Souffrant d’effets spéciaux démodés, Le sixième continent n’en demeure pas moins un film d’aventures valeureux, à réserver aux amateurs de frissons old school et de spectacles kitsch. Sympathique.
Synopsis : Pendant la Première Guerre mondiale, un sous-marin embarquant allemands et britanniques se retrouve sur une île inconnue peuplée d’animaux préhistoriques.
La firme Amicus adapte librement Edgar Rice Burroughs
Critique : Au milieu des années 70, les Britanniques tentent avec un certain succès de remettre au goût du jour le film d’aventure fantastique par la grâce d’effets spéciaux plus modernes. Le patron de la firme Amicus, Milton Subotsky parvient notamment à racheter les droits d’adaptation de l’œuvre de l’écrivain Edgar Rice Burroughs (le papa de Tarzan) consacrée aux mondes perdus. Pour mémoire, la thématique de ces mondes engloutis qui recèlent encore des dinosaures est particulièrement à la mode au cours des années 20 et Burroughs a exploité le filon dans plusieurs romans et nouvelles publiés à partir de 1924 dont The Land That Time Forgot est l’un des plus célèbres.
Pourtant, il a fallu attendre les années 70 pour que des producteurs s’intéressent à cette œuvre foisonnante, sans doute à cause des défis posés par l’adaptation d’aventures particulièrement complexes à réaliser. Afin de donner vie à ces péripéties, Subotsky fait à nouveau confiance au réalisateur Kevin Connor qui a déjà tourné pour lui Frissons d’outre-tombe (1974).
Des effets spéciaux pas toujours convaincants
Le sixième continent (1974) débute donc comme un classique film de guerre situé durant la Première Guerre mondiale. A l’aide de maquettes plutôt bien utilisées, le cinéaste nous convie à suivre la guerre sous-marine menée par les Allemands contre les Britanniques. Après plusieurs péripéties sympathiques à suivre, les équipages allemands et britanniques doivent collaborer pour survivre. Ils abordent alors un continent oublié qui dissimule non seulement des dinosaures, mais aussi des peuplades primitives qui vont donner du fil à retordre aux héros.
Si la plupart des effets spéciaux paraissent aujourd’hui largement démodés, certains tiennent encore plutôt bien la route, notamment en ce qui concerne les maquettes de navires ou encore les grands dinosaures en latex. Animés comme des marionnettes, ils apparaissent assez réalistes, même si leur vélocité pose évidemment problème. Souvent statiques, les dinosaures se contentent donc d’apparaître en transparence derrière les acteurs sans jamais vraiment les menacer. Enfin, on peut sourire devant la médiocrité des ptérodactyles qui sont incapables d’effectuer le moindre mouvement – on dirait plutôt des troncs d’arbres volants. Le travail de Roger Dicken n’arrive donc jamais vraiment à la cheville de celui de Ray Harryhausen à la même époque, et ceci malgré des techniques radicalement différentes.
Un très beau succès qui initie un nouveau cycle sur les mondes perdus
Au milieu de cette débauche d’effets spéciaux plus ou moins convaincants, les acteurs font ce qu’ils peuvent pour faire exister leurs personnages. Là où le duo formé par l’Américain (interprété par Doug McClure) et l’Allemand (incarné par le Britannique John McEnery, très juste) se révèle intéressant par ce mélange de complicité et de duplicité lié à la situation de guerre, on reste plus réservé sur le rôle de potiche tenu par Susan Penhaligon, sous-employée. Par contre, on peut se satisfaire de la grande variété des scènes d’action, d’un rythme plutôt soutenu, ainsi que de la noirceur du final. Effectivement, contrairement à bon nombre de spectacles familiaux de l’époque, Le sixième continent n’hésite pas à sacrifier une grande partie du casting principal pour arriver à une fin plutôt pessimiste qui fait encore son petit effet de nos jours.
Alors que le long-métrage n’a guère reçu de soutien de la part des critiques, Le sixième continent a connu un succès mondial totalement inattendu pour une production assez modeste (un budget autour d’un million et demi de dollars). Non seulement le film a bien fonctionné aux Etats-Unis, mais il a surtout déplacé les foules en Europe. Rien qu’en France, le film a frôlé les deux millions de spectateurs en 1976, se hissant à la 13ème marche du podium annuel. Un score faramineux qui a permis à Kevin Connor de poursuivre dans cette veine avec Centre Terre : 7e Continent (1976) et surtout avec la suite officielle du Sixième continent intitulée Le continent oublié (1977), toujours avec Doug McClure.
Si aujourd’hui Le sixième continent est un spectacle démodé et plutôt kitsch, il peut encore ravir les amateurs de ce cinéma d’aventures sans aucun second degré ni une once de cynisme. On peut donc être étonné qu’un tel succès ne soit pas édité en DVD en France. Il faut donc se replier sur la VOD pour pouvoir profiter des charmes anciens de ce spectacle fort agréable à suivre.
Critique de Virgile Dumez