Elle l’adore part d’un postulat de comédie et se mue en un thriller incapable de sonder les zones d’ombre de ses personnages. On reste mitigé.
Synopsis : Vincent Lacroix est un chanteur à succès. Son seul souci : sa compagne hystérique. Une nuit, lors d’une dispute, elle est mortellement blessée par la chute d’une Victoire de la Musique. Pour étouffer le scandale, Vincent cherche à faire disparaître le corps. Il pense alors à Muriel, sa plus fidèle fan. Après avoir caché le corps dans son coffre, Vincent se rend chez Muriel et lui demande de conduire sa voiture en Suisse chez sa sœur, sans poser de question. Elle accepte. Mais quelques jours plus tard, la police annonce à Vincent que le corps a été retrouvé… au milieu d’une forêt du Périgord ! Pour Vincent, c’est le début d’un jeu du chat et de la souris avec la police… et avec Muriel.
Photo : Nicolas Guerin & Thierry Rajic – Copyrights : Chi-Fou-Mi Productions, Egérie Productions, Les Productions du trésor, StudioCanal
Fan de…
Critique : Le titre, Elle l’adore. Le sujet, une fan a priori aveugle et obsessionnelle qui voit un soir son idole de la musique taper à sa porte pour lui demander l’indicible (transporter le cadavre de sa compagne). Les acteurs, Kiberlain et Laurent Lafitte (de la Comédie-Française), tous deux comiques farouchement drôles dans leurs meilleurs rôles…
Elle l’adore avait tout d’une comédie noire qui pouvait faire mouche. L’affiche sur fond bleu, laissant adroitement apparaître un filet de sang sur la main de l’actrice de Romaine par moins 30 et Pauline détective, promet de l’humour corsé, peut-être trash, au goût savoureux d’une bastonnade politiquement incorrecte du Dupontel de Neuf mois ferme.
Malheureusement, Jeanne Herry, que certains connaissent pour être la fille de Miou-Miou et de Julien Clerc – donc la célébrité des stars de la musique et la fougue de leurs fans , elle connaît -, semble se tromper de ton pour son premier projet de cinéma, alors que les intentions sont louables.
Sandrine Kiberlain plus réservée qu’à l’accoutumée
Tout commence dans un café où Kiberlain mère, raconte à son engeance adolescente qui s’en fout, une anecdote un peu macabre où l’on retrouve bien la verve de la comédienne. La scène, digne de Rien sur Robert, pourrait être reprise dans un teaser. Elle envisage agréablement le film comme une comédie du verbe. La suite est plus plan-plan, à l’image du chanteur qu’idolâtre Muriel, esthéticienne et fan d’un artiste ronflant entre Garou et Patrick Fiori. Le genre de légendes franchouilles à se retrouver sur les plateaux gériatriques de Michel Drucker les dimanches après-midi.
Photo : Nicolas Guerin & Thierry Rajic – Copyrights : Chi-Fou-Mi Productions, Egérie Productions, Les Productions du trésor, StudioCanal
Laurent Lafitte assombrit sa filmographie
Les tentatives de mettre en scène Laurent Lafitte sur scène lors de concert ou dans les coulisses d’une émission de télévision, peinent à nous faire croire en son incarnation de super-star. L’acteur, qui a développé depuis une carrière bien plus intéressante, s’était alors surtout démarqué dans un comique populaire peu convaincant : 16 ans ou presque, De l’autre côté du Périph, Mais qui a re-tué Pamela Rose, Moi, Michel G, Milliardaire, Maître du monde… Et pour ceux qui ont connu Michel Leeb dans les années 80-90, sa ressemblance physique avec le comique (on ne parle pas de son jeu qui, lui, est largement supérieur) n’était alors pas un atout pour se singulariser dans un genre plus sombre. L’image un peu ringarde de la vedette de On l’appelle Catastrophe (1983) et du Fou du roi (1984) peine à rendre hommage au talent de Lafitte, qui apparaissait sûrement comme une erreur de casting au générique d’Elle l’adore. Depuis, il a joué dans Elle de Verhoeven, les productions vénéneuses à petit budget L’heure de la sortie et Les fauves. Il a tout notre respect.
Photo : Nicolas Guerin & Thierry Rajic – Copyrights : Chi-Fou-Mi Productions, Egérie Productions, Les Productions du trésor, StudioCanal
Prête à tout
Après la légèreté relative des premières scènes, un drame conjugal épouvantable -mort accidentelle de l’officielle de la star lors d’une dispute-, provoque un virage vers le thriller opaque. Il faut se débarrasser du corps et user de stratagème pour ne pas se faire pincer. Et si le chanteur abandonné utilisait l’une de ses fans ? Après tout, ne sont-elles pas “folles” de lui et “prêtes à tout” pour son image de papier glacé dans les magazines ?
Le recours à une fan pour l’extirper de ses soucis fait sourire, mais on n’y est sûrement pas contre si le propos devient truculent, imprévisible et doté d’un humour noir cruel et sarcastique qui s’ouvrirait sur une critique sociale. Il n’en est rien. Faute de vouloir dresser le portrait d’un salaud machiavélique et manipulateur et d’une fan totalement timbrée, Jeanne Herry met en scène des personnages incapables de zones d’ombre ténébreuses d’où il ressortirait un malaise.
Elle l’adore, pas nous
Ne voulant pas faire de l’idole des françaises moyennes une ordure, la réalisatrice se contente de mettre en œuvre un engrenage policier rouillé qui pourrait broyer les deux protagonistes plutôt sympathiques, mais bute sur des maladresses. Les digressions sentimentales des flics qui mènent l’investigation en sont un exemple patent. Même si, lors d’un rebondissement final, on comprend alors l’intérêt de leurs histoires d’infidélité, leur place au cœur de ce film déséquilibre un peu plus une œuvre qui ne sait jamais quelle voie suivre.
Au final, le polar manque d’un propos clair et ne rend pas hommage à la truculence de Sandrine Kiberlain que l’on a toujours connue rattachée à des projets survitaminés. Sa fougue en prend un coup, et pourtant, c’est dur à écrire, car nous, on peut l’écrire, “on l’adore” !
Dans le même genre, autant revoir Backstage avec Isild Le Besco et Emmanuelle Seigner, une œuvre plus sinueuse et passionnel. Et le film de fan ultime, dans un genre différent, sera évidemment Guy d’Alex Lutz.
Si notre critique tend vers la négativité, on soulignera avec honnêteté qu’Elle l’adore a été plutôt bien reçu par la presse en son temps et fut largement soutenu par le public. Tous les goûts sont dans la nature. A chacun de se faire sa propre opinion.
Critique : Frédéric Mignard
Sorties de la semaine du 24 septembre 2014
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