Dirty Dancing dansait sur les pas de Footloose en ébranlant gentiment les conventions conservatrices d’une Amérique puritaine, celle des années 60. A part la musique qui évoque de bons souvenirs, on préfèrera rester en retrait de cette proposition de cinéma très limitée.
Synopsis : Dans les années soixante, Bébé passe des vacances familiales monotones jusqu’au jour où elle découvre qu’un groupe d’animateurs du village estival forment un groupe de danse. Pour la jeune fille sage, c’est le début de l’émancipation grâce au “Dirty Dancing” et la rencontre avec Johnny Castle, le professeur de danse.
De l’échec salle (français) à sa rédemption par le tube cathodique
Critique : En 1987, Dirty Dancing a été un échec impitoyable au box-office national, mais le produit acidulé américain aura su profiter d’une américanisation du goût des adolescents. Par le biais de la VHS et à la suite d’une diffusion télévisée, la romance sixties sur fond de danses sensuelles et de musiques mélodieuses, va in fine casser la baraque en France.
Numéro 11 en 1987 aux USA, où sa sortie en fin d’été, sur 1 000 écrans, a été le succès de la rentrée, déjouant tous les pronostics, Dirty Dancing va faire un come-back inespéré en France prenant d’assaut le top 50 et le top album cinq ans après sa sortie. Le single She’s like the wind, tube mélodieux, d’une efficacité imparable, se hisse en 7e position du classement des ventes de singles. Ne vaut-il pas mieux tard que jamais ?
© 1987 Vestron Pictures – © 2018 Lions Gate Entertainment Inc. All Rights Reserved. © 2018 © ESC Editions 2018
Swayze avait, de son côté, cassé la baraque au box-office avec la série B d’action Road House, puis le phénomène surnaturel Ghost, avec Demi Moore et Whoopi Goldberg. La popularité soudaine de l’acteur et la chanson phare oscarisée I’ve had the time of my life – qui intervient dans le film, dans ses premières notes au bout de 40 minutes-, expliquent l’engouement progressif autour de ce Sexy dance d’avant l’heure. Jennifer Grey, la jeune héroïne en vacances avec sa famille, qui s’éprend du prof de sport pour clientes âgées fortunées, à la carrure de mâle, est déjà passée du côté des floppeuses en série. Et malheureusement, le cinéaste Emile Ardolino décédera en 1993, ne profitant jamais de la mythologie qui se construira au fil du temps, autour de cette œuvre qui s’est même payé un anniversaire, pour ses 30 ans, en 4K, avec collector et ressortie salle.
Pourtant, la production de l’indépendant Vestron, aujourd’hui disparu, n’est qu’un récit de vacances assez quelconque. Elle relate la banale initiation à l’amour, la sexualité et à la réalité sociale d’une adolescente gâtée, fille de docteur que l’on surnomme “Bébé” (on apprécie la finesse).
Les défauts sont majeurs dans l’écriture, inexistante. “Tu n’as pas besoin de courir le monde après ton destin comme un cheval sauvage”, dixit la VF. Oui, la version originale s’impose. Certains dialogues relèvent même du navet tant ils sont peu naturels.
Dirty Dancing, une mauvaise blague générationnelle
Le mélange des époques est bâtard. L’intrigue se déroule dans les années 60, mais les tubes eux sont bien des années 80, pour ne pas s’aliéner le public cible. De même, les danses de nuit concupiscentes auxquelles s’adonne le personnel du grand complexe hôtelier, dans les coulisses des vacances bourgeoises des clients, évoquent davantage la liberté des jeunes des décennies suivantes que la folie des Swinging Sixties.
Entre Footloose, avec Kevin Bacon, dont il essaie de reproduire le phénomène commercial, et les futurs Sexy Dance, Dirty Dancing échoue surtout à se faire l’écho des problèmes sociaux d’une époque agitée. Plantant son intrigue en Virginie, la romance a beau évoquer de loin la famine au Biafra, le Vietnam et l’avortement clandestin, elle ne se fait jamais l’écho des troubles d’une région de l’Amérique aux mentalités contestées par les progressistes. La légèreté relève de l’inconsistance à ce niveau.
Avec le fils du grand patron qui ressemble comme deux gouttes d’eau au président Macron, Dirty Dancing à l’époque du “Nouveau monde” ressemble à une mauvaise blague générationnelle dont on se demande comment elle a pu traverser les décennies avec même une suite ringarde, Dirty Dancing 2 en 2006 (en fait un reboot putassier). Bref, les Français de 1987 avaient largement raison en boudant cette mièvrerie dont on apprécie pourtant encore quelques tubes appartenant désormais à la culture populaire.