Film choc, Heroico dénonce les brimades et autres violences au sein du Collège militaire du Mexique avec une puissance d’évocation qui glace les sangs. Quelque part entre Full Metal Jacket ou les œuvres de Michel Franco et Michael Haneke.
Synopsis : Luis, un jeune homme de 18 ans aux racines indigènes, entre au Collège militaire dans l’espoir de s’assurer un meilleur avenir. Là, il se heurte à un système rigide et violent, conçu pour faire de lui un parfait soldat.
Le Collège militaire en ligne de mire
Critique : Proche du cinéaste mexicain Michel Franco dont il a produit le film Les filles d’Avril (2017), le jeune réalisateur David Zonana suit la voie de son mentor en bousculant le grand public. Si son premier long métrage Mano de obra (2019) dénonçait le fossé social séparant les différentes strates de la population mexicaine, Heroico s’attaque frontalement à une institution jugée intouchable au Mexique : le Collège militaire. Centre de formation des militaires qui auront ensuite à lutter contre les narcotrafiquants, le Collège voit passer entre ses murs des milliers de jeunes hommes et quelques femmes.
Heroico montre tout d’abord que la plupart des jeunes qui entament leur formation ne le font pas par gaité de cœur ou par conviction, mais bien parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Le jeune héros du film incarné avec puissance par Santiago Sandoval est issu d’une famille indigène défavorisée dont la mère souffre d’un cancer. Seule la mutuelle militaire permet de financer les dépenses de santé de la matriarche. Ainsi, le jeune garçon n’a guère le choix et ne peut pas plaquer tout du jour au lendemain. Comme l’explique très bien le cinéaste dans sa note d’intention, beaucoup de jeunes Mexicains se retrouvent actuellement à choisir entre l’entrée dans l’armée ou dans les cartels.
La violence, unique mode de communication possible ?
La force d’Heroico est de démontrer que ces deux univers sont identiquement marqués par un usage totalement délirant de la violence. Tandis que la première demi-heure du film suit les traces de tous les films qui ont déjà dénoncé les abus subis par les nouvelles recrues lors du service militaire, la dernière heure bouscule sérieusement le spectateur et rejoint dans l’horreur des œuvres puissantes comme Full Metal Jacket (Stanley Kubrick, 1987). En réalité, Heroico se place aussi dans le sillage des œuvres choc de Michel Franco ou encore de Michael Haneke, mais avec une touche onirique supplémentaire par l’intervention de nombreuses scènes de rêves, ou plutôt de cauchemars. Autant dire que le voyage se révélera éprouvant pour le spectateur.
Cela commence par de simples brimades et autres bizutages qui sont autant d’humiliations ordinaires dans ces milieux masculins confinés. De quoi susciter l’énervement du spectateur, surtout s’il a déjà vécu ce type de cérémonial abruti et dégradant. Ce qui est un bon moyen de se rappeler que les premières victimes des hommes sont d’autres hommes.
Tout le dégradé des abus, de la simple brimade jusqu’au viol
Ce climat de violence sourde finit par prendre un tour vraiment dramatique lorsque l’on comprend que certains cadets de l’académie subissent non seulement des vexations, mais aussi des intimidations, des brimades et jusqu’à des viols. Pire, David Zonana dénonce des disparitions de cadets dont on ne retrouve jamais la trace lorsqu’une correction est allée un peu trop loin. Heroico débute donc doucement pour étrangler progressivement le spectateur avec des scènes choc, comme le passage à tabac sous la douche ou le meurtre gratuit d’un gentil chien, uniquement pour se prouver que l’on est un homme.
Parallèlement à cette accentuation de la violence, le héros innocent perd peu à peu pied et devient lui aussi gagné par une forme de folie homicide. Il commence par frapper un petit neveu, puis étrangle furtivement sa compagne lors de l’acte sexuel, avant d’en venir aux pires extrémités lors de la dernière scène qui agit comme un dernier uppercut pour le spectateur déjà passablement assommé. L’absence de musique durant le générique final contribue à donner un impact supplémentaire aux horreurs qui viennent de se dérouler sous nos yeux. Précisons toutefois que la plupart des violences sont davantage suggérées que réellement montrées à l’écran, mais la puissance de la réalisation parvient à nous les faire ressentir.
Un uppercut qui a connu un grand succès au Mexique
Drame implacable qui entend dénoncer la violence devenue si banale au Mexique, Heroico n’a pas laissé le public mexicain de marbre. Le long métrage a connu un succès important dans son pays, avant d’être diffusé sur Netflix et d’intégrer la première place de la plateforme mexicaine. Présenté en avant-première au Festival de Sundance au début de l’année 2023, Heroico a fait l’effet d’une petite bombe au point d’être invité dans la section Panorama du Festival de Berlin la même année.
En France, le film choc a été proposé en salles à partir du 22 mai 2024 par Paname Distribution. Lors de sa première semaine d’exploitation Heroico glane 4 372 amateurs de sensations fortes. La perte est ensuite de plus de 50 % avec seulement 2 165 retardataires en deuxième septaine. Perdant la plupart de ses salles, le métrage plonge à 664 entrées en semaine 3. Par la suite, il va demeurer sept semaines à l’affiche pour des entrées situées au-dessous de 100. Le total de 8 851 tickets vendus permet de doubler la semaine initiale, mais s’avère toutefois très faible au vu du potentiel du film. Désormais, il faut passer par la case vidéo ou VOD pour le découvrir.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 22 mai 2024
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David Zonana, Santiago Sandoval, Fernando Cuautle
Mots clés
Cinéma mexicain, Le service militaire au cinéma, Film coup de poing, L’emprise au cinéma, Le viol au cinéma