Le dernier des Mohicans : la critique+ le test blu-ray (1992)

Aventures, Action | 2h02min
Note de la rédaction :
8/10
8
Le dernier des Mohicans de Michael Mann, avec Daniel Day-Lewis

  • Réalisateur : Michael Mann
  • Acteurs : Daniel Day-Lewis, Madeleine Stowe, Jared Harris
  • Date de sortie: 26 Août 1992
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Last of the Mohicans
  • Scénaristes : Christopher Crowe, Michael Mann, d'après le roman de James Fenimore Cooper (1826)
  • Compositeurs : Trevor Jones, Randy Edelman
  • Distributeur : AMLF
  • Editeur vidéo : Warner Bros (VHS), Warner Bros (DVD, 2012), ESC (DVD-Blu-ray, 2019)
  • Date de sortie vidéo : 18 septembre 2002 (DVD) / 12 novembre 2019 (DVD/Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1 241 932 entrées / 326 953 entrées
  • Box-office USA : 75 000 000 $
  • Budget : 40 000 000 $
Note des spectateurs :

Cette adaptation du Dernier des Mohicans porte le sceau de Michael Mann, cette rigueur élégante et jamais réduite au formalisme.

Synopsis : En 1757 dans l’État de New York, alors que la guerre fait rage entre Français et Anglais pour l’appropriation des territoires indiens, un jeune officier anglais, Duncan Heyward, est chargé de conduire deux sœurs, Cora et Alice Munro jusqu’à leur père. Ils sont sauvés d’une embuscade par Hawkeye, un frontalier d’origine européenne, élevé par le Mohican Chingachgook et son fils Uncas. Les trois hommes acceptent d’escorter les deux jeunes filles jusqu’à leur destination.

Critique : Plus qu’une adaptation du classique de James Fenimore Cooper, la version de Michael Mann est le remake d’un film de 1936 qui l’a marqué enfant. Mais si la patte du cinéaste éclate presque à chaque plan, c’est qu’il s’est approprié ce scénario pour en faire une œuvre personnelle, profonde et fondée moins sur l’épique que sur la précision méticuleuse qui, loin du fade réalisme, produit un étonnant effet de poésie lyrique. La musique y contribue certes, avec son mélange de symphonique et de celtique, mais c’est plus dans la mise en scène et le montage que Le dernier des Mohicans acquiert sa pleine dimension. Sa construction d’abord, qui s’ouvre et se ferme sur un hommage à un mort (le cerf au début, le fils à la fin), signe assez la (re) création d’un monde autonome, comme une parenthèse dans la carrière de Mann, un hommage aux origines : origines cinématographiques (voir le suicide présent dans Naissance d’une Nation de Griffith), personnelles (film marquant de l’enfance) et nationales (l’inscription dans l’Histoire, le « roman national » revisité, avant le western). Et dans ce monde autonome, balisé par des scènes obligées, Mann revisite un synopsis connu (la quête d’Hawkeye pour sauver sa belle dans un contexte de guerre violente), le réinvente en privilégiant quelques axes narratifs.

Daniel Day-Lewis dans Le Dernier des Mohicans

© 1992 Morgan Creek International

Ce qui frappe d’abord, c’est l’utilisation des décors naturels : certes, il y a une chute d’eau, une falaise qui dénoue le drame. Mais pour l’essentiel, l’action se situe dans des lieux fermés (forêts, forts) dont l’horizon est systématiquement bouché, quand ce n’est pas la brume ou la fumée qui opacifient le plan. La forêt est à la fois le symbole de la primitivité heureuse (liée à l’amour franc, à la rêverie) et du danger (les embuscades) ; quant aux forts, ils sont associés à des illusions, illusion de sécurité, de civilisation. Car cette civilisation des Blancs, incompréhensible comme le dit Hawkeye, agit au nom d’intérêts complexes et de valeurs abstraites qu’ils n’hésitent pas à bafouer. D’où cette impression de confusion, de guerre absurde, que traversent les héros en essayant de s’en préserver, alors qu’elle ne cesse de les engluer.

Le dernier des Mohicans est un film au rythme très classique, dans son alternance d’actions et de séquences dialoguées, mais il repose sur une perpétuelle menace que traduisent les mouvements fréquents : les corps sont soumis à des déplacements longs, au pas ou à la course, et à des chutes violentes, qu’elle soient dues à des attaques ou à des vexations. Cette succession amplifie la sensation d’instabilité permanente qui, in fine, renvoie à la fragilité de la vie humaine. Même les grandes scènes d’action, comme l’attaque du fort, semblent brouillées, morcelées, impossibles à percevoir réellement. En jouant d’habiles ellipses, Mann renforce encore l’aspect troué de sa narration, déjouant la transparence classique dont il semble s’inspirer et qui ne se retrouve qu’à la fin, limpide, spectaculaire, majestueuse. Au fond le film laisse un souvenir d’obscurité, de montée vers une lumière crue dont la franchise, si elle permet le dénouement, ne le fait qu’au prix d’une grande cruauté : la mort y est le vrai vainqueur, comme dans une tragédie. Le happy end ne peut exister qu’en parallèle avec la destruction, des personnes, des peuples.

De cette histoire complexe Mann tire une œuvre évidemment soignée, continuellement bondissante, dans laquelle il brasse des thèmes (l’engagement, la filiation, l’indépendance) savamment entrelacés comme le sont les musiques. Rien de lourd (ou presque, de rares répliques ou des ralentis attendus), mais un art là encore très classique de la narration combinant efficacité et profondeur. Le cinéaste y est à son aise, même dans la reconstitution très fine, faite de détails : comment scalper, comment charger un fusil du dix-huitième siècle, comment écraser des fruits. Si ces précisions ajoutent à la densité du récit, elles ne sont jamais mises en avant, mais renforcent l’impression d’authenticité : pas de clin d’œil, ni de second degré. La force du métrage, c’est bien plutôt de retrouver sans la copier l’intégrité d’un Ford auscultant le passé pour délivrer un jugement moral, jamais moralisant.

Sorties de la semaine du 26 août 1992

 

Le dernier des Mohicans de Michael Mann, avec Daniel Day-Lewis

© 1992 Morgan Creek International

Le test Blu-ray

 Compléments : 5/5

C’est Byzance : sur le premier disque, deux conversations captivantes, l’une avec Mann (36mn), l’autre avec Christophe Gans (24mn), analysent le film sous divers axes (la reconstitution, les thèmes, la préparation, etc.).

 

Les amateurs de curiosités ne manqueront pas la version qui a inspiré Mann (George B. Seitz, 1936, 1h32) pour y repérer les nombreux emprunts. Le film est enjoué, vivace, avec ce qu’il faut de naïvetés et d’entrain, le tout dans une copie très acceptable. Sur le Blu-ray figurent deux bonus, aussi divers qu’intéressants : un court entretien avec Iac sur les mœurs indiennes (11mn), et une analyse érudite du métrage par Christophe Champclaux (24mn).

Le dernier des Mohicans Cult Edition, chez ESC

© 1992 Morgan Creek International – Design 2019 : ESC

Enfin, le coffret propose la version « director’s cut », à vrai dire pas emballante puisque les ajouts parcimonieux explicitent ce qui était tellement simple et beau. En revanche, les deux suppléments valent le coup d’œil : le compositeur Trevor Jones partage sa vision de la musique du film et ses rapports avec Mann ((37mn), et François Guérif analyse le roman, qu’il a fait rééditer, apportant ses connaissances livresques et indispensables ; on apprendra notamment que l’histoire a donné naissance à un opéra (17mn).

 L’image : 3,5 / 5

Le carton initial prévient que la copie présente quelques défauts. Ils sont néanmoins modestes, réduits à de rares plans instables et une définition un peu en-deçà des canons actuels. L’image est néanmoins toujours parfaitement lisible et les couleurs pimpantes.

 Le son : 4/5

La VO (5.1  DTS HD) est particulièrement efficace : la musique enveloppante, les détonations percutantes et les dialogues limpides, tout concourt à notre bonheur. En revanche la VF est moins dynamique. La version de 1936 et la « director’s cut »  ne comportent pas de VF.

Critique et test BRD : François Bonini

 

 

Trailers & Vidéos

trailers
x
Le dernier des Mohicans de Michael Mann, avec Daniel Day-Lewis

Bande-annonce du film Le dernier des Mohicans

Aventures, Action

x