santé publique depuis trop longtemps étouffé. Les algues vertes est un film nécessaire, mais jusqu’où?
Synopsis : Pas moins de 3 hommes et 40 animaux ont été retrouvés morts sur les plages bretonnes. L’identité du tueur est un secret de polichinelle : les algues vertes. Inès Léraud est encore une toute jeune journaliste, quand, animée par une conscience écologique, elle décide d’aller s’installer en Bretagne pour enquêter sur ce phénomène. Au gré de ses rencontres avec des lanceurs d’alerte, des scientifiques, des agriculteurs et des politiques, elle élucide non sans difficultés un demi-siècle de fabrique du silence : des échantillons qui disparaissent dans les laboratoires, des corps enterrés avant d’être autopsiés, des jeux d’influence, des pressions… La vérité vaincra-t-elle ?
Critique : Fred en 1997, En plein cœur en 1998, Ma petite entreprise en 1999. La très très grande entreprise en 2008 ont fait de Pierre Jolivet le spécialiste de la comédie réaliste et sociale. Ce qui ne l’a nullement empêché de regarder du côté du thriller avec Force majeure qui, en 1989, lui vaut la reconnaissance du public. Il n’est donc pas étonnant que la lecture de Algues vertes, l’histoire interdite, la bande dessinée d’Inès Léraud et Pierre Van Hove qui décrit des années d’enquête et dénonce l’omerta des instances politiques et industrielles autour des marées vertes qui envahissent dangereusement le littoral breton l’ait immédiatement incité à se lancer dans un film de fiction destiné au grand public.
Green Waters
Ce phénomène d’algues échouées sur les plages n’est pas récent. Mais l’intensification de l’agriculture a entraîné sa prolifération d’autant que l’augmentation de la température accélère la dégradation de ces organismes vivants, ce qui dégage non seulement une nuisance olfactive mais, surtout un gaz, l’hydrogène sulfuré, H2S, qui, suivant la concentration libérée, peut s’avérer mortel pour les hommes et les animaux.
Une enquête de fiction à la lisière du réel
Basé sur des faits réels qui lui donnent l’allure d’un documentaire, le récit s’articule autour de l’histoire personnelle d’Inès et la violence que suscite sa quête de vérité, livrant au passage une étude fouillée sur toutes les étapes de la compromission et de la lâcheté. De l’abus de pouvoir de certains lobbies (la FNSEA est largement pointée du doigt) qui, avec la complicité de politiques au mieux inertes, au pire corrompus, ont développé une agriculture intensive au mépris de tout respect écologique aux media empêtrés dans des paradoxes inextricables, le film s’achemine vers une ambiance tendue où la détresse des familles se heurte au cynisme des autorités en tous genres et où l’émergence de la vérité se trouve menacée par quelques personnages aux intentions équivoques.
Certes, le traitement réservé à la narration quelque peu scolaire, auquel s’ajoute une mise en scène sans véritable originalité, ne met pas tout à fait en valeur ce cri d’indignation face à l’abus de pouvoir. Néanmoins, sa facilité de compréhension n’est-elle pas la meilleure façon de porter aux yeux de tous ce sujet sensible qui a confronté l’équipe du film à bien des réticences locales ?
Les algues vertes magnifiquement porté par l’actrice Céline Sallette
Mais le maillon fort de cette histoire militante reste assurément Céline Sallette. Elle incarne avec la même force de conviction que dans Rouge de Farid Bentoumi, cette journaliste défricheuse de terrains minés. Sa sobriété ne laisse aucun doute sur son authenticité, tandis que la subtilité de son jeu, entre finesse et fermeté, laisse libre cours à toute une palette d’émotions.
S’il ne modifiera pas la nature des choses et encore moins celle des êtres, Les algues vertes est un film utile et passionnant qui mérite d’être vu par le plus grand nombre.
Critique : Claudine Levanneur