Succès de vidéo-club en France, avec de nombreuses sorties sous l’impulsion de South Pacific Vidéo et Carrere, Le monstre attaque est bien connu par une certaine génération d’amateurs de séries B, ceux qui ont connu l’âge d’or de la vidéocassette indépendante. Cette série B d’exploitation restera pour avoir snobé la Fox et Ridley Scott en s’affichant dans les salles comme un Alien 2. Improbable mais vrai.
Synopsis : Tandis que toutes les radios et télés de San Diego commentent la mystérieuse disparition de deux astronautes lors de leur retour sur Terre, et que d’étranges pierres bleues font leur apparition sur la côté Est, Thelma Joyce s’apprête à une nouvelle exploration souterraine avec son équipe de six spéléologues. Parmi ceux-ci, Burt ramasse un de ces jolis cailloux qu’il offre à sa collègue Jill. Bientôt, les spéléologues s’enfoncent sous terre, hors de portée du monde, loin d’imaginer que la pierre renferme une entité qui les contaminera l’un après l’autre…
Une série B méconnue des amateurs de cinéma de genre
Critique : Le monstre attaque est irrémédiablement rattaché à son époque, le début des années 80, qui était celle de l’explosion de la vidéocassette (Bétamax, V2000 et VHS) et des éditeurs indépendants qui pullulaient. Omniprésent dans les vidéoclubs, la série B italienne est forcément bien connue de ceux qui fréquentaient ce genre de lieu de cinéphilie révolutionnée par l’accession à des catalogues de film inédite en près d’un siècle de cinéma.
En salle, en revanche, Le monstre attaque ne jouit pas d’une grande renommée. A l’exception des Italiens qui l’ont accueilli avec un certain succès sous le titre d’Alien 2, peu de spectateurs a pu le découvrir sur son format initial, avec l’atout de la Dolby Stéréo dont il était curieusement attifé. Ainsi, en France, ce fut très compliqué de le voir sur un grand écran, puisque la production italienne a connu une distribution incertaine.
Le film dispose bien d’un visa du CNC qui l’a estampillé d’une interdiction aux moins de 18 ans, d’un stock d’affiches de cinéma à foison qui courent les sites de revente, mais sa présence effective en salle reste difficile à pointer, puisqu’à Paris il n’est jamais paru. En revanche, selon le CNC, il aurait connu une distribution provinciale pour le moins chaotique à partir du 25 novembre 1981, soit 11 mois après avoir obtenu son visa. On le trouve tout de même en 1983 dans des cinémas de stations balnéaires, à l’occasion de programmation nocturne.
Le film a plus ou moins sombré dans l’oubli, tout en demeurant d’actualité tout au long de l’ère du DVD et même blu-ray. Ses ayants-droits ont ainsi permis son exploitation sur de nombreux marchés, notamment aux USA, au Royaume-Uni, en Allemagne, et tardivement, en France, avec en 2024, une édition chez Le Chat qui fume.
Maintes fois exploité Le monstre attaque ? Pas étonnant, puisqu’Alien 2 – Sulla Terra a été conçu comme un pur film d’exploitation, une série B sans budget, tournée essentiellement dans une grotte en Italie, pour une misère, et sur fond de quelques paysages désertiques ou urbains en Californie. Beaucoup de stock-shots viennent également donner une carrure de film de science-fiction à cet ersatz d’Alien le huitième passager, avec des plans aériens, spatiaux et marins issues d’archives qui ont d’ailleurs affreusement vieillis par rapport à la qualité de l’image proposée sur le master vidéo restauré.
Le réalisateur Ciro Ippolito, qui a tout fait (ou presque dans le film), improvisant le script, produisant et réalisant les effets spéciaux, ne se prédestinait pas à passer derrière la caméra pour cet exercice. La mise en scène avait été promise à Biagio Proietti qui a dû jeter l’éponge très rapidement. Mario Bava est contacté ; il aurait suggéré à Ippolito d’accomplir ce boulot avec quelques petits conseils clé en main.
Un rip-off d’Alien le huitième passager qui pompe sans vergogne
La trentaine fraichement passée, le scénariste Ippolito (Les contrebandiers de Santa Lucia), qui travaille assidument avec la star locale Mario Merola, profite en 1979 d’un flou autour de la marque « Alien » pour utiliser éhontément le titre Alien 2, en s’inspirant d’un certain Ridley Scott. La Twentieth Century Fox lui intente un procès qu’il gagnera en mettant en avant un obscur roman anglais de la première moitié du siècle. Il bénéficie alors du flou juridique autour de la propriété du mot “Alien”. Lucio Fulci vient de faire la même chose avec L’enfer des Zombies (Zombi 2, en Italie) inspiré du triomphe de George A. Romero, Zombies… Pourquoi ne trouverait-il pas son heure de gloire en exploitant à son tour l’inspiration américaine avec l’ingéniosité du système D rital. Aussi, il prendra le nom de Sam Cromwell pour vendre son film à l’international, la France comprise.
Le monstre attaque, Contamination, L’avion de l’apocalypse : une trilogie crépusculaire
Avec un fond de poche, le futur réalisateur du (catastrophique) Arrapaho (1984) va en garder l’intensité de ton entre ambiance crépusculaire, usant d’excentricités musicales progressives (entre deux pistes folk-country) ou d’un premier degré que l’on retrouvera avec plus ou moins de succès dans nombre de productions italiennes de S.F. de cette époque dingue : Contamination de Luigi Cozzi sortira en Italie quatre mois plus tard, en 1980, avec la même source d’inspiration en tête et un bon tempo, puis décollera L’avion de l’apocalypse d’Umberto Lenzi huit mois après.
Le monstre attaque est le plus fauché de tous, avec un casting restreint et une unité de lieu qui tarde quand même à se mettre en place. Le début du film s’orchestre maladroitement sur fond d’une mission spatiale rentrée curieusement vide de présence humaine à son bord. Où est passé son équipage ? On le découvre assez vite avec une première attaque extra-terrestre assez furtive, sur une plage… Une enfant attaquée par une mystérieux forme échouée sur la plage. Le gore s’invite le temps d’un plan très vite coupé.
Un thriller cavernicole trop souvent privé de lumière
Il faudra attendre longtemps avant que l’action puisse reprendre, le temps de l’interminable préparation d’un groupe de jeune spéléologues pour une aventure qui sera mortelle… L’idée économique de la grotte est visuellement catastrophique pour l’époque. En VHS, le rendu sera déplorable, diminué par des copies fatiguées qui ne trouvaient guère l’appui technologique des téléviseurs, forcément limités dans les années 80. Rassurez-vous, le blu-ray de bonne facture permet à ces séquences souterraines de jouir d’un excellent rendu.
Il n’empêche que le temps est long et que Le monstre attaque pâtit énormément de ses approximations de rythme : le film reste qualifié de nanar ou de raté aux yeux de tous.
Une réalisation prétentieuse qui ne manque pas d’effets
Néanmoins, dans sa médiocrité de produit à peine larvé, le réalisateur Ciro Ippolito ne manque pas de prétention. Sa réalisation est en tous points arty. Il envisage toujours des angles, des effets de lumière ou de montage qui paressent très abstraits pour un produit de série B comme celui-ci.
Ses choix s’intercalent de façon curieuse entre la décennie d’expérimentation des années 70 et la mainstreamisation du cinéma horrifique des années 80. Ce thriller de cavité, faute d’être de qualité, parvient néanmoins à intéresser celui qui abhorre les tonalités télévisuelles de certaines productions américaines de cette nouvelle décennie naissante, flemmarde et sans idée. C’est caverneux, un peu barbare, en tout cas, parfois féroce. Et puis, on y retrouve un jeune acteur quasi débutant qui deviendra un cinéaste bien aimé : Michele Soavi, sous le pseudonyme de Michael Shaw. Dans le rôle principal, celui d’une spéléologue télépathe, l’actrice Belinda May, poursuivra une longue carrière, allant de Nigtkill, à Krull, en passant pas Signé Lassiter et même un certain Vivre pour survivre de Jean-Marie Pallardy, aux côtés de Robert Ginty et Fred Williamson.
Tout cela ne fait nullement du Monstre attaque un film à conseiller, mais le résultat se pose en vraie curiosité pour les amateurs de bisseries ritales d’un âge d’or loin d’avoir sombré dans la nullité de ce qui se produira quelques années après.