John Wick : la critique du film (2014)

Thriller, Action | 1h41min
Note de la rédaction :
7/10
7
John Wick 1 affiche française

Note des spectateurs :

Nouveau must du cinéma d’action en 2014, John Wick restaurait l’aura d’un revenant, Keanu Reeves, qui ne nous avait pas fait autant jubiler depuis un certain Matrix !

Synopsis :  Depuis la mort de sa femme bien-aimée, John Wick passe ses journées à retaper sa Ford Mustang de 1969, avec pour seule compagnie sa chienne Daisy. Il mène une vie sans histoire, jusqu’à ce qu’un malfrat sadique nommé Iosef Tarasof remarque sa voiture. John refuse de la lui vendre. Iosef n’acceptant pas qu’on lui résiste, s’introduit chez John avec deux complices pour voler la Mustang, et tuer sauvagement Daisy…

John remonte la piste de Iosef jusqu’à New York. Un ancien contact, Aurelio, lui apprend que le malfrat est le fils unique d’un grand patron de la pègre, Viggo Tarasof. La rumeur se répand rapidement dans le milieu : le légendaire tueur cherche Iosef. Viggo met à prix la tête de John : quiconque l’abattra touchera une énorme récompense. John a désormais tous les assassins de New York aux trousses.

La renaissance de Keanu Reeves

Critique : Matrix, Point Break, L’associé du diable, Speed, Dracula et My own private Idaho, voilà à peu près les films que l’on sauvera dans la carrière de Keanu Reeves.

La star au métissage magnifique offrait dans les années 90 un nouveau visage au cinéma hollywoodien, et se permettait d’envisager un avenir radieux dans la production hollywoodienne à gros budget, comme dans le cinéma d’auteur (sa participation remarquable au Little Buddha de Bertolucci).

Toutefois, une litanie de navets de grande ampleur (Les vendanges de feu, Johnny Mnemonic, Poursuite, The Watcher, 47 Ronin, Constantine, Le jour où la Terre s’arrêta…) ont vite congédié les espoirs placés dans le comédien qui, quand le premier John Wick est sorti, en 2014, n’avait rien fait de remarquable depuis les derniers Matrix.

Un miracle dans une bien fade carrière

John Wick relève donc du miracle dans sa carrière houleuse. Avec un titre qui évoque pourtant le fadasse Johnny Mnemonic, un sujet de série B patentée et en guise de réalisateur, deux spécialistes de cascades qui officiaient pour la première fois derrière une caméra, la crainte d’une déception était palpable, d’autant qu’aucun grand studio n’était là pour épauler le projet.

Les doutes esquissés peu avant la projection prennent pourtant forme, lors d’une première séquence d’une bonne dizaine de minutes, qui se situe vraisemblablement entre le nanar avec Nicolas Cage ou le ratage industriel indéfinissable, auquel s’était habitué Keanu Reeves, dont le seul vrai salut dans sa carrière est d’avoir su dire non à Speed 2.

Et tout ça commence pourtant bien mal…

Introduction maladroite ou difficulté du spectateur d’entrer dans une œuvre à part, au style radical dès le départ ? Au vu du développement rapide de l’intrigue, c’est bien un mélange des deux sur lequel le spectateur bute en entrant dans l’univers singulier de John Wick.

Le personnage est énorme et impose aisément sa fine carrure de “déglingueur” furibard en quelques minutes. Mais l’insertion n’allait pas de soi pour les réalisateurs, plus à l’aise dans l’action absolue que dans une routine psychologique consistant à créer un personnage neuf à l’écran, avec un minimum de psychologie. Ce n’est pas aisé non plus pour l’acteur qui n’a jamais été bond dans le sentimentalisme.

Aussi, dans un premier temps, l’on assiste aux funérailles de la femme de John Wick, un ancien tueur à gages, à la réputation féroce, mais depuis quelques années s’était rangé, heureux en amour. Toutefois quand il perd son épouse, puis le chien que celle-ci lui avait offert sur son lit de mort, ainsi que sa Mustang préférée, et qu’il se fait fracassé la tête par le fils d’un mafieux russe, coupable de tous ses maux, le romantique exalté va redevenir la machine à tuer (en série) qui dormait en lui et qui, après des années au chômage technique, s’avère moins rouillée que prévu.

John Wick affiche alternative France

Crédits 2014 Summit Entertainment

 

Les Américains se paient enfin leur Raid.

L’influence des jeux vidéo hyper violents, consistant à aligner les morts, lors de rafales de balles spectaculaires, qui avait propulsé à l’écran les deux spectaculaires The Raid de Gareth Evans, est ici manifestement prégnante. Chad Stahelski et David Leitch ne s’en cachent pas, notamment lors d’une scène ironique, sorte de mise en abîme jouissive, où un protagoniste s’amuse sur sa console à trucider tous les ennemis qui bougent, parallèlement à un massacre orchestré par John Wick qui finit par lui tirer une balle dans la tête. Let’s play.

Jeu de massacre à grandeur nature, John Wick, le film, s’amuse à emprunter les codes du jeu vidéo, ou plutôt à se réapproprier des éléments qui étaient initialement cinématographiques et qui ont été récupérés par les gamers. La linéarité des tueries, sans fin, lors de séquences à chaque fois dantesques, d’une violence que certains, ceux qui la condamnent déjà dans l’univers des gamers, trouveront inacceptable, prend un caractère jubilatoire à l’écran.

Amoral, transgressif, sanglant, l’action flick américain qu’on n’attendait plus

Cette facilité de narration, qui occulte avec mépris la notion de vraisemblance, pour épouser une fluidité maîtresse, permet de poser progressivement l’édifice d’un monstre de cinéma, un personnage haut en couleur, peu enclin au mot et au pardon, irréductiblement sauvage et barbare, essentiellement amoral

Cette amoralité de ton, d’image et d’univers, constitue John Wick, le personnage comme le film, au cœur de décors qui suscitent une fascination pour le Mal, assez transgressive dans une industrie hollywoodienne pépère.

Création d’un mythe

L’hôtel où descend John Wick, après une tuerie rouge sang à son domicile, est éloquent. Le lieu est établi comme un repère de tueurs élégants et richissimes, espions œuvrant pour le crime, où chacun se scrute et tous se mélangent, sans pouvoir tirer sur l’autre, y compris quand leur tête est mise à prix. Le lieu est un no man’s land de neutralité, où toute violence est proscrite… Cette entité géographique, belle idée de cinéma, s’érige comme un nouveau jalon dans la constellation du polar, sorte de fantasme geek où l’on octroie au spectateur le droit d’aimer des lieux et des êtres qui représentent à peu près tout ce que l’on doit haïr dans la vraie vie.

Entre la furie brute d’un Scarface de De Palma et l’abattage vivace de The Raid, John Wick est une pièce de choix dans la série B furieuse, et trouve en Keanu Reeves le réceptacle parfait pour pareil déchaînement de violence et de cascades. L’acteur connu pour son manque d’expression à l’écran, assassine des dizaines et des dizaines d’ennemis à l’écran, intégrant dans son ADN l’instinct boucher du justicier invincible, qui oeuvre pour son compte et celui de spectateurs hilares qui étaient justement venus jouir de ce spectacle amoral.

Et d’un film naquit une franchise

L’accueil en salle, en 2014, fut positif, avec 43M$ aux USA, mais il faudra attendre les chiffres énormes du 2 en salle, en vidéo et en VOD, pour saisir l’ampleur du phénomène. Il flirta quasiment avec les 100 bâtons aux USA. Quant au 3, Parabellum sequel direct jouissif, il a su amplifier l’aura d’un monstre de cinéma qui vient faire courber l’échine aux super-héros quand il s’agit de rugir d’originalité et d’agressivité. Hollywood n’a pas encore perdu totalement ses divertissements hardcore pour adultes.

La franchise John Wick

 

 

Crédits 2014 Summit Entertainment

 

Critique : Frédéric Mignard

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