La passagère d’Héloïse Pelloquet est une œuvre austère qui communique peu à travers ses personnages dont on reste à l’écart.
Synopsis : Chiara vit sur une île de la côte atlantique, là où son mari Antoine a grandi. Ils forment un couple heureux et amoureux. Elle a appris le métier d’Antoine, la pêche, et travaille à ses côtés depuis vingt ans. L’arrivée de Maxence, un nouvel apprenti, va bousculer leur équilibre et les certitudes de Chiara…
Critique : Sorti dans l’anonymat des fêtes de fin d’année, en 2022, La passagère n’a pas réussi à se positionner comme contre programme à un moment de légèreté. Ce premier long personnel d’une monteuse issue de la Fémis, avait peu d’arguments à proposer au public. Les spectateurs n’ont pas pu y trouver la catharsis des grands drames : ce n’en est pas un. Ou des belles romances : cette femme mariée, dans un milieu marin, éprise d’un jeune apprenti à peine sorti de l’adolescence, ne semble pas en raccord avec la réalité naturaliste de l’ensemble. La poésie d’une mer de l’Ouest où se déchaîne les passions intérieures est sous-exploitée pour porter un regard cru quasi documentaire sur une poignée de personnages. Ils sont réduits à peau de chagrin dans le microcosme insulaire de Noirmoutier autour du portrait d’une femme qui va apprendre à s’émanciper de son mari et de sa communauté de pécheur qui l’ont accueillie lors du mariage, 20 ans plus tôt.
Le script un peu frustre manque d’audaces, de remous, de passions. Tout y est désincarné, comme le jeu de Cécile de France, passagère dans ce film qui se tient à distance. C’est très écrit, mais pas très étoffé pour satisfaire la pluralité des points de vue cinématographiques. Socialement, humainement… On n’apprend pas grand-chose sur cette femme dont l’accomplissement compliquée, via une scène finale mal amenée, redéfinit le portrait tel un rebondissement qui n’en est pas un. La tentation d’étoffer la trame par un discours sur les classes sociales ne prend pas. Beaucoup trop restait à faire.
La passagère manque de charisme ; même ses belles envolées musicales sont beaucoup trop rares pour satisfaire les mélomanes qui avaient espéré y trouver un cachet autre lors de la découverte de la bande-annonce. Le spectateur en ressort frustré quand la protagoniste se détache de ses frustrations. Si le film sa su plaire à ses auteurs ; pour le public, c’est une autre histoire.
Photo © Laure Chichimanov – © 2021 Face Nord Films – Why Not Productions. Tous droits réservés / All rights reserved
Box-office de La passagère :
Avec une carrière qui se résume à 73 000 entrées France, La passagère n’a en soit pas à rougir. Ce micro budget inhérent au cinéma d’art et essai n’a certes pas attiré au-delà de la présence frontale de Cécile de France sur l’affiche, mais pour une mise de départ à peine supérieure à 1 300 000 euros, c’est encourageant.
Néanmoins, après une première semaine à 35 850 spectateurs dans 140 salles, les chutes de 46% et de 42%, malgré une combinaison qui allait enfler jusqu’à 287, démontrent un effet très limité du bouche-à-oreille.
L’un des plus gros échecs de Cécile de France au box-office
En 4e semaine, ce premier effort d’Héloïse Pelloquet était amorphe, compatibilisant tout au plus 3 337 spectateurs dans 162 salles, pour un total quasi définitif de 69 475 spectateurs sur l’ensemble du territoire. C’est à Paris et sa banlieue que l’échec est le plus prononcé avec 9 134 spectateurs dans plus de 20 salles, dont 8 UGC Ciné Cité. L’UGC Ciné Cité les Halles est le seul multiplexe à s’octroyer en première semaine plus de 1 000 spectateurs, ce qui est la moindre des choses pour le premier exploitant de France et d’Europe. La passagère chute à 4 739 spectateurs en semaine 2. Désormais, l’UGC Ciné Cité les Halles décroche (569 spectateurs). Le troisième tour va donc être meurtrier en terre parisienne, avec une perte massive des écrans et à peine 1 000 spectateurs sur son chalutier du désir.
La passagère est devenu le plus gros échec de Cécile de France, en 12 ans. Aucuns de ses 15 derniers films n’avaient fait moins de 100 000 entrées. En fait, il faut remonter à Un baiser papillon (Karine Silla, 2011), pour trouver pire (56 877 spectateurs).
Les sorties de la semaine du 28 décembre 2022
Biographies +
Héloïse Pelloquet, Cécile de France, Félix Lefebvre, Grégoire Monsaingeon
Photo © Laure Chichimanov – Design Benjamin Seznec / Troïka. Tous droits réservés / All rights reserved © 2021 Face Nord Films – Why Not Productions. Tous droits réservés / All rights reserved
Le test DVD
Sorti moins de 5 mois après son apparition sur les écrans, La passagère paie le prix d’une exploitation en salle peu satisfaisante au niveau des bonus et ne bénéficie pas de format physique HD. La qualité technique est toutefois au rendez-vous.
Packaging & compléments : 1 /5
Le DVD est proposé avec un fourreau. Celui-ci n’a aucune raison d’être, il reprend à l’identique la jaquette créée par L’Atelier d’images. Ce type de fioriture cartonnée n’a de pertinence que lorsqu’elle propose une alternative, avec une approche esthétique collector, plus audacieuse ou plus originale.
Seul supplément audiovisuel, le court-métrage Côté cœur (30 minutes, toutefois) est frustrant. La cinéaste a réalisé pas moins de trois courts avant ce premier essai, pourquoi ne pas les avoir réunis ? Le plus frustrant demeure l’absence d’interview du casting et de la réalisatrice. Ce n’est pas faute d’avoir répondu aux questions des journalistes et du public (voir toutes les vidéos sur YouTube). Un DVD se doit d’être personnalisé. Une interview de la cinéaste et d’un ou deux acteurs relève du strict minimum. Quel auteur n’a pas envie de parler de son film, d’échanger avec le public ?
L’image : 4 / 5
Comme souvent avec ses choix éditoriaux qui ne bénéficient pas de sortie simultanée en blu-ray, Blaq Out propose un master riche et précis qui n’hésite pas à investir les détails. Le piqué est jamais chiche et colle à la démarche naturaliste de l’autrice. On apprécie la beauté des images qui se déploient sur un Scope ample et respecté.
Le son : 4 /5
Le film est proposé en stéréo ou 5.1, avec option de sous-titres pour sourds et malentendants. Ce film d’auteur, intimiste au demeurant, sait par moment déployer une musique envoûtante pour solliciter la force du support. Les arrières sont flattés de façon persuasive.