Premier western à avoir présenté les Indiens sous un jour favorable, La flèche brisée est surtout un pur chef-d’œuvre et une date marquante dans un genre alors en pleine mutation. Indispensable.
Synopsis : C’est à la demande du gouvernement que le pionnier Tom Jeffords se bat pour la paix auprès des Indiens. Il remporte une victoire éclatante lorsque, après avoir sauvé un jeune guerrier, le chef apache Cochise lui accorde son amitié, puis la main de la princesse Sonseeahray. Tous ne veulent cependant pas que les fusils se taisent. Dans le camp des Apaches, des renégats déterrent la hache de guerre tandis que des Blancs, des racistes fanatiques, multiplient les provocations. Après la mort de Sonseeahray, tuée dans une embuscade, Jefford et Cochise unissent une fois de plus leurs forces pour punir les coupables et éviter que toute lé région ne s ‘embrase des flammes de la guerre…
Critique : Alors que le western hollywoodien a donné une image méprisante et condescendante du peuple indien des années 20 aux années 40, le cinéaste Delmer Daves choisit d’inverser la tendance en signant en 1950 cette Flèche brisée qui peut être considérée comme la première œuvre importante adoptant un point de vue humaniste sur un peuple massacré durant toute la fin du 19ème siècle par les colons blancs. Certes, Delmer Daves adapte ici un roman d’Elliott Arnold qui raconte l’histoire d’amitié réelle entre un émissaire blanc nommé Tom Jeffords et le chef apache Cochise, mais le cinéaste s’est surtout servi de son expérience personnelle au sein d’une tribu indienne pour nourrir son film. Effectivement, le réalisateur a vécu pendant plusieurs mois dans les montagnes avec une tribu (dont sont d’ailleurs issus les figurants indiens du film) afin de mieux comprendre leur culture, leurs us et coutumes. Conscient que le cinéma hollywoodien n’a retenu de ces peuples que des clichés, Delmer Daves en donne une toute autre image dans La flèche brisée qui s’avère l’un des films les plus justes réalisé sur le peuple apache.
Outre cet aspect humaniste qui transparaît dès les premières minutes du film, Delmer Daves s’est débrouillé pour parfaitement équilibrer son discours. Tous les Apaches ne sont pas des enfants de chœur et tous les Blancs ne sont pas des racistes assoiffés de sang, car chaque camp porte une part de responsabilité dans les guerres qui ensanglantent l’Arizona durant la fin du 19ème siècle. C’est ce positionnement équilibré qui fait toute la force d’une œuvre bénéficiant d’une superbe réalisation (brillantes scènes de combats) et d’une propension à sublimer les scènes d’amour et d’amitié. Evidemment, les esprits chagrins pourront regretter quelques concessions faite à l’industrie hollywoodienne comme l’usage de l’anglais lors des conversations entre Indiens, ou encore la présence d’acteurs blancs (Debra Paget et l’intense Jeff Chandler) pour interpréter des Indiens de premier plan. On ne peut pas toujours lutter contre son époque dirons-nous, et l’audace du propos antiraciste compense largement ces quelques concessions à l’air du temps. Porté par le jeu intense de James Stewart, ahurissant dans la douleur des dernières séquences, et par le feu qui se dégage de Jeff Chandler, La flèche brisée est un film sans cesse étonnant, toujours bouleversant et d’une justesse absolue dans sa volonté de coller à une réalité historique bien éloignée des légendes de l’Ouest.
En renversant totalement l’image des Indiens à l’écran, ce film fondateur annonce, près de vingt ans avant, la vogue des westerns révisionnistes qui ont pullulé sur les écrans durant les années 70. C’est surtout un pur chef-d’œuvre et l’une des dates les plus marquantes de l’histoire du western. Rien de moins.
Critique de Virgile Dumez