Stéphane Brizé livre avec Hors-saison son film le moins intéressant et le moins abouti, avec un petit air de Lelouch en manque d’inspiration. L’ennui guette.
Synopsis : Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard.
Stéphane Brizé ne retrouve pas la flamme
Critique : Après un certain nombre de films à caractères sociaux qui ont rencontré un bel écho auprès du grand public (La loi du marché, En guerre et Un autre monde, tous très réussis à des degrés divers), le cinéaste Stéphane Brizé a ressenti le besoin avec Hors-saison (2023) de revenir à un cinéma plus intimiste qui caractérisait ses débuts. Ainsi, on se souvient de la puissance d’évocation d’œuvres comme Je ne suis pas là pour être aimé (2005), Mademoiselle Chambon (2009) et Quelques heures de printemps (2012) qui font partie des plus beaux films français de ces vingt dernières années. Coécrit avec Marie Drucker, le scénario de Hors-saison promettait le retour à un cinéma à fleur de peau et capable de faire ressentir au spectateur le poids des non-dits.
Malheureusement, la réussite n’est pas aussi patente que pour ses précédents longs-métrages, loin de là. La faute en revient assurément à une écriture paresseuse qui se contente ici de recycler les vieilles lanternes du cinéma bourgeois français, avec son histoire d’amour et d’adultère vue et revue des milliers de fois. Dire que l’on se moque un peu des états d’âme de cet acteur célèbre joué avec sérieux par Guillaume Canet est un euphémisme. Certes, le personnage peut parfaitement se sentir malheureux dans son existence de privilégié, mais cela nous importe peu et il est difficile de ressentir la moindre empathie envers lui.
Un homme et une femme, chabada bada
A ce petit jeu, on préfère largement le joli personnage défendu par Alba Rohrwacher qui rejoint le long cortège des belles protagonistes féminines qui parsèment le cinéma de Stéphane Brizé. Malheureusement, la banalité de son quotidien n’est jamais sublimé par la réalisation et l’on reste une fois de plus extérieur au destin contrarié de cette femme. Pour le reste, le cinéaste semble embarrassé par l’extrême banalité de son intrigue et dilue le tout dans des digressions qui plombent petit à petit ce très long drame intimiste.
Alors que le temps semble s’être arrêté sur cette station balnéaire, le réalisateur croit bon étirer jusqu’à la déraison ses scènes, au point de faire durer le tout près de deux heures interminables. Pour cela, il se lance sur des chemins de traverse comme en proposait autrefois un certain Claude Lelouch, lorsqu’il n’était pas très inspiré. Au bout d’une heure, il interrompt son récit pour nous raconter le destin d’une vieille dame qui a dissimulé toute sa vie son homosexualité et qui a trouvé l’amour tardivement. Cette séquence qui pouvait initialement provoquer une forte émotion est étirée au-delà du raisonnable. Hors-saison devient tout à coup hors-sujet. Pire, le réalisateur s’égare totalement lors de la longue séquence de mariage où interviennent deux imitateurs d’oiseaux. Censément poétique, le passage apparaît non seulement comme ridicule, mais surtout interminable.
Hors-saison est d’un ennui abyssal
Peu inspiré, le réalisateur n’est pas aidé par la composition minimaliste de Vincent Delerm qui délivre un thème au piano lénifiant, utilisé ad nauseam au point de se substituer parfois aux passages dialogués. Certes, le cinéaste veut signifier ici l’effacement progressif du monde aux yeux des amoureux dont la passion renaît de ses cendres, mais l’ensemble, au lieu d’être finement amené, est surligné de manière très maladroite. Tous les éléments qui ont fait autrefois le succès des œuvres marquantes du réalisateur se retournent ici contre lui et font de Hors-saison une sacrée déception, un faux pas que l’on s’empressera d’oublier en attendant le rebond dont l’artiste est assurément capable. Jamais mauvais, Hors-saison n’est qu’un film anodin qui pourra vous toucher en fonction de votre sensibilité ou vous ennuyer profondément.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 20 mars 2024
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Guillaume Canet, Johnny Rasse, Alba Rohrwacher, Sharif Andoura, Stéphane Brizé, Marie Drucker
Mots clés
Festival de Venise 2023, Les histoires d’amour malheureuses au cinéma, La Bretagne au cinéma, L’adultère au cinéma