Drame policier à la lisière du documentaire, Le policeman plonge dans les ghettos new-yorkais sans céder aux sirènes du tout sécuritaire. Une œuvre progressiste intéressante et malheureusement toujours d’actualité.
Synopsis : Dans le sud du Bronx à New York, le quartier le plus malfamé de la ville, se trouve un commissariat que l’on a surnommé “Fort Apache”, sorte d’avant-poste en terrain ennemi. L’officier Murphy sous ses airs de personnage cynique, tente de faire régner la justice.
Un film inspiré du témoignage de deux policiers du Bronx
Critique : Au début des années 80, l’acteur Paul Newman est au creux de la vague depuis quelques années, ce qui est notamment lié au décès de son fils Scott Newman des suites d’une overdose en 1978. La star s’investit davantage dans l’aide aux toxicomanes que dans sa carrière d’acteur et a fait des mauvais choix en cette fin des années 70. Il décide de se reprendre et s’implique pleinement dans l’adaptation du livre Fort Apache de Tom Walker qui s’inspire très directement du vécu de deux policiers du Bronx nommés Thomas Mulheam et Pete Tessitone.
Afin de parfaire son interprétation, Paul Newman ne cesse d’interroger les deux policiers, mais fait aussi des stages répétés au cœur des quartiers chauds de New York à une époque où la violence était permanente. Bref, il applique la méthode apprise à l’Actors Studio dans sa jeunesse et s’imprègne de l’atmosphère des lieux pour composer son personnage.
Le policeman : polar réaliste et progressiste
Le policeman (1981) s’inscrit donc dans une veine réaliste du film policier, ouverte notamment par des œuvres comme French Connection (Friedkin, 1971), Serpico (Lumet, 1973) ou encore Les flics ne dorment pas la nuit (Fleischer, 1972). Entre-temps, ce sont surtout les films de vigilante qui ont pullulé et décrit le New York déliquescent avec une bonne dose de racisme et de propos réactionnaires. Le challenge du Policeman est donc de s’engouffrer dans cette thématique sécuritaire, mais en donnant cette fois-ci un point de vue plus progressiste. Paul Newman est effectivement connu pour son positionnement à gauche de l’échiquier politique, tandis que le réalisateur Daniel Petrie a gardé une excellente réputation grâce à son œuvre antiraciste Un raisin au soleil (1961) avec Sidney Poitier. Les deux hommes ne pouvaient que s’entendre sur le traitement à appliquer à ce sujet pourtant explosif.
Le New York déliquescent des années 70-80 sur CinéDweller
Tourné de manière quasi documentaire dans les quartiers chauds de New York, le long-métrage n’a pas été de tout repos, car il a fallu convaincre les différentes communautés que le film ne serait pas à charge contre elles. Le résultat final est plutôt bien équilibré et fournit une description sans fard de ces portions de ville que l’on appelle ghetto. Certes, on ne passe aucunement sous silence la délinquance, le règne du crime organisé, la prostitution et pire que tout, le trafic de drogue. Mais, le film évoque également les débordements policiers par le biais d’un meurtre commis par l’un d’entre eux devant les yeux du personnage joué par Paul Newman. Dès lors, le flic balancera t-il son collègue ou fermera t-il les yeux comme l’ensemble d’une profession très corporatiste ?
De belles prestations d’acteurs
Malgré l’absence de trame narrative forte, Daniel Petrie arrive à maintenir l’attention du spectateur grâce à une qualité documentaire qui force le respect. Même si Paul Newman est bien la star du film, son jeu minimaliste s’insinue parfaitement au sein d’un casting plus anonyme. On apprécie notamment la présence magnétique de Ken Wahl, mais aussi la prestation touchante de Rachel Ticotin, plus à l’aise ici que dans l’action (dans Total Recall). Enfin, Pam Grier est parfaite en prostituée devenue folle au point d’occire tous les hommes qu’elle croise. Son destin est également significatif et poignant.
Bien évidemment, la scène où Paul Newman est confronté au décès d’un proche à cause d’une overdose renvoie directement à son propre vécu et bouleverse nécessairement, d’autant que l’acteur y est exceptionnel. Si la réalisation de Daniel Petrie sait s’effacer face à ses acteurs, on notera toutefois une bonne gestion générale des espaces urbains et des affrontements de rue. Il manque sans doute au cinéaste une part de génie qui ferait du Policeman une œuvre incontournable, mais il arrive tout de même à rendre l’ensemble passionnant de bout en bout malgré un rythme assez lent.
New York, nouvelle reine du box-office
Sorti en février 1981 aux Etats-Unis, Le policeman a généré plus de 29 millions de dollars pour un budget relativement réduit. Sa promotion a été galvanisée par des polémiques ethniques, sur la représentation des communautés afro-portoricaines. Se positionnant entre Le loup garou de Londres et Halloween II, le polar entre dans le top 15 annuel. Il s’agit du plus gros succès personnel de Paul Newman depuis plusieurs années, ce qui allait être confirmé ensuite par les beaux scores américains d’Absence de malice (Pollack, 1981) et Le Verdict (Lumet, 1982). En France, Le policeman a su s’imposer, restant trois semaines consécutives en première place, durant le mois de juin 1981. New York 1997, sur une thématique urbaine proche, prendra sa succession. Avec un joli score de 1 291 830 spectateurs sur tout le territoire national, Le policeman sera le plus gros succès personnel de Paul Newman dans l’Hexagone durant les années 80, juste devant La couleur de l’argent de Martin Scorsese, avec Tom Cruise (1987).
Bizarrement, le long-métrage est rapidement sorti en VHS chez Sunset Vidéo, puis a disparu des écrans radar en France. Aucun DVD ne semble avoir été pressé dans nos contrées et désormais, le film est présent uniquement sur des plateformes dématérialisées. Un destin curieux pour une œuvre au potentiel toujours réel, d’autant que sa thématique centrale est encore cruellement d’actualité.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 3 juin 1981
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© 1981 Producers Circle – Time Life Films – Time-Life Television Productions / Affiche : Michel Landi © ADAGP Paris, 2020. Tous droits réservés.