Blonde : la critique du film (2022)

Biopic, Drame psychologique | 2h46min
Note de la rédaction :
6/10
6
Affiche de Blonde avec Ana de Armas

  • Réalisateur : Andrew Dominik
  • Acteurs : Scoot McNairy, Bobby Cannavale, Adrien Brody, Ana de Armas, Xavier Samuel, Rob Brownstein, Evan Williams
  • Date de sortie: 28 Sep 2022
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Etats-Unis
  • Titre original : Blonde
  • Scénariste : Andrew Dominik
  • D'après le roman de Joyce Carol Oates
  • Directeur de la photographie : Chayse Irvin
  • Monteur : Adam Robinson
  • Compositeur : Nick Cave, Warren Ellis
  • Responsable des costumes : Jennifer Johnson
  • Responsable des décors Erin Fite
  • Producteurs : Dede Gardner, Jeremy Kleiner, Tracey Landon, Brad Pitt, Scott Robertson
  • Sociétés de production : Plan B Entertainment
  • Distributeur : Netflix (USA), inédit en salle en France
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : Inédit
  • Date de sortie vidéo : Inédit
  • Box-office France / Paris-Périphérie : Non sorti en salle
  • Box-office nord américain / monde : Inconnu
  • Budget : 22 000 000$
  • Classification : Aucune classification officielle du CNC, NC-17 (Etats-Unis)
  • Formats : 1.85 : 1, avec des scènes à 1.00, 1.37, 2.39 / Couleur, Noir et blanc (DCP) / Dolby Digital
  • Festivals et récompenses : Festival de Venise 2022 (Première mondiale), Deauville 2022,
  • Illustrateur / Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Netflix. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Biopic sur la vie de Marilyn Monroe fantasmé par le mythe littéraire Joyce Carol Oates, Blonde s’insinue dans la névrose et la psychose de l’icône des années 50, pour accoucher d’une œuvre mortifère qui lorgne du côté du cauchemar ouaté de David Lynch, Twin Peaks

Synopsis : Née d’un père inconnu et d’une mère schizophrène à la fin des années 1920 à Los Angeles, Norma Jeane Baker devient à l’âge adulte la star de cinéma Marilyn Monroe. Mariée à l’ex-joueur de baseball professionnel Joe DiMaggio, Norma/Marilyn est victime des accès de violence de ce dernier, après s’être exposée devant des centaines d’hommes new-yorkais à l’occasion du tournage de la comédie Sept ans de réflexion. Son mariage avec le dramaturge Arthur Miller connaît aussi une issue dramatique, alors qu’un faux pas sur la plage la fait trébucher et provoque une fausse couche. Cet événement évoque en elle le souvenir traumatisant d’un avortement forcé, à l’époque où elle formait un ménage à trois avec deux acteurs de Los Angeles.

Ana de Armas dans Blonde (2022)

Blonde. Ana de Armas est Marilyn Monroe. Cr. Netflix © 2022

Blonde, une fiction biographique peu commerciale

Critique : Triomphe littéraire du début des années 2000, Blonde de la romancière et nouvelliste Joyce Carol Oates a fasciné le monde entier. Le best-seller s’est immédiatement retrouvé adapté en mini-série, puis a été envisagé par Hollywood et plus particulièrement par le réalisateur australien Andrew Dominik pour une œuvre de cinéma. Plus de dix ans que le réalisateur sans concession de Chopper essaie de mettre en scène ce projet rocambolesque avant d’obtenir le feu vert de Plan B (société de Brad Pitt) et Netflix.

Le soutien de la plateforme était essentiel ici, puisqu’il s’agissait d’accoucher d’une œuvre malaisante de plus de 2h40, hors des canons de studios toujours plus rétifs quant à la mise en chantier de productions qui sortent du cadre, même si le budget n’est ici que de 22M$. Assumant un rythme lancinant avec des ellipses peu appréciées du grand public, Blonde ne veut en rien ressembler à une biographie académique, préférant s’installer dans les canons fantomatiques et mortifères de L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, premier long américain de l’auteur, où le poto Brad Pitt incarnait le rôle principal. Le néo-western était fascinant. Blonde aimerait sûrement beaucoup lui ressembler.

Un nouveau défi pour Netflix qui ose l’audace

Depuis 2019 et le début du tournage, la plateforme américaine a investi du temps et de l’énergie, bâtissant un buzz illimité autour d’une œuvre phare dans son catalogue. Le marketing de cinéma, avec une sélection officielle prestigieuse à Venise, ne sont que deux éléments qui approchent Blonde de ce que l’on peut attendre d’un film de cinéma exigeant. On y trouve aussi, dans une démesure déconcertante, de l’originalité, une singularité d’approche, de la psychologie à fleur de peau, une réalisation éminente à la technicité fabuleuse, et une texture musicale ad hoc. Ici, ce sont les compères Nick Cave et Warren Ellis qui sondent les marécages névrotiques de Marilyn Monroe.

Ana de Armas dans Blonde

Blonde. Ana de Armas est Marilyn Monroe. Cr. Netflix © 2022

Au premier abord, le biopic féminin pourrait être assimilé à la démarche des deux œuvres sur Lady Diana, Diana et Spencer. Un destin de rêve face caméra assujetti en fait à la solitude, l’oppression et la dépression. Toutefois, dans sa radicalité cinématographique, son refus de vraisemblance biographique, en réinterprétant le personnage de Marilyn à partir de quelques faits véridiques (une enfance de souffrance à l’orphelinat, des amours et mariages compliqués…), le roman de Joyce Carol Oates et tout particulièrement le script d’Andrew Dominik envisagent toujours plus de douleurs et de noirceurs ; ils victimisent la femme et la réduisent à ce qu’elle a de plus profond en elle, les névroses déterminantes d’une enfance traumatisée.

Fashion Victime

Apparaissant moins comme une actrice et une star qu’elle n’est dépeinte en blessure béante à l’écran, la Marilyn de Blonde est celle d’un mental cabossé dès sa plus lointaine enfance qui continue à se disloquer à l’âge adulte au point de ne plus donner l’impression au spectateur d’avoir un être face à soi, mais plutôt une représentation physique d’une névrose intarissable. Norma Jeane Baker est systématiquement déboulonnée dans sa chair, son âme, et erre de séquence en séquence, avec la passivité d’une victime née qui ne cherchera jamais à reprendre le dessus. Il y a bien quelques remarques et des confrontations ironiques de la jeune femme face aux personnages de scène qu’elle a incarnés, et qui voudraient nous faire croire que Marilyn était plus que la jolie sotte qu’elle incarnait avec fatalité à l’écran, mais toute la singularité du film consistera à ne jamais étoffer son personnage au-delà de ses douleurs et de sa qualité de femme ingénue. L’on suit le parcours cauchemardesque d’un être destiné à la déchéance et à l’avilissement que rien ne peut sauver. L’impasse sur toute scène heureuse pour une prévalence du fatum diminue tout intérêt biographique et métacinématographique, pour un portrait ravagé de la femme des années 50 qui n’est plus que coups et blessures.

Ana de Armas est Marilyn dans Blonde

Blonde. Ana de Armas est Marilyn Monroe. Cr. Netflix © 2022

Toute cette démarche est peut-être pertinente, mais au cinéma, sur 2h40, elle ne donne pas d’étoffe particulière au fantôme de Marilyn qui n’existe pas au-delà de ses premiers traumas de vie qui vont l’accompagner jusqu’à sa mise à mort finale, lors d’une fin belle et dramatique qui a, de tout temps, été l’objet de fantasmes et de théories, certaines ouvertement complotistes.

Autour de Marilyn, les différents instruments de la chute de Norma Jeane Baker n’ont pas plus d’épaisseur malgré un temps parfois conséquent consacré aux différents épisodes de cette vie hors du commun. En 2h40, le cinéaste Andrew Dominik ne bâcle pas, mais se montre faible quand il faut donner de l’incarnation aux figures dramatiques du récit. Cela se vérifie sur quasiment chacun des films qu’il a pu tourner auparavant. On n’en est pas étonné.

Une représentation charnelle collective

Rayon de soleil du film, la comédienne Ana de Armas exalte un talent réel à vouloir s’approprier une vie niée dès la naissance. Mise à nue, lors de scènes jugées très crues en 2022 par la commission (Blonde a été classé NC-17 aux USA, comme Showgirls, en son temps), la jeune star cubaine offre sa plastique au mythe Monroe dont elle ravive les instants iconiques avec humilité face à l’immensité d’une représentation charnelle collective. Si Ana de Armas échoue à insuffler de la vie à la blonde platine ravagée des années 50, elle n’en est nullement fautive. N’est-elle pas censée habiter un corps qui a abdiqué de toute ambition de vie en raison d’un insoluble complexe œdipien qui occupe tout le film en filigrane?

Evan Williams, Ana de Armas et Xavier Samuel dans Blonde d'Andrew Dominik

Xavier Samuel (Cass Chaplin), Ana de Armas (Marilyn Monroe) et Evan Williams (Eddy G. Robinson Jr.) – Cr. Matt Kennedy / Netflix © 2022

Blonde est plutôt un beau film, d’une grande force picturale, habité par l’appel incessant de l’ailleurs. On ne s’y ennuie plutôt pas, contrairement aux sentiments d’énervement ressentis face aux efforts appuyés de Pablo Larrain et de Kristen Stewart pour rendre Lady Diana attachante dans l’insipide Spencer. Convoquée par la mort, la Marilyn Monroe dépeinte à l’écran est l’ancêtre de la Laura Palmer de David Lynch. Elle aussi n’est plus qu’une âme errante dans l’antichambre qui la sépare d’un enfer ouaté. La musique est opaque. L’atmosphère lourde. Le basculement de Marilyn dans la névrose est celui d’un récit progressivement conquis par les ténèbres, même si dans la forme, après avoir cédé au noir et blanc pendant quelques séquences, Blonde retrouve la couleur dans sa dernière partie.

Déjà morte

Dans cette litanie de viols, de maltraitances, de coups, d’avortement et de fausse couche, le mythe Marylin ne suscite toutefois pas pour autant l’empathie car la femme objet n’y est plus que l’incarnation de la névrose. De ce fait, le film génère inévitablement un sentiment de déception. En abdiquant de la vie et du réel dès le plus jeune âge, le personnage fantasmé par Joyce Carol Oates et Andrew Dominik n’existe déjà plus à nos yeux dès l’incipit ; aucune des mésaventures conjugales ne viendra nous sensibiliser à sa détresse. Le grand échec de Blonde est tout simplement de ne pas avoir su redonner vie à Marilyn, déjà morte à la genèse même de ce projet hors norme. Nous n’avons même plus envie d’une biographie documentée sur la star. L’effet contraire s’est donc produit. Monroe a été tuée une seconde fois. A vrai dire on n’en voudra pas aux coupables tant les intentions de singularité suscitent le respect. Blonde est une œuvre à part qui a le mérite d’être radicale.

Frédéric Mignard

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