La vengeance de Siegfried : critique du film et test blu-ray (1968)

Aventures, Fantastique, Drame, Tragédie | 2h49min
Note de la rédaction :
7/10
7
La vengeance de Siegfried, jaquette Artus

  • Réalisateur : Harald Reinl
  • Acteurs : Herbert Lom, Terence Hill, Karin Dor, Fred Williams, Uwe Beyer, Rolf Henniger, Siegfried Wischnewski, Maria Marlow
  • Date de sortie: 09 Oct 1968
  • Nationalité : Allemand, Yougoslave
  • Titre original : Die Nibelungen
  • Titres alternatifs : Siegfried l'invincible (titre VHS français) / Los nibelungos (Espagne) / A Ira Dos Deuses (Portugal) / I Nibelunghi (Italie) / A Quem os Deuses Desejam Destruir (Brésil) / A quienes los dioses quieren destruir (Argentine)
  • Année de production : 1966-1967
  • Scénariste(s) : Harald Reinl, Ladislas Fodor, Harald G. Petersson
  • Directeur de la photographie : Ernst W. Kalinke
  • Compositeur : Rolf A. Wilhelm
  • Société(s) de production : Avala Film, Central Cinema Company Film (CCC)
  • Distributeur (1ère sortie) : Eclair Journal
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : American Vidéo (VHS, 1989) / Moonlight Vidéo (VHS) / Artus Film (Mediabook)
  • Date de sortie vidéo : 5 janvier 2021 (Mediabook)
  • Box-office France : 134 129 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs / Son : 4-Track Stereo
  • Festivals et récompenses : Vainqueur du Golden Screen 1968 (Allemagne)
  • Illustrateur / Création graphique : Eric Faugère - J.M.D. Wolf (affiche ancienne) / Benjamin Mazure (Mediabook)
  • Crédits : Artus Films
Note des spectateurs :

Grosse production allemande des années 60, La vengeance de Siegfried séduit encore grâce à la puissance tragique de son histoire et l’ampleur des moyens engagés dans sa réalisation. A découvrir.

Synopsis : Terminant son initiation chez le nain Mime, Siegfried se forge une épée, et va tuer le dragon Fafnir, se baignant alors dans son sang pour acquérir l’invincibilité. Mais une feuille de frêne se colle sur son dos, lui laissant une partie vulnérable. Il se rend ensuite à la cour des Nibelungen, chez le roi Gunther, où il va tomber amoureux de la belle Krimhilde, la sœur du roi. Ce dernier devant repousser une attaque des Saxons, Siegfried va lui prêter main forte. Ses exploits l’amèneront au statut immortel de héros.

Une version en couleurs d’une légende allemande

Critique : En 1966, le grand producteur allemand Artur Brauner à qui l’on doit le diptyque Le tigre du Bengale / Le tombeau hindou (Lang, 1959), ainsi que la nouvelle série du docteur Mabuse initiée par Le diabolique docteur Mabuse (Lang, 1960), compte exploiter à nouveau la légende des Nibelungen. Cette histoire issue d’un poème médiéval anonyme a déjà fait l’objet d’une version muette en deux parties, absolument splendide tournée, par Fritz Lang (1924). Le chef-d’œuvre expressionniste de Lang constitue une référence écrasante qui a sans aucun doute freiné de nombreux cinéastes dans leur volonté de reprendre la légende à leur compte. Autre frein, cette histoire complexe nécessite des moyens hors normes que le producteur Artur Brauner est prêt à mettre sur la table pour cette fresque qu’il veut prestigieuse. Le but est de concurrencer les Américains en mettant le paquet sur une histoire constitutive de la culture allemande.

Siegfried l'invincible, avec Terence Hill

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Pour mettre en images ce long poème médiéval basé sur la notion de chevalerie, Brauner fait appel au réalisateur Harald Reinl qui vient de rencontrer un immense succès avec plusieurs krimi et surtout avec la saga Winnetou dont il a réalisé plusieurs épisodes. Reinl est assurément l’homme de la situation, car très à l’aise dans l’action. Il va aussi révéler un certain talent pour tirer les ficelles d’une intrigue complexe où la psychologie des personnages doit être fouillée.

Un script fidèle à la légende médiévale

Harald Reinl et ses scénaristes vont conserver une grande fidélité par rapport à la légende initiale, même s’ils condensent certains événements afin de limiter la durée de projection. Ils scindent notamment l’histoire en deux époques distinctes, comme autrefois Fritz Lang. On notera d’ailleurs que les éléments plus proprement fantastiques (le dragon, les pouvoirs de Brunhild et l’invincibilité de Siegfried) sont concentrés dans la première partie, tandis que la seconde relève davantage des intrigues de cour.

Alors que l’aspect fantastique est davantage vendeur sur le papier que les intrigues de palais, c’est finalement ce second aspect qui rend la projection très intéressante. Ainsi, la première partie plus légendaire souffre d’effets spéciaux pas toujours au point (le dragon est quand même assez ridicule par son design et son statisme) et surtout du regard bovin de l’athlète Uwe Beyer qui incarne sans conviction le héros Siegfried. En réalité, Beyer constitue le gros point faible de cette première partie puisque l’ancien champion de lancer de marteau est inexpressif au possible, arborant un sourire niais dans toutes les scènes où il figure. Heureusement pour le spectateur, son personnage est voué à disparaître en milieu de projection, laissant ainsi le film aux mains d’acteurs plus convaincants.

Le tragique s’invite durant une deuxième partie puissante

Ainsi, la deuxième partie va pouvoir bénéficier de la puissance de jeu d’acteurs comme Rolf Henniger, Karin Dor, Herbert Lom, Terence Hill (encore appelé Mario Girotti) et également Maria Marlow. Cette histoire de vengeance au sein d’une même famille s’avère à la fois cruelle par sa radicalité (la mort des petits enfants), mais aussi passionnante dans sa révélation des ambiguïtés liées au serment de fidélité entre chevaliers. Ainsi, les différents protagonistes se retrouvent contraints de soutenir certains actes condamnables de leur suzerain, uniquement par fidélité envers leur vœu (ou hommage). Cela entraîne chacun vers la mort et La vengeance de Siegfried peut ainsi se terminer telle une tragédie par la mort de l’intégralité des personnages principaux.

Tourné en Allemagne et en Yougoslavie, le long-métrage bénéficie de moyens considérables qui se voient à l’écran, avec des décors impressionnants, des paysages grandioses et des couleurs somptueuses (nécessairement kitsch, car trop éclairées, comme la plupart des films de cette époque). Si Harald Reinl n’est clairement pas un grand metteur en scène, il signe tout de même quelques beaux plans, avec de jolis mouvements d’appareil, ainsi que des séquences de bataille enthousiasmantes quand il n’est pas limité par les effets spéciaux. Le rendu général est tout de même de bonne tenue et si tout ceci n’est pas comparable à la maestria de Fritz Lang dans les années 20, La vengeance de Siegfried n’a pas à rougir de honte par rapport à son prestigieux aîné.

Une exploitation française qui dénature totalement le long-métrage

Sorti en deux époques entre 1966 et 1967 en Allemagne, le film a été condensé en un montage de 111 minutes lors de sa sortie française en octobre 1968 sous le titre totalement erroné de La vengeance de Siegfried. Effectivement, Siegfried n’a absolument pas à se venger puisqu’il est la victime de la machination et que la fameuse vendetta sera menée par son épouse Kriemhild. Pire, le long-métrage sera ensuite exploité en VHS dans les années 80 sous le titre Siegfried l’invincible avec une jaquette qui vend en grosses lettres le nom de Terence Hill (alors que l’acteur n’a qu’un rôle très secondaire) dans une pose qui rappelle fortement les affiches d’heroic fantasy qui pullulaient à cette époque.

Désormais, Artus Films propose de redécouvrir le film dans son montage intégral de 2h49min, redonnant ainsi ses lettres de noblesse à une œuvre vraiment intéressante.

Les éditions Artus sur CinéDweller

La vengeance de Siegfried, le Mediabook Artus

© 2021 Artus Films / Design : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.

Le test du Mediabook :

Artus Films nous propose un nouveau Mediabook dans sa collection Histoire et légendes d’Europe, avec une esthétique toujours aussi somptueuse, un livre passionnant de 80 pages et une restauration qui tient la route. Indispensable pour les cinéphiles pointus. A noter que le test a été effectué à partir du produit définitif.

Compléments & packaging : 4 / 5

Signalons tout d’abord la beauté du Mediabook, avec une jolie jaquette, une belle épaisseur et un aspect luxueux qui fait de cet objet l’un des plus beaux parmi ceux actuellement proposés sur le marché physique. A l’intérieur, les acheteurs pourront découvrir un superbe livre de 80 pages qui constitue le bonus principal du Mediabook. On y trouve une première partie passionnante rédigée par Laurent Schang, qui nous raconte la véritable histoire du royaume des Burgondes avec des cartes historiques à l’appui. Il compare ensuite les différentes versions connues de la légende des Nibelungen, avec une belle érudition.

Cette partie historique est accompagnée d’un focus sur le réalisateur Harald Reinl écrit par l’incomparable Alain Petit. Illustrée cette fois-ci de nombreuses affiches de cinéma, l’évocation de la vie du réalisateur permet à Alain Petit de revenir sur ces années majeures du cinéma populaire allemand durant les sixties. Là encore, on salue l’érudition de l’auteur.

Sur la galette, on trouve un diaporama avec affiches et photos d’exploitation. Pas de bande-annonce malheureusement.

L’image du blu-ray : 4, 5 / 5

L’éditeur propose une copie très propre du film, avec une restauration qui tient ses promesses. Si certains passages plus sombres laissent apparaître un grain un peu plus fourni, les nombreux plans très éclairés (majoritaires) bénéficient d’une luminosité formidable, d’un beau piqué et d’une précision assez remarquable. Il s’agit donc d’un très beau travail qui satisfera les amoureux du cinéma kitsch des années 60.

Le son du blu-ray : 4 / 5

Même si l’éditeur a récupéré une piste audio française, on vous recommandera surtout de visionner le film en version originale. Cette dernière est effectivement bien plus équilibrée, notamment en ce qui concerne les dialogues et la musique. Elle offre un confort de visionnage absolument parfait. Du côté de la piste française, on signalera un certain écho un peu métallique, un léger souffle et des passages qui passent en allemand pour cause de coupes effectuées lors de la distribution française évoquée plus haut. Le doublage est toutefois effectué par des comédiens rompus à l’exercice et s’avère convaincant.

Critique et test blu-ray de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 9 octobre 1968

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La vengeance de Siegfried, l'affiche

Affiche : © 1968 Eric Faugère – J.M.D. Wolf. Tous droits réservés.

Trailers & Vidéos

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