L’Empire de la passion : la critique du film (1978)

Drame | 1h48min
Note de la rédaction :
8/10
8
L'empire de la passion, affiche de Topor (Film de Nagisa Oshima, 1978)

  • Réalisateur : Nagisa Oshima
  • Acteurs : Tatsuya Fuji, Kazuko Yoshiyuki, Akiko Koyama
  • Date de sortie: 06 Sep 1978
  • Année de production : 1978
  • Nationalité : Japonais, Français
  • Titre original : Ai no borei
  • Titres alternatifs : Empire of Passion (international), O Império da Paixão (Portugal), El imperio de la pasión (Amérique du Sud), Passionens rike (Finlande, Suède), Im Reich der Leidenschaft (Allemagne), In the Realm of Passion (USA), El imperio de los sentidos: segunda parte (Pérou), O Império da Paixão (Brésil), Imperium namiętności (Pologne)
  • Autres acteurs :
  • Scénariste : Nagisa Oshima
  • D'après le roman de : Itoko Nakamura
  • Monteur : Keiichi Uraoka
  • Directeur de la photographie : Yoshio Miyajima
  • Compositeur : Tôru Takemitsu
  • Chef décorateur : Shigemasa Toda
  • Producteurs : Anatole Dauman
  • Sociétés de production : Argos Films, Oshima Productions, Toho-Towa
  • Distributeur : Argos Films
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Arte Vidéo, Carlotta Films
  • Date de sortie vidéo : 18 juin 2024 (Coffret Ultra HD & Blu-ray Carlotta)
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 276 940 entrées / 91 017 entrées
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans (12 ans depuis 1990)
  • Formats : 1.96 : 1 / Couleur (Eastmancolor, 35 mm) / Mono
  • Festivals : Sélection Officielle Cannes 1978
  • Nominations : 8 nominations aux Japanese Academy Awards
  • Récompenses : Prix de la Mise en Scène Cannes 1978, Meilleure musique aux Japanese Academy Awards
  • Illustrateur/Création graphique : © Topor 1978. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Argos Films. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

L’Empire de la passion, successeur de L’Empire des sens pour Nagisa Oshima, est un conte onirique d’une beauté plastique époustouflante qui évoque les meilleurs films d’un autre maître japonais : Kenji Mizoguchi. Prix de la Mise en Scène à Cannes, en 1978.

Synopsis : Vers 1895, dans un petit village japonais, une femme mariée connaît une passion dévorante pour un jeune homme de vingt-six ans plus jeune qu’elle. Les deux amants décident de se débarrasser du mari, mais celui-ci revient les hanter sous la forme d’un fantôme.

Critique : Le triomphe phénoménal de L’Empire des sens que Nagisa Oshima avait réalisé, en 1975, avec le soutien français d’Anatole Dauman d’Argos Films, avait suscité le courroux de la censure nippone. Le gouvernement japonais n’avait pas apprécié avoir été dupé par l’étiquette de “coproduction française” pour expliquer un montage en France, loin des ciseaux des censeurs japonais qui n’ont pas eu le droit à intervenir durant ce qui allait devenir un film d’auteur avec d’authentiques scènes à caractères sexuelles explicites (fellations, pénétrations…). Une première à une époque où le monde était balayé par une vague pornographique d’exploitation.

Toutefois, avec L’empire de la passion, il ne faut pas se méprendre sur le titre français qui fait penser à une suite de L’empire des sens (1976), énorme succès de scandale du cinéaste. Bien sûr, il s’agit encore d’une coproduction française, puisque Dauman est encore à la production ; il y est aussi question d’un couple dévoré par le désir, les entraînant irrémédiablement vers leur perte. Mais le ton et le style du métrage sont totalement différents. Ici, pas de provocation ni de scène de sexe explicite, rien d’autre qu’une poésie de chaque instant qui va décevoir le producteur français qui espérait pouvoir vendre une œuvre plus sulfureuse. Au moins cette fois-ci, le protégé d’Anatole Dauman est à Cannes en compétition officielle quand L’Empire des Sens n’avait été sélectionné qu’à la Quinzaine des Réalisateurs où il avait rameuté les foules de journalistes et de noms de tout le milieu.

Nagisa Oshima a obtenu à Cannes le prix de la mise en scène pour cet opus et on comprend rapidement pourquoi. Chaque plan est d’une beauté touchant au sublime grâce à une photographie très travaillée, tandis que la musique utilisée avec parcimonie permet de mieux souligner l’étrangeté de nombreuses scènes. Mais ce qui marque le plus le spectateur est cette volonté de basculer doucement dans le fantastique et même dans l’onirisme. Les scènes où le spectre sort de la brume pour emporter sa femme meurtrière vers sa nouvelle demeure sont tout bonnement splendides, de même que celles se déroulant au fond du puits.

Les références qui nous viennent immédiatement à l’esprit sont Les contes de la lune vague après la pluie (1953) de Kenji Mizoguchi pour cette imbrication constante entre le monde des morts et celui des vivants, mais aussi Les amants crucifiés (1954) du même cinéaste pour la mise au ban de la société des couples adultères. Autant dire deux chefs-d’œuvre face auxquels le film d’Oshima n’a pas à rougir. Au petit jeu des références prestigieuses, on peut également citer le Kwaïdan (1964) de Masaki Kobayashi, avec lequel L’Empire de la passion entretient cette fois des liens d’ordre esthétique.

Il est rare de trouver des œuvres qui mêlent à la fois beauté esthétique irréprochable et profondeur thématique. Cet Empire de la passion y parvient haut la main, faisant de cet opus l’un des meilleurs du cinéaste.

Critique de Virgile Dumez

Disponible en blu-ray et UHD chez Carlotta.

Box-office de L’Empire de la passion

L’Empire de la passion intervient dans les cinémas français à partir du 6 septembre 1978, avec une interdiction aux moins de 18 ans. Cette semaine correspond ni plus ni moins à la 104e semaine de L’Empire des sens qui est toujours à l’affiche, sur les Champs au Balzac et au Saint-André des Arts, situé au Quartier Latin, attirant de nouveaux adultes, des cinéphiles curieux ou des étrangers de passage.

Argos, toujours à la production et évidemment à la distribution, ne trouvera pas le même succès, malgré la proximité des titres censé faciliter la paternité entre les deux longs. Malgré son prix de la Mise en scène à Cannes, L’Empire de la passion s’avère plus difficile à vendre car moins choc, moins graphique dans sa description des ébats sexuels tant recherchés par le public des années 70, enfin libéré du joug de la censure. Pourtant, la magnifique affiche de Topor, parmi les plus culte des années 70, attirait l’attention. Anatole Dauman n’est pas content.

En semaine 1, la Passion de Nagisa Oshima trouve 17 415 spectateurs à Paris-Périphérie dans 6 cinémas : le Balzac, l’UGC Marbeuf, l’Omnia, le Vendôme, le Bonaparte et l’UGC Odéon qui remportait la palme avec 6 366 étudiants, soit le 9e meilleur score pour une salle parisienne cette semaine-là. L’entrée en 16e position est décevante : L’Empire des sens, deux ans auparavant, avait suscité l’enthousiasme de 27 000 spectateurs dans seulement 4 cinémas ! La promesse d’une œuvre contenant du porno légitimée par l’étiquette film d’auteur, avait forcément précipité le tout Paris culturel dans les salles.

En semaine 2, L’Empire de la passion démontre la limite de son bouche-à-oreille, passant déjà sous la barre des 10 000 spectateurs dans son circuit toujours limité à 6 écrans. Pour Argos, la déception est de mise : 9 188 amateurs de fantômes japonais quand, pour son 106e semaine, L’Empire des sens réalisait encore 2 003 spectateurs. Semaine 3 : 7 020 passionnés sur ces 6 mêmes écrans. Semaine 4 : 5 751 et enfin 50 000 spectateurs dans le moteur.

Quand L’Empire de la passion débute sa 6e semaine parisienne (6 473 spectateurs), la production nippone démarre enfin sa tournée provinciale : le Oshima ouvre en 10e place à Lyon, avec 1 853 spectateurs, en 14e place à Marseille, avec 1 771 spectateurs,.

La semaine du 11 octobre, Argos place le film à Strasbourg (2 638), Toulouse (1661), Lille (1 490).

A Paris, pour sa 14e semaine, seulement exploité à l’UGC Danton, L’Empire de la passion trouve à peine 20 spectateurs de plus que l’increvable L’Empire des sens (117e semaine). Il finit l’année 1978 à 85 611 spectateurs, et s’éteindra assez tôt en 1979, avec un total de 91 000 cinéphiles. A l’échelle française, ce sont 276 940 passionnés qui le découvriront, soit le 3e meilleur score historique de Nagisa Oshima, derrière L’Empire des sens et Furyo, mais devant le zoophile Max mon amour, avec Charlotte Rampling et son singe, qui finirait, en 1986, à seulement 123 456 amoureux de la nature, à poil et à fourrure.

Box-office de Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 6 septembre 1978

LES COFFRETS ULTRA COLLECTOR DE CARLOTTA

L'empire de la passion, affiche de Topor (Film de Nagisa Oshima, 1978)

Affiche : © Topor 1978 – © Argis Films. All Rights Reserved

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