Body Trash : la critique du film + test blu-ray (1996)

Horreur, Gore | 1h21min
Note de la rédaction :
5.5/10
5.5
Jaquette de Body Trash (Body Melt), VHS française, éditée en 1996 par Gaumont Columbia TriStar

  • Réalisateur : Philip Brophy
  • Date de sortie: 16 Mai 2025
  • Année de production : 1993
  • Nationalité : Australien
  • Titre original : Body Melt
  • Titres alternatifs : Corrosão - Ameaça em Seu Corpo (Brésil), Massacres Sanglants (Québec), Расплавленное тело (Russie)
  • Casting : Gerard Kennedy, Andrew Daddo, Ian Smith, Regina Gaigalas, Vincent Gil, Neil Foley, Anthea Davis, Matthew Newton, Lesley Baker, Amy Grove-Rogers, Adrian Wright, Jillian Murray, Ben Geurens, Amanda Douge, Brett Climo, Lisa McCune, Nick Polites, Maurie Annese, William McInnes, Suzi Dougherty, Bill Young, Tommy Dysart, Stig Wemyss, Matthew Green, Philip Green, Russell Allan, Lance Anderson, Robert Simper, Matt McLean, Barry Whitnell, Roberto Micale, Lucinda Cowden, Graham Dow, Tiffany Lamb, Gaby Porras, Chris Whitmore, Greg Tingate
  • Scénariste(s) : Philip Brophy
  • Compositeur : Philip Brophy
  • Directeur de la photographie : Ray Argall
  • Monteur : Bill Murphy
  • Chef maquilleur : Bob McCarron
  • Directeur de casting : Gregory Apps
  • Directeur de production : Maria Kozic
  • Producteurs : Rod Bishop, Daniel Scharf
  • Société de production : Bodymelt Pty. Ltd., Dumb Films, Film Victoria, The Australian Film Commission
  • Distributeur : Inédit en salle en France
  • Editeur vidéo : Gaumont Columbia TriStar (VHS), Goldvision/Seven7 (DVD), Rimini Editions
  • Date de sortie vidéo : 27 novembre 2001 (DVD), 16 mai 2025 (DVD+Blu-ray)
  • Budget : 1 600 000$
  • Box-office France / Paris-Périphérie : Inédit en salle
  • Box-office nord-américain / monde : Inconnu
  • Classification : Inédit en salle
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur (16mm, gonflé en 35mm) / Dolby Stereo
  • Festivals : Sitges Film Festival (Espagne, 1993), BFI London Film Festival (Royaume-Uni, 1993), Stockholm International Film Festival (Suède, 1994), Lyon Festival Hallucinations Collectives (France, 2021)
  • Illustrateur/Création graphique : © Layout & Design 1996 / Columbia TriStar Home Vidéo. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 1993 Body Melt PTY/Goldvision. LTD, Dumb Films. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Tagline : Un film choc à vous retourner les tripes
Note des spectateurs :

Trip hallucinatoire déjanté et totalement déconnecté du bon goût, Body Melt, exploité en France sous le titre de Body Trash, est un avatar dégénéré, punk et techno, du cinéma horrifique australien des années 90. Un parangon ou un étron de série B, sans limites, en fonction de là où la vertu du spectateur souhaite se situer.

Synopsis : Une nouvelle vitamine est testée en secret sur les habitants d’une petite ville australienne, alors que, jusqu’ici, tous les essais se sont révélés mortels. Un homme ayant participé aux précédents tests tente de donner l’alerte, mais, contaminé, il décède dans des circonstances atroces. Deux policiers mènent l’enquête, tandis que mutations, effets secondaires violents et hallucinations se multiplient dans la population.

Body Horror : avant The Substance, il y avait Body Melt

Critique : Coup d’un film. Body Melt est le seul long métrage de Philip Brophy, musicien et artiste iconoclaste que rien ne prédestinait à la réalisation, encore moins à celle d’un film d’horreur. Compositeur techno sur ce film de dingue, scénariste démolisseur s’inspirant allègrement de son moyen-métrage, Salt Saliva Sperm & Sweat, réalisé cinq ans auparavant en 16mm, Body Melt expose les fluides, ceux de corps en mutation pour envisager l’évolution l’humaine pas très chatoyante au cœur d’une société lisse, stérile et factice, celle de la banlieue australienne des années 90.

Affiche de Salt, Sperm, Saliva and Sweat de Philip Brophy

© 1988 Philip Brophy

Satire sociale par le gore et le grotesque, Body Melt soigne son uppercut contre l’aliénation au travail, l’image cathodique, le culte du corps, tonic et buildé, en plaçant sous cloche un quartier de la banlieue de Melbourne, dans le cadre d’expérimentations interdites sur un échantillon d’autochtones. La vitamine qu’ingurgite les locaux va avoir un effet pour le moins gratifiant pour les amateurs de cinéma gore visqueux et débilitant, avec une métamorphose monstrueuse des corps qui fondent (“melt” en anglais), sous nos yeux sidérés devant les compositions de latex et d’écoulements aux couleurs flashy. Bref, Body Melt se veut être un fier avatar du body horror que David Cronenberg lui-même avait inoculé dans le cinéma de genre.

L’autre référence immédiate qui vient à l’esprit du spectateur est évidemment la série B de Jim Muro, Street Trash dans lequel des clochards d’un New York délabré explosaient après s’être enfilé un alcool toxique vendu à l’épicerie du coin. En France, le lien entre les films est vite établi par l’éditeur vidéo Gaumont-Columbia-TriStar qui rebaptisera Body Melt en Body Trash, pour jouer sur les ressemblances thématiques et la réalité hardcore des effets-spéciaux que l’on peut aisément qualifier de trash.

Photo de Body Melt (Body Trash en France)

© 1993 Body Melt PTY/Goldvision. LTD, Dumb Films.

Philip Brophy ne cherche pas à élever son film au-delà de la provocation immédiate de l’agression visuelle et sonore que représente son essai cinématographique. Body Trash ouvre sur un générique techno de 1993 où la musique écorche volontairement les tympans et électrise la projection en offensant délicieusement le bon goût. Une cacophonie pour des images volontairement télévisuelles de clip vidéo ou de soap opéra qui annihilent toute volonté de faire de l’Australie contemporaine une terre du beau. Le lotissement de maisons champignons, au sein d’un environnement assez aride où la verdure n’est que gazon, sans arbres et sans vie, est là pour le surligner.

L’Ozploitation sur CinéDweller

A l’image de son moyen-métrage culte construit en blocs, le cinéaste tresse la narration en métastases. Etape une, les hallucinations, étape deux, la défaillance du corps, troisième étape, sa décomposition (“Body Melt”)… Cette décharge maline d’effets spéciaux monstrueux et baroques sert finalement de fil conducteur à une intrigue volontairement éclatée où le réalisateur s’emploie à exploser les codes du film de genre, en refusant par exemple de s’intéresser à une poignée de personnages principaux, si possibles jeunes.

Body Trash bascule dans la mise en abîme où les spectateurs deviennent les cobayes d’une expérience cinématographique azimutée où l’intrigue policière, le thriller industriel et la peinture sociologique trempent dans le redneck movie, crasseux et décadent, ou le fitness flick boursoufflé. L’objectif, toujours mieux faire exploser les codes de son époque.

Jaquette du DVD de Body Trash (France, 2001)

Jaquette du DVD de Body Trash (France, 2001) © 1993 Body Melt PTY/Goldvision. LTD, Dumb Films.

L’auteur cherche l’outrance et l’inflige au gré d’un ton déconneur qui ne freine jamais quand il faut déballer la chair à pétrir, à déliter et à fondre. La caméra patauge dans le placenta, exorbite les organes, gonfle les langues et explose les phallus… Les personnages ne valent pas d’être sauvés. Y compris un gamin sur son skate qui va connaître une mort gratuite étonnamment violente qui ne semble pas s’expliquer par la “substance” à laquelle ils sont soumis.

Trublion d’un mauvais goût que les voisins néo-zélandais développaient frénétiquement en parallèle via les délires vomitifs de Peter Jackson (Bad Taste, 1988 ; Brain Dead, 1992), Body Trash ne courbe pas l’échine face à la censure, malgré le financement de The Australian Film Commission, qui était initialement réticent à produire ce catalogue de séquences transgressives. Il est vrai que le ton de cette comédie à rebours incite davantage à aller décapsuler une bière avec son voisin péquenaud plutôt qu’à le trucider.

Réalisé en 1993 quand le cinéma de genre était moribond, Body Melt n’a pu parcourir les salles de cinéma de la planète. La VHS régnait alors sur le divertissement et disposait de l’essentiel de la production horrifique. Le film de Philip Brophy connaîtra ce fatum de DTV, y compris en France où il faudra attendre trois ans avant de le voir débarquer en VHS chez Gaumont-Columbia-TriStar, en 1996. Cinq ans plus tard, une édition DVD, avec comme seule piste sonore la VF, est éditée dans la douleur par Seven7, avec un visuel qui pique encore les yeux. Finalement, les Français pourront vraiment redécouvrir le film en 2025, chez Rimini Editions qui l’incorpore dans sa collection Angoisse désormais mythique pour les collectionneurs.

Frédéric Mignard

Le cinéma gore sur CinéDweller

Jaquette de Body Trash (Body Melt), VHS française, éditée en 1996 par Gaumont Columbia TriStar

© 1993 Body Melt PTY/Goldvision. LTD, Dumb Films.


Le test blu-ray de Body Trash

Disponible en France en blu-ray sept ans après sa première mondiale chez Vinegar Syndrome (2018) et quatre ans après son passage en festival par les Hallucinations Collectives de Lyon, en 2021, Body Trash se pare enfin d’une édition HD française en 2025. Elle est digne de sa réputation sulfureuse. 

Il s’agit du troisième titre proposé par l’éditeur Rimini Editions, dans la collection Angoisse, en 2025, après Les Yeux de feu et La nuit des maléfices.

Packaging & Compléments : 3.5 / 5

Collector, donc limité en copies, Body Trash dévoile un visuel français inédit qui détonne après la longue litanie de jaquettes laides éditées à l’international pendant des décennies.

Le design de l’artwork et du digipack est digne de toute la collection que Rimini alimente depuis la fin des années 2010. Il s’agit d’ailleurs de l’une des rares virées de la collection Angoisse dans le gore, un tournant à souligner.

Un bel objet supplémentaire pour tous ceux qui alignent les titres en série (deux autres arrivent en juin et juillet 2025).

Packaging collector de Body Trash (Combo DVD + Blu-ray Collector, Rimini Editions)

Packaging collector de Body Trash (Combo DVD + Blu-ray Collector, Rimini Editions © 1993 Body Melt PTY/Goldvision. LTD, Dumb Films.

Au niveau des suppléments, Lilyy Belson du Blog du Cinéma propose une présentation du film en 16 minutes. Body Horror et fitness au pays des kangourous est une introspection riche et savante de l’Ozploitation. La blogeuse présente notamment les sous-genres que le film investi, jusqu’à l’Aerocbics-Sploitation. Elle cite même le sous-Flashdance et oublié Heavenly Bodies. Bref, une connaisseuse.

Le livret de Marc Toullec, 13 morts sur ordonnance, est une synthèse généreuse d’interviews et d’articles d’époque autour du film. Difficile de faire plus complet sur le film dont le journaliste dévoile la genèse palpitante. Cela compense l’absences de bonus audiovisuel supplémentaire. Promis, pour notre article, nous avons évité la reprise du contenu du livret et nous avons fait nos propres recherches pour ne pas ressasser passivement le travail de Toullec qui est tout simplement excellent !

Image : 4 / 5

La copie pimpante est issue du master de Vinegar Syndrome (2018). Techniquement au point, elle propose une restauration 2K complètement inédite pour nos orbites. Pour mémoire, la copie VHS était peu gratifiante ; le DVD était exécrable. La dichotomie entre les images volontairement pop et laides de produit vidéo typique des années 90 et la restitution impeccable que le numérique engendre vaut le détour. Body Trash a pris de l’allant en vieillissant.

Collection Angoiss 2025 (Rimini Editions)

© Rimini Editions

Son : 4 / 5

Enfin disponible en version originale sous-titrée en France, Body Trash peut remercier le rayon bleu. Cette copie HD propose un son gonflé en 5.1 grâce à l’implication du réalisateur, lui-même artiste technicien passionné d’expériences immersives. Cela vaut en particulier pour la bande-originale techno obsédante et agressive qu’il a composée et qui peut aussi résonner comme un retour un peu ringard aux sons de synthèse tribaux de ce début de décennie acidulée.

La dynamique sonore est costaude et les basses enjouées. La musique profite de la spatialisation pour enterrer la stéréo originale.

On apprécie de retrouver la piste française (2.0, évidemment), conservée pour les nostalgiques d’un doublage haut en couleur. Marrante et décomplexée du verbe, cette piste a son charme pour des raisons autres que techniques.

Frédéric Mignard

Les films d’horreur des années 90

© 1993 Body Melt PTY/Goldvision. LTD, Dumb Films.

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