Le théorème de Marguerite retrace la trajectoire quelque peu mécanique mais néanmoins sympathique d’une jeune femme qui découvre que, contrairement à ce qu’elle pensait, les mathématiques ne peuvent pas tout résoudre.
Synopsis : L’avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l’ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.
Le théorème de Marguerite sort les mathématiques de la discipline
Critique : Que ceux à qui les cours de maths ont laissé un souvenir douloureux ne se détournent pas d’emblée de ce qui ressemble, au premier abord, à un traité de connaissances abstraites. En effet, considérant qu’un scientifique invente et crée autant qu’un artiste, Anna Novion, réalisatrice franco-suédoise à qui l’on doit Les grandes personnes en 2007 et Rendez-vous à Kiruna en 2012, nous propulse dans un univers de poésie et d’imaginaire insoupçonné.
Passionnée de mathématiques au point d’y consacrer toute sa vie, Marguerite (Ella Rumpf) n’a d’autre objectif que de parvenir à élucider la conjecture de Goldbach, l’un des plus vieux problèmes de la théorie des nombres et des mathématiques, formulé en 1742 et non résolu à ce jour.
L’ENS ouvre enfin ses portes au cinéma
L’ENS (Ecole Normale Supérieure) est un univers clos que l’on intègre comme on entre en religion, faisant de Marguerite une personne coupée du monde, plus soucieuse de son niveau intellectuel que de son apparence physique. Ce qui ne l’empêche pas d’être une jeune femme en phase avec son époque d’autant qu’elle évolue dans un univers essentiellement masculin. C’est d’ailleurs cette détermination sans failles qui la fera rejeter d’un bloc sa passion dès lors qu’elle se sentira trahie par Werner (Jean-Pierre Darroussin) qu’elle considère comme son mentor et pour qui elle nourrit un sentiment filial et court-circuitée par Lucas (Julien Frison), un jeune concurrent avec qui elle a refusé de travailler.
Malgré les injonctions de sa mère (Clotilde Courau), professeure de maths dans un collège, la jeune femme dévie de sa trajectoire initiale pour prendre enfin la vie à bras le corps sans toutefois occulter totalement la petite flamme qui continue de l’animer. Afin de rendre compte de la bascule brutale de la destinée du personnage principal, la mise en scène passe du cadre monochrome et silencieux de l’ENS au désordre coloré de la nouvelle vie de Marguerite, transformant même les équations en motifs géométriques, faisant de ce qui s’annonçait comme un récit d’apprentissage potentiellement laborieux une comédie surprenante.
Ella, elle l’a (le talent et la subtilité)
D’un regard à la fois tendre et moqueur, Le théorème de Marguerite balaie l’évolution de cette battante dont on admire la capacité à défier l’autorité. Cependant, souffrant d’une rigueur toute mathématique, le récit laisse peu de respiration à son héroïne et confisque cette part d’émerveillement qu’un sujet aussi austère traité en fiction cinématographique aurait pu répandre. Une héroïne à qui la jeune Ella Rumpf déjà remarquée dans Grave de Julia Ducournau rend hommage grâce à l’inventivité de son jeu décalé mais jamais caricatural.
Si ses compagnons de travail masculins – Jean-Pierre Darroussin que l’on découvre sous un nouveau jour, loin de ses rôles habituellement empreints de bonhomie, et Julien Frison que son jeune âge ne prive pas d’une autorité naturelle qui sied parfaitement à son élégante stature-, l’entourent avantageusement, nul doute que le film n’aurait pas tout à fait la même allure sans son charme, mélange subtil de candeur et de détermination.