L’enfer : la critique du film (1994)

Drame, Policier | 1h42min
Note de la rédaction :
8/10
8
L'enfer de Claude Chabrol, affiche

Note des spectateurs :

Excellent cru de Claude Chabrol, L’enfer est une remarquable et troublante plongée dans les tourments de la jalousie et de la folie. Emmanuelle Béart et François Cluzet y sont remarquables.

Synopsis : L’enfer, c’est celui de Paul, homme comblé par une femme magnifique et un travail qui lui plait, mais qui peu à peu devient terriblement jaloux et nous entraîne dans sa folie.

Chabrol adapte un projet maudit de Clouzot

Critique : Alors qu’il piétine sur l’écriture du scénario de Rien ne va plus ! (1997), le cinéaste Claude Chabrol se voit proposer par Marin Karmitz un script d’Henri-Georges Clouzot intitulé L’enfer. En réalité, il ne s’agit non pas d’une œuvre inédite, mais bien du scénario du film éponyme dont le tournage a été interrompu en 1964. Commencé depuis quelques jours avec Romy Schneider et Serge Reggiani dans les rôles principaux, le long-métrage a d’abord subi un contre-temps à cause d’une maladie de Reggiani. Mais le coup de grâce est intervenu avec la crise cardiaque de Clouzot. Le projet maudit n’a donc jamais pu voir le jour, mais a tout de même donné lieu à un documentaire sorti en 2002.

A l’époque où Claude Chabrol accepte de reprendre le script, il décide de se baser sur une première version du scénario qui instaurait une progression dans la folie du personnage principal. C’est donc ce glissement progressif vers la jalousie, puis la violence domestique que le cinéaste tente de retranscrire à l’écran, avec une vraie force de conviction.

Emmanuelle Béart confirme, François Cluzet explose

Il faut dire que le réalisateur s’appuie sur un duo d’acteurs absolument formidable. Emmanuelle Béart est parfaite en jolie femme débordant de sensualité, mais surtout victime d’un mari en perte de repères. Elle dégage une sexualité latente qui ne demande qu’à s’exprimer, au point de troubler le spectateur. Face à elle, François Cluzet révèle une incroyable capacité à interpréter les personnages borderline (ce qui deviendra ensuite sa marque de fabrique). Déjà vu chez Chabrol dans des emplois plus discrets (Le cheval d’orgueil et Une affaire de femmes), il explose littéralement dans ce rôle qui l’a d’ailleurs remis en selle après quelques années difficiles. Toujours à la limite du cabotinage, l’acteur incarne la folie avec une outrance jubilatoire.

Toutefois, il ne faut pas négliger l’importance des seconds rôles dont un Marc Lavoine qui revenait au cinéma après une longue interruption liée à son succès en tant que chanteur. Il allait ensuite alterner ses deux activités. On apprécie aussi les contributions de vieux habitués comme Jean-Pierre Cassel, Mario David et Dora Doll. Tous contribuent à faire de ce long-métrage un plaisir immédiat.

Une métaphore maladive du cinéma ?

Mais bien évidemment, le sel du film vient de cette capacité de Chabrol à créer le malaise à partir de petits dérapages successifs. Peu à peu, le spectateur est amené à douter des images qui lui sont montrées, puisque la narration est entièrement focalisée sur le point de vue du mari jaloux. Dès lors, s’instaure un jeu subtil où le long-métrage de fiction nous contraint à suivre un personnage « qui se fait des films ». Incapable de s’en tenir à la réalité crue, le protagoniste (Paul, comme souvent chez Chabrol) bascule régulièrement dans une autofiction qui nourrit sa propre folie. Persuadé que sa femme est une catin qui s’envoie en l’air avec la terre entière, Paul bascule progressivement dans la folie sanguinaire.

D’ailleurs, la fin du film ne permet pas vraiment de trancher sur les événements se déroulant à l’écran : est-on face à un crime passionnel sordide ou simplement dans un fantasme homicide non accompli ? On ne le saura jamais puisque nous avons basculé en même temps que le personnage du côté obscur de la folie. Il est d’ailleurs intéressant de constater que Chabrol s’est fait plaisir au niveau de la réalisation de ces séquences fantasmatiques en reprenant des procédés d’Hitchcock, mais aussi de certains maîtres du bis italien. La photographie devient plus contrastée, les plans plus biscornus, avec caméra penchée et surtout cadrages irréguliers créant le malaise.

Un joli succès public

Cette magnifique spirale meurtrière, parfaitement maîtrisée, a permis de confirmer le regain de créativité du cinéaste après une mauvaise passe à la fin des années 80. Le succès fut d’ailleurs au rendez-vous avec plus de 930 000 entrées sur tout le territoire, le troisième plus gros succès de Chabrol durant la décennie. Cette belle santé artistique fut d’ailleurs confirmée l’année suivante avec La cérémonie (1995) qui restera sans aucun doute comme le meilleur film du cinéaste dans les années 90, et qui, lui, dépassera de justesse le million de spectateurs.

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Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 16 février 1994

L'enfer de Claude Chabrol, affiche

© 1994 MK2 Productions – CED Productions -France 3 Cinéma -Cinémanuel. Tous droits réservés.

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Bande-annonce de L'enfer de Claude Chabrol

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