L’autre côté de l’espoir entend redonner une dignité aux migrants qui abordent les pays européens, sans pour autant faire preuve d’angélisme. Le résultat reste fidèle à l’esprit des œuvres précédentes de Kaurismäki, tout en faisant réfléchir à un problème de société fondamental.

Synopsis : Helsinki. Deux destins qui se croisent. Wikström, la cinquantaine, décide de changer de vie en quittant sa femme alcoolique et son travail de représentant de commerce pour ouvrir un restaurant. Khaled est quant à lui un jeune réfugié syrien, échoué dans la captiale par accident. Il voit sa demande d’asile rejetée mais décide de rester malgré tout. Un soir, Wikhström le trouve dans la cour de son restaurant. Touché par le jeune homme, il décide de le prendre sous son aile.

L’autre côté de l’espoir s’attache aux pas des migrants

Critique : Après un tournage intégralement effectué en France pour Le Havre (2011), ainsi que plusieurs contributions à des œuvres collectives, le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki est revenu dans son pays pour s’attaquer à un sujet qui lui tient décidément à cœur, à savoir le sort des migrants. Visiblement très sensible à cette thématique centrale dans le débat public européen depuis deux décennies, le cinéaste a consacré l’ensemble de ses films des vingt dernières années à ce problème de société.

Avec L’autre côté de l’espoir (2017), Kaurismäki s’engage une fois de plus contre tous les discours formatés, qu’ils soient pro ou anti-migrants. Bien évidemment, les séquences où le pauvre Khaled est poursuivi, puis carrément agressé par des skinheads aux mots d’ordre nationalistes démontre que le réalisateur tient à critiquer la vision réductrice de la population autochtone envers ces nouveaux arrivants. Mais, le cinéaste ne fait pas preuve non plus d’angélisme mal placé et il entend ici montrer que la situation de fragilité sociale extrême de ces migrants peut effectivement les conduire à des comportements qui peuvent être mal perçus par le pays d’accueil.

Pour Kaurismaki, la solidarité n’est pas qu’un vain mot

Au cœur du long-métrage se niche toutefois une critique acerbe des autorités qui se conforment à des lois absurdes. On note ainsi le contraste entre ce que déclarent les magistrats sur la situation de la ville d’Alep et les reportages télévisés en arrière-plan qui montrent une ville dévastée par les bombes. Chez Aki Kaurismäki, tout est toujours affaire de décalage, ce qui occasionne d’ailleurs bon nombre de moments drolatiques alors même que le sujet devrait inspirer la gravité. Mais ici, la politesse du désespoir pousse le cinéaste à créer une œuvre globalement légère et optimiste sur un sujet qui ne prête guère à la gaudriole.

Certes, le thème du film témoigne d’un engagement politique de la part de l’auteur, mais sa plus grande qualité est de ne jamais oublier de développer une histoire crédible, mettant en avant les rapports entre les individus. Comme à son habitude, les dialogues sont peu nombreux et le style minimaliste rappelle celui de Jacques Tati ou encore d’Otar Iosseliani, mais cela n’empêche nullement d’approfondir les liens entre des personnages qui vont peu à peu s’entraider dans l’adversité.

Aller au-delà des clichés

Car L’autre côté de l’espoir démontre qu’il existe encore une vraie notion de solidarité qui existe en Europe, non pas au niveau des dirigeants, mais du petit peuple. Une fois confrontés à la misère d’autrui, certaines personnes révèlent des trésors d’humanité et une capacité à aller au-delà des clichés pour s’attacher à l’histoire d’un être en particulier. Ce sont finalement ces petits héroïsmes du quotidien qui ne sont jamais vantés dans les médias que Kaurismäki a à cœur de décrire dans ce très joli film à l’esthétique travaillée.

Les amateurs du cinéaste y retrouveront une fois de plus sa patte, avec des plans fixes très stylisés, des acteurs mutiques qui débitent leur texte de manière sobre et austère, ainsi qu’un petit chien mignon à l’attitude nonchalante et donc craquante. Certains passages sont même particulièrement drôles comme le moment où les héros se mettent en tête de transformer leur bistrot en un restaurant de sushis, alors même qu’ils n’ont pas de poisson frais en stock. L’arrivée inopinée d’un car d’Asiatiques donne lieu à une séquence savoureuse à la teneur comique éprouvée.

Un film primé dans les festivals

Toujours aussi inspiré, Aki Kaurismäki a présenté son film avec succès dans de nombreux festivals au point de décrocher l’Ours d’argent du meilleur réalisateur en 2017. Le jeune acteur syrien Sherwan Haji a, quant à lui, reçu le prix du meilleur acteur au Festival de Dublin. Le métrage a d’ailleurs permis de lancer sa carrière et il est ensuite apparu dans l’excellent La conspiration du Caire (Saleh, 2022). Face à lui, Sakari Kuosmanen (ancien membre des Leningrad Cowboys) fait un excellent Finlandais qui prend peu à peu conscience de la situation tragique des réfugiés. Enfin, le film bénéficie aussi de la participation de plusieurs habitués du réalisateur.

Sorti à Paris et sa périphérie dans 33 salles en mars 2017, L’autre côté de l’espoir a trouvé 38 523 fidèles du cinéaste lors de sa semaine d’investiture. Malheureusement, la semaine suivante a vu ses entrées chuter de plus de 50 % avec 18 660 migrants supplémentaires. Le film s’est vite effondré et n’est resté à l’affiche que 5 semaines avec un score de 84 731 entrées, ce qui est plutôt décevant au vu des scores plus élevés du Havre (2011) qui bénéficiait toutefois d’un casting français plus bankable.

Une carrière décevante en France

Sur la France entière, le film a été projeté dans 137 salles pour un résultat de 87 729 curieux. Malheureusement, la semaine suivante n’est guère positive puisque le long-métrage a vu son parc de salles s’élargir à 151 écrans, tout en perdant 47 % de ses entrées. Finalement, L’autre côté de l’espoir s’éteint rapidement et cumule in fine 223 233 cinéphiles.

Edité rapidement en DVD et en blu-ray, le long-métrage mérite largement d’être vu et revu, ne serait-ce que pour battre en brèche les discours populistes qui ont désormais pignon sur rue dans les médias.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 15 mars 2017

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