Premier film attachant et touchant, Le paradis emporte le spectateur dans une romance queer jamais niaise et traversée d’un souffle lyrique porteur de vie et d’espoir. A découvrir.
Synopsis : Joe, 17 ans, est sur le point de sortir d’un centre fermé pour mineurs délinquants. Si son juge approuve sa libération, il ira vivre en autonomie. Mais l’arrivée d’un nouveau jeune, William, va remettre en question son désir de liberté.
Trouver l’amour là où il ne devrait pas advenir
Critique : Lorsqu’il démarre l’écriture de son premier long-métrage de cinéma, le jeune cinéaste belge Zeno Graton se souvient de l’expérience vécue par l’un de ses cousins qui a été incarcéré à la suite d’un délit mineur et qui a souffert de cette punition. Dans son esprit, Le paradis (2023) devait donc dénoncer une justice aveugle et désemparée face à une jeunesse de plus en plus incontrôlable. Toutefois, en cours d’écriture, Zeno Graton a eu l’intelligence de nuancer son propos et de montrer une situation complexe où il est bien difficile de prendre parti. A cela, il a ajouté une histoire d’amour aussi douloureuse que solaire au cœur d’un établissement qui tient de la maison de redressement.
Dès le départ, le long-métrage décrit le quotidien de ces institutions chargées de remettre sur le droit chemin des adolescents en rupture avec la société. Toutefois, si leur fonctionnement paraît plutôt adapté dans un premier temps, le spectateur en découvre petit à petit les errements et surtout l’impasse dans laquelle se retrouvent les plus indépendants et récalcitrants pensionnaires. En fait, la grande force du long-métrage vient de son envie de croquer la vie à pleine dents et de traquer les forces de vie à l’intérieur d’un lieu qui en est l’antithèse.
Le paradis, une romance homosexuelle lyrique
Dans le cas de ce centre fermé pour mineurs délinquants, les éducateurs ne sont pas montrés comme des êtres mal intentionnés mais ils sont bel et bien au service d’une société qui entend recréer une normalité et la faire respecter. A l’intérieur de ce cadre rigide, Zeno Graton met donc en place une romance homosexuelle entre deux jeunes détenus dont l’un est d’origine maghrébine. Pourtant, le personnage semble assumer son statut de gay et entend donc vivre sa passion pour son codétenu au grand jour. Mais la société est-elle vraiment prête pour une telle romance et pour la liberté qu’elle suppose ?
Photo : Kris De Witte. Tous droits réservés.
Remarquable par son traitement ouvertement lyrique, Le paradis cherche à évoquer la passion amoureuse dans tout ce qu’elle peut avoir de plus beau, comme une force de vie et de résilience pour des jeunes en manque de repères. Doté d’une photographie chatoyante, mais aussi d’une très belle partition musicale de Bachar Mar-Khalifé, artiste libanais ici très inspiré, Le paradis bénéficie surtout d’une interprétation magistrale de la part de son jeune casting.
Des personnages bien écrits et servis par d’excellents acteurs
Ainsi, Khalil Gharbia et Julien De Saint Jean forment un couple qui fonctionne parfaitement à l’écran. Le premier est un impétueux jeune homme entreprenant, tandis que le second est magnifique de fragilité intérieure. On notera d’ailleurs que Julien De Saint Jean était déjà excellent dans un rôle assez proche pour le joli Arrête avec tes mensonges (Olivier Peyon, 2022). Face à eux, Eye Haïdara s’impose une fois de plus comme une actrice charismatique dans le rôle d’une éducatrice au tempérament bien trempé.
Tous les acteurs apportent leur sensibilité à fleur de peau à ce très joli premier film qui convainc davantage dans son aspect romanesque que dans son constat sociologique. Dans le domaine du film sur les maisons de redressement, on lui préfère notamment l’excellent La tête haute (Emmanuelle Bercot, 2015), assurément plus mature dans son approche. Toutefois, Le paradis compense cette légère faiblesse par un certain sens de la révolte et son envie de bouffer la vie qui correspond bien à ses personnages. Dans tous les cas, il s’agit d’un premier film réussi et très prometteur pour la suite.
Le paradis reste à découvrir après un passage rapide en salles
Après avoir été présenté au Festival de Berlin, Le paradis est sorti dans une petite combinaison de 40 salles françaises à partir du 10 mai 2023. Pour son investiture, le drame homosexuel a attiré 8 324 spectateurs français. Malheureusement, la deuxième semaine a entrainé une importante chute des entrées et le métrage franchit péniblement les 10 000 tickets vendus. Perdant environ 50 % de ses entrées de semaine en semaine, Le paradis vit un véritable purgatoire et finit sa trajectoire au bout de sept semaines d’exploitation avec 13 501 spectateurs dans sa besace. Depuis, le film est paru uniquement en DVD, réservant donc la version HD à la VOD. Ce premier essai mérite vraiment une deuxième chance auprès des cinéphiles.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 mai 2023
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Affiche : Silenzio. Photo : Kris De Witte. Tous droits réservés / All rights reserved
Biographies +
Zeno Graton, Eye Haïdara, Khalil Ben Gharbia, Julien De Saint Jean, Jonathan Couzinié
Mots clés
Films LGBT, Films sur la prison, Romances adolescentes, Cinéma belge