Petit western sans grande originalité, El Rojo compense ses lacunes par un rythme enlevé et quelques petites trouvailles amusantes. Rien de bien formidable non plus.
Synopsis : Au Nouveau Mexique, une famille de pionniers est massacrée. La responsabilité de ce massacre est attribuée aux indiens. Quelques années plus tard, arrive dans le village de Gold Hill un mystérieux personnage qui se fait appeler El Rojo. Il doit affronter quatre individus qui font la loi au village : Lasky, Navarro, Wallace et Ortega.
El Rojo, le premier western de Leopoldo Savona
Critique : En 1966, le réalisateur Leopoldo Savona qui s’est jusqu’alors illustré dans le film d’aventures, après avoir été pendant longtemps le collaborateur de Giuseppe De Santis, se lance pour la première fois dans le genre du western. Certes, il collabore la même année à la conception de Duel au couteau (Mario Bava, 1966), mais c’est véritablement El Rojo (1966) qui initie son cycle westernien qui durera cinq années. Avec une palanquée de scénaristes, dont on se demande bien à quoi ils ont pu servir, Leopoldo Savona livre ici une traditionnelle histoire de vengeance qui ne se distingue guère des centaines de productions italiennes de l’époque. Toutefois, El Rojo a le grand mérite de ne jamais tomber dans la parodie, même si quelques éléments annoncent déjà les futurs westerns gadgets.
Cela commence par l’élimination totale d’une famille de prospecteurs d’or par des Indiens. Du moins, c’est ce que le montage nous suggère. Cette entame peut surprendre tant on connait le peu d’appétence des Italiens pour l’histoire indienne. D’ailleurs, le seul Amérindien du long-métrage est incarné par l’acteur italien Gaetano Scala qui peine à rendre crédible son personnage, même à grand coup de maquillage bronzant.
Un film assez sympathique et dynamique
Le cinéaste pratique ensuite une ellipse de plusieurs années et nous suivons dès lors les pas d’un homme mystérieux interprété par un Richard Harrison mutique et dont le regard peu expressif n’arrange guère les affaires du cinéaste. Heureusement, le comédien au jeu très limité compense en partie ses lacunes par une belle présence physique lors des séquences de bagarres. Surtout, le cinéaste a eu l’intelligence de lui adjoindre des acteurs de bonne tenue comme José Jaspe en vieux combattant garibaldien et surtout l’impeccable Piero Lulli en antagoniste principal.
Sans doute conscient de la minceur de son script, le cinéaste a tenté de multiplier les péripéties et donne donc à son western un rythme plutôt soutenu renforcé par une durée très courte, même si involontaire car découlant de la censure italienne. Ainsi, le film a été pas mal charcuté au point d’arriver à une durée à peine supérieure à 80 minutes. Ces coupes se ressentent à plusieurs endroits, au point de rendre parfois l’histoire assez maladroite dans ses enchaînements.
Un petit air de Sartana, mais deux ans auparavant
Réalisé sans aucun génie par un artisan sérieux, mais globalement peu inspiré, El Rojo pâtit également d’une partition musicale proprement anodine signée Benedetto Ghiglia. Aucun thème fort ne se distingue d’un ensemble bien terne. Le long-métrage est toutefois sauvé par la profusion des décors et des figurants, preuve d’un budget encore satisfaisant, mais aussi par quelques trouvailles qui vont ouvrir la porte à d’autres westerns du même genre.
Ainsi, le personnage du vieillard garibaldien est un inventeur de génie qui crée des armes originales. Cela permet d’octroyer au film un petit côté délirant qui sera repris quasiment tel quel par Gianfranco Parolini quelques années plus tard dans son Sartana (1968). On notera d’ailleurs que les points communs entre les deux films ne s’arrêtent pas là puisque l’intrigue et les décors sont quasiment similaires, tandis que l’antagoniste principal se nomme également Lasky dans les deux œuvres. Si Sartana est aujourd’hui plus célèbre, El Rojo a bien été tourné deux ans auparavant et peut donc être vu comme la matrice du film suivant.
Un échec en salles qui a condamné ce qui s’annonçait comme une future franchise
Doté d’une fin ouverte qui envisage de créer une franchise dans laquelle on retrouverait les héros du film, El Rojo n’a pas obtenu le succès attendu en salles en Italie. Il a ainsi fallu trois ans au long-métrage pour être distribué en France par Les Films Jacques Leitienne à la faveur de l’été 1969. Avec 129 613 entrées à son compteur, le métrage n’a guère explosé le box-office français. On notera d’ailleurs que le film suivant de Leopoldo Savona, le moyen Killer Kid (1967) est paru sur les écrans français moins de quinze jours après, le 13 août 1969, cette fois chez Mondial Film, avec un résultat très proche.
Depuis, El Rojo n’a eu droit à aucune exploitation vidéo en France ; le métrage apparaît de temps à autre en VOD. Il est toutefois indispensable de visionner le film en version originale, tant le doublage français s’avère calamiteux en tout point, plongeant le métrage dans la catégorie des nanars.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 30 juillet 1969
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Leopoldo Savona, Nieves Navarro, Piero Lulli, Raf Baldassarre, Richard Harrison, Pietro Tordi, Mirko Ellis