Film noir à forte tendance mélodramatique, Le visage derrière le masque est sans doute trop peu crédible dans ses développements narratifs, mais son ambiance sombre et ses acteurs compensent en partie ces faiblesses.
Synopsis : Janos Szabo immigré hongrois qui a eu le visage brûlé par un incendie porte un masque et commets d’horribles crimes. Il tombe amoureux bientôt d’une fille aveugle…
The Face Behind The Mask, une série B tirée d’une pièce radiophonique
Critique : Lorsqu’il réalise Le visage derrière le masque au mois de novembre 1940, le cinéaste français Robert Florey a déjà une importante expérience au cœur du système hollywoodien. Naturalisé américain dès 1926, celui-ci a rencontré un important succès avec son Double assassinat dans la rue Morgue (1932), réalisé d’après Edgar Allan Poe pour le compte de la firme Universal, avec dans le rôle principal Bela Lugosi. Pourtant, malgré cette belle réussite, la suite de la carrière de Robert Florey s’avère plus discrète au cours des années 30. Le réalisateur ne parvient jamais à s’extraire du domaine de la série B où il officie tel un stakhanoviste, dégoupillant des films d’une heure à une vitesse impressionnante.
Employé par la Columbia, il réitère dans le domaine de la série B avec ce Visage derrière le masque qui a été tourné en vingt jours pour un budget très réduit et qui pâtit d’une durée d’à peine une heure. Le scénario tiré d’une pièce radiophonique à succès semble mélanger plusieurs tendances à la mode en ce début des années 40. Ainsi, le film débute comme un pur mélodrame, avant de se convertir en film de gangsters, dans une ambiance sombre qui fait aussi songer au film noir, alors en pleine émergence. En fait, le film semble ne jamais vraiment savoir sur quel pied danser et Robert Florey échoue à lui octroyer un fil rouge cohérent.
Des thématiques freudiennes intéressantes, mais seulement effleurées
Certes, le destin de ce migrant naïf qui finit défiguré par un incendie est d’abord pathétique, mais son évolution en tant que génie du crime n’est guère crédible, de même que sa rencontre avec une jeune aveugle qui va lui rendre en quelque sorte la vue, lui qui est aveuglé par la haine. En réalité, Le visage derrière le masque est trop court pour pouvoir développer ses personnages et leur psychologie. De même, l’aspect freudien du film n’est qu’à peine abordé. Effectivement, le polar démontre de manière intéressante que l’être humain ne peut aucunement réussir sa vie au sein de la société s’il ne porte pas un masque social (Persona) dissimulant sa vraie nature. Malheureusement, cette dimension vraiment enthousiasmante sur le papier est évacuée au profit d’une intrigue mélodramatique trop forcée pour être pleinement crédible.
Pour autant, Le visage derrière le masque n’est aucunement un navet car le cinéaste Robert Florey s’est appuyé sur d’excellents techniciens qui donnent un aspect sombre à ses images. Il est surtout secondé par l’excellent Peter Lorre qui retrouvait là un rôle à sa mesure après avoir tenu le rôle récurrent de M. Moto dans la série de films qui fut consacrée à ce personnage asiatique à la fin des années 30. L’acteur peut ici à nouveau faire preuve du talent d’incarnation qu’on lui connaît. N’oublions pas que la même année, il fut l’interprète d’un rôle majeur dans le chef d’œuvre de John Huston Le faucon maltais (1941).
Un film rare à redécouvrir
Face à lui, la starlette Evelyn Keyes joue l’aveugle de manière très crédible, même si son emploi tient du pur mélodrame. Enfin, les acteurs de caractère que sont Don Beddoe et George E. Stone permettent au film noir de se suivre sans déplaisir, malgré son caractère outrancier dans le lacrymal.
Sorti aux Etats-Unis en janvier 1941, Le visage derrière le masque a connu le destin traditionnel des petites séries B. En ce qui concerne la France, le long-métrage serait ponctuellement sorti en octobre 1942 dans la zone libre – et donc pas à Paris – sous le titre que nous utilisons dans cet article, traduction littérale de The Face Behind the Mask. Ceci selon le site Encyclociné. Depuis, la série B ne semble pas avoir été éditée sur le moindre support vidéo dans nos contrées. Elle est de nos jours sortie de l’anonymat par les plateformes VOD. L’occasion de la découvrir pour tous les cinéphiles curieux.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 14 octobre 1942
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Biographies +
Robert Florey, Peter Lorre, Evelyn Keyes, Don Beddoe
Mots clés
Film noir, Les truands au cinéma, Les handicapés au cinéma