Portée par le magnifique duo formé par Claudia Cardinale et Jacques Perrin, La fille à la valise est une œuvre touchante, magnifiée par le regard sensible du réalisateur Valerio Zurlini. A la fois beau, simple et teinté d’amertume.
Synopsis : Attirée par le succès, Aïda une jeune danseuse de province, se laisse séduire par les belles promesses de Marcello, un don juan qui se lasse bientôt d’elle. Il demande alors à son frère Lorenzo d’éloigner la jeune fille. Celui-ci bien qu’âgé de 16 ans, est ému par la triste histoire d’Aïda et décide de la protéger. Pour cela, il n’hésite pas à inventer tout un stratagème…
Du déterminisme social
Critique : Réalisateur qui aime développer des intrigues intimes, Valerio Zurlini vient d’être véritablement révélé avec son deuxième long-métrage Un été violent (1959) avec Jean-Louis Trintignant quand il se penche sur le scénario de La fille à la valise (1961), avec plusieurs comparses. Si de prime abord, le long-métrage semble suivre la mode du moment avec des films insouciants destinés aux adolescents, Valerio Zurlini se détache très rapidement de cette tendance très sixties pour livrer un film bien plus profond et amer.
© 1961 Titanus – Société Générale de Cinématographie (S.G.C.) / Affiche : © Guy-Gérard Noël. Tous droits réservés.
En réalité, Zurlini s’inscrit surtout dans la mouvance du néoréalisme, insistant notamment sur le cadre géographique – ici la ville de Parme – et social qui entoure et détermine les personnages. Dès les premiers plans, Zurlini nous indique qu’il cherche une forme de réalisme puisque son héroïne s’arrête au bord de la route pour aller aux toilettes dans la nature. Ce besoin tout à fait naturel n’est habituellement jamais évoqué dans le cinéma de l’époque, brisant immédiatement le mur qui séparerait le public du personnage principal.
Solaire Claudia Cardinale
Pour dépeindre cette jeune fille ambitieuse venue de la campagne, Zurlini a choisi de confier le rôle à une très jeune Claudia Cardinale. Même si l’actrice a déjà tourné quelques grands films, elle n’est pas encore très connue du public, mais elle explosera littéralement dans cet emploi où elle brille de mille feux. Dès son apparition, le spectateur ne peut faire autrement que de tomber amoureux de la jeune actrice, resplendissante de naturel. A partir de ce moment, tous les hommes du film n’auront de cesse de tourner autour de cette fille solaire dont on sent toutefois des failles dissimulées.
Exploitée sans vergogne par des hommes qui se servent de sa naïveté, Aida (Cardinale, donc) va faire la connaissance du jeune adolescent Lorenzo (juvénile Jacques Perrin, au jeu impeccable) qui va tomber sous le charme de la donzelle. La rencontre entre les deux personnages est marquée par une alchimie parfaite entre les deux acteurs – vraiment attachants dans leur juvénilité – ce qui est souligné par une réalisation intimiste d’une grande fluidité et un emploi judicieux d’une musique romantique de Mario Nascimbene. Comme dans toute bonne comédie romantique, le spectateur sent immédiatement qu’une connexion a lieu entre les deux personnages.
Portrait d’une Italie encore conservatrice
Pourtant, La fille à la valise ne se contente pas d’être un joli film contant une éducation sentimentale. Effectivement, le pessimisme du réalisateur s’invite à la fête puisque Lorenzo est issu de la vieille aristocratie locale, alors qu’Aida n’est qu’une pauvre fille de la campagne. Ce fossé social, que le spectateur aimerait combler, ne pourra malheureusement pas être dépassé par les deux tourtereaux. Le premier est encore trop jeune pour pouvoir sortir d’une vision idéalisée de la femme aimée, tandis que la seconde ne peut arriver à sortir du schéma dans lequel l’enferme sa condition de jeune fille mère dans une Italie toujours conservatrice.
Zurlini donne ainsi une vision très pessimiste de la condition de la femme dans cette Italie du miracle économique. Celle-ci ne peut être que mère ou putain, surtout si elle attire les regards de tous les hommes par sa beauté physique. Ce constat terrible renforce la puissance d’évocation d’une œuvre qui ne cherche jamais à être flamboyante ou mélodramatique, mais conserve tout au long un regard plein de tendresse pour ses personnages, victimes d’un système qui les dépasse totalement.
On a déjà dit ici la révélation que constitue la présence envoutante de Claudia Cardinale dans ce film. On soulignera également le naturel confondant de Jacques Perrin, mais aussi la justesse de tous les seconds rôles, de Gian Maria Volonté à Riccardo Garrone en passant par Romolo Valli.
Un film à redécouvrir dans une magnifique copie 4K
Présenté au Festival de Cannes en 1961, mais reparti bredouille, La fille à la valise a mis plus d’un an pour arriver dans les salles françaises, sans que le succès soit vraiment au rendez-vous (177 388 entrées sur l’ensemble du territoire français). La critique, elle, fut plutôt enthousiaste. Si Valerio Zurlini a poursuivi une œuvre intimiste assez passionnante, mais toujours discrète, il est redécouvert de nos jours par les cinéphiles, avec raison.
Sublimé par une magnifique restauration en 4K, La fille à la valise devait initialement ressortir en salles, mais la crise de la Covid a contrecarré les plans du distributeur Les Films du Camélia. Le long-métrage est désormais disponible dans cette superbe restauration sur les plateformes.
Critique de Virgile Dumez
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