Très inégal, Le cercle noir entend mélanger les ambiances de L’inspecteur Harry et du Parrain, mais échoue à proposer une intrigue qui tienne la route. Décevant.
Synopsis : Lou Torrey, un inspecteur de police new-yorkais aux méthodes expéditives, est muté à Los Angeles, où il va se retrouver aux prises avec la mafia. Un complot semble être organisé par les pontes de l’organisation criminelle italo-américaine : engager des vétérans du Vietnam afin de tuer leurs ennemis. Mais Torrey a besoin de plus d’informations et de preuves pour agir avant que le plan ne soit mis à exécution…
Critique : Au début des années 70, le producteur italien Dino de Laurentiis entend confirmer son implantation sur le marché américain et dégaine sa carte la plus lucrative en s’offrant les services de l’acteur Charles Bronson. Le producteur vient notamment de connaître un beau succès sur les terres de l’Oncle Sam grâce à Cosa Nostra (Young, 1972) et il compte profiter de cette embellie dans la carrière de Bronson pour mieux s’implanter à Hollywood.
© 1973 Renewed 2001 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.
Il met en chantier l’adaptation d’un roman noir de John Gardner publié en 1969, dont l’action est toutefois transposée aux Etats-Unis, en lieu et place de l’Angleterre. De même, le scénario de Gerald Wilson intègre des éléments propres à séduire le grand public de l’époque, en insistant notamment sur le côté implacable du personnage principal, ou en décrivant le milieu de la mafia.
Effectivement, dès les premières minutes de ce Cercle noir (titre français qui ne se justifie jamais, sauf pour profiter du succès du film de Melville Le cercle rouge), le spectateur prend en pleine face les deux références du long-métrage. Tout d’abord, l’inflexibilité du flic incarné par Bronson renvoie directement à L’inspecteur Harry (Siegel, 1971) qui vient de casser la baraque et que Michael Winner tente de copier. Ensuite, la description des crimes de la mafia, et notamment les bains de sang dus à des fusillades, nous ramène à la case du Parrain (Coppola, 1972) qui vient de redonner ses lettres de noblesse au film de gangsters.
Toutefois, on peut également considérer que ces deux influences majeures sont un peu écrasantes pour le long-métrage de Michael Winner. Effectivement, l’incursion du réalisateur dans le genre est pour le moins pataude. Alors qu’il a su magistralement diriger Bronson dans l’excellent western Les collines de la terreur (1972), il est beaucoup moins à l’aise ici. Non seulement Bronson apparaît vraiment monolithique, mais il ne peut s’appuyer sur un solide scénario pour compenser.
Confuse, et finalement pas vraiment intéressante, l’histoire se délite assez rapidement et Le cercle noir paraît surtout adopter la figure de la fuite en avant, en multipliant les sous-intrigues sans que cela n’apporte rien à l’ensemble. Pour compenser ce manque évident de structure narrative, Michael Winner fait feu de tout bois et aborde de manière superficielle de nombreux sujets. Totalement anecdotique en matière de polar, Le cercle noir est aujourd’hui vaguement intéressant pour ce qu’il révèle des Etats-Unis du début des années 70.
En tant que citoyen britannique, Winner regarde les Etats-Unis de manière détachée et se moque ouvertement d’un peu tout le monde. S’il dénonce par exemple le racisme prononcé des flics ricains, il caricature également le mouvement hippie et livre des observations réactionnaires qui font parfois sourire (ou froid dans le dos, selon sa sensibilité). Il révèle en tout cas un profond malaise qui infuse dans l’ensemble de la société américaine, alors en plein doute. Il ose notamment aborder le problème du retour difficile à la vie civile des vétérans du Vietnam. Toutefois, ces différentes thématiques sont essentiellement abordées à grand coups de phrases catégoriques qui affaiblissent fortement leur portée sociologique.
Du Cercle noir, on sauvera donc uniquement une bonne course-poursuite entre une voiture et une moto, ainsi qu’un règlement de comptes final très sanglant entre truands. Le reste est passablement insipide et laisse le sentiment désagréable d’avoir perdu son temps.
Gros échec commercial aux Etats-Unis, le film a connu une carrière plus favorable en Europe, et notamment en France où la province a chaleureusement accueilli une fois de plus Charles Bronson. Avec plus d’un million de spectateurs, la star confirmait alors son pouvoir d’attraction sur le grand public français, et ceci malgré la qualité plus que contestable du long-métrage.
Le cercle noir peut donc être considéré comme un galop d’essai dans le polar urbain pour le duo qui allait dégoupiller un an plus tard Un justicier dans la ville, nettement supérieur.
Critique du film : Virgile Dumez
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