Le camion de la mort est un post-nuke néo-zélandais de facture médiocre, mais loin de la nullité des productions ritales de son époque. Evidemment, Mad Max, pierre angulaire du genre, demeure à des univers de ses nuages de fumée.
Synopsis : Après l’ère du pétrole, les nations ont fait faillite, les gouvernements sont tombés, un nouvel âge sans loi s’est établi. Fuyant les villes, les populations ont créé dans les campagnes des communautés qui vivent en circuit fermé, retranchées derrière les fortifications qu’elles ont érigées pour se protéger des pillards. Mais leurs palissades sont inefficaces face à la puissance du camion blindé de Straker, l’homme qui s’est taillé un empire basé sur la violence et la cruauté. Face à Straker va bientôt se dresser un mystérieux personnage en armure. Il s’appelle Hunter, c’est un ex-commando qui vit retiré du monde et se déplace à moto…
Le camion de la mort défonça le palmarès d’Avoriaz et le box-office
Critique : C’est George Miller lui-même, en 1983, qui a présidé le jury ayant remis son prix spécial, à l’ersatz de son Mad Max, Le camion de la mort. L’ironie veut que le film de Harley Cokeliss se partageait ce prix spécial avec un autre post-nuke, français cette fois-ci, Le dernier combat du débutant Luc Besson. De quoi donner des ailes au poids lourd customisé, annonciateur d’un futur Terminus avec Johnny Hallyday en 1987, et qui allait connaître un vrai succès français, avec pas moins de 575 618 entrées lors d’une longue carrière poursuivie longtemps longtemps après sa sortie hivernale dans les cinémas des stations balnéaires de France durant l’été 83.
A une époque où la science-fiction et la dystopie post-nucléaire alimentaient les cinémas de quartier et autres salles de province, cartonnant en VHS, l’influence de Mad Max était manifeste. Le phénomène de société australien longtemps classé X, est de tous les plans du Camion de la mort, qui ne lui arrive pas à la cheville. Ici, le désert aride est une image de la Nouvelle-Zélande qui a servi de lieu de tournage.
Avec des grands noms comme Jean-Jacques Annaud ou Alan J. Pakula pour décerner ce prix du Jury, on restera un peu dubitatif face à cette décision. Le camion est très loin d’être aussi mauvais que les séries Z italiennes qui pullulaient sur le même sujet (2020 Texas Gladiators, Les prédateurs du futur, Le gladiateur du futur...). Mad Max de George Miller n’avait pas inventé un genre, mais en tout cas avait sublimé une production communément appelée le post-nuke déjà vivace au milieu des années 70 (La course à la mort de l’an 2000, Apocalypse 2024, Les survivants de la fin du monde, Les gladiateurs de l’an 3000…). Clairement Le camion de la mort, dans son script dépourvu de toute audace, n’apportait rien à des thématiques éculées. La série B manquait surtout de psychologie faute de personnages charismatiques qui puissent susciter l’envie de suivre leur leadership et combats.
Retour vers les futurs de Claude Gaillard
Pour financer ce projet, le réalisateur Harley Cokeliss, réalisateur de deuxième équipe sur L’empire contre-attaque, trouve en Roger Corman un mécène au premier abord généreux, puisqu’il financera la moitié de sa course à la mort ou du moins dans les intentions, puisque le nabab de la série B américaine diminuera largement sa participation au projet où la quête de l’eau est ici remplacée par celle de l’essence, dans un monde fortement radioactif. Forcément, l’absence de budget donne naissance à des décors chétifs et il faut bien la maestria d’un George Miller pour pouvoir exploser les contingences par un sixième sens cinématographique.
Post-nuke fauché, Michael Beck en tête d’affiche, sortie de route assurée ?
Dans Le camion de la mort, la géopolitique de l’époque se mêle aux fantasmes d’un monde post-nucléaire, où, à l’instar des Walking Dead des décennies plus tard, sévit une humanité contrainte à la barbarie (le gang qui sévit à bord du dit “camion de la mort”) ou au communautarisme zadiste et précaire. Au cœur d’un script linéaire sans surprise, des trahisons, des méchants v(i)oleurs (attention, on ne touche pas à l’héroïne pourtant poursuivie tout au long du film, celle-ci étant la fille de la tête du gang), des assassins assoiffés de diesel alimentent mal le scénario.
Au milieu de ce monde en proie au chaos, un rebelle solitaire vient sauver sa communauté tout en restant en retrait de celle-ci. Ici point de Mel Gibson en Max dingue, mais Michael Beck. L’acteur faussement à la mode depuis le succès des Guerriers de la nuit (1979) pâtissait d’une image bien écornée par les mégaflops successifs de Xanadu, comédie musicale kitsch avec Olivia Newton-John, et Megaforce qui partageait le goût des motos enfourchées pour des cascades rocailleuses. Battletruck peine à trouver une alchimie dans le choix de ses acteurs, probablement mal dirigés, en tout cas peu enthousiasmant à l’écran.
Une disparition curieuse des radars pour une œuvre condamnée à YouTube !
Jamais transgressif, pas assez barré pour les amateurs de séries B cultes, Le camion de la mort vaut toutefois pour son final explosif qu’il a fallu filmer à plusieurs caméras pour ne rien rater de sa chute percutante pas très éco friendly. On sauvera de l’anémie la bande originale du guitariste Kevin Peek, membre du groupe de rock progressif Sky, qui renvoie à l’univers défoncé de Tangerine Dream. C’est peu pour raviver l’attention pendant le film, mais au moins, la sortie de route des avatars italiens est évitée.
Pourquoi diable Le camion de la mort est-il devenu une chimère qui alimente les fantasmes des nostalgiques des années 80 ? Devenue rare dans le monde en raison de problème de droits bloqués, la série B roule malheureusement en copies pirates qui se revendent une fortune un peu partout dans le monde et se streament sur la plateforme YouTube où elle apparaît, disparaît et réapparaît en fonction des actions des ayants droit. Une aberration alors que le directeur de la photo Chris Menges réalisait de vrais efforts visuels malgré le budget d’un million de dollars.
Reste désormais, dans la mémoire collective des bissophiles, le souvenir de la magnifique affiche de Philippe Lemoine que l’on a jadis tant vue et appréciée. Elle incarnait toute la classe de son époque.