Fin psychologue, Diana est un biopic somptueux paré de beaux atouts pour cerner le personnage de l’ancienne Princesse de Galles, réduite à l’essentiel, c’est-à-dire à une femme meurtrie, animée par la banalité des sentiments humains.
Synopsis : 1er Septembre 1995 : La princesse de Galles et le docteur Hasnat Khan sont présentés l’un à l’autre par Oonagh Toffolo, amie de Diana, au Royal Brompton Hospital de Londres. Officiellement séparée du prince Charles depuis décembre 1992, Diana a connu plusieurs aventures amoureuses décevantes. Alors qu’elle s’interroge sur le sens à donner à sa vie, elle s’éprend du chirurgien pakistanais et, pour une fois, parvient à garder quelques temps secrète leur liaison. Son divorce définitivement prononcé en août 1996, Diana veut croire à un avenir possible avec cet homme qui l’aime avec ses qualités et ses défauts, indifférent à l’image d’icône princière qu’elle incarne aux yeux du monde depuis plus de quinze ans.
6 Septembre 1997 : Un homme effondré derrière ses lunettes noires assiste aux obsèques de Diana. Peu de gens reconnaissent Hasnat Khan. Alors que les tabloïds affirment que Diana s’apprêtait à épouser Dodi Al-Fayed, rares sont ceux qui savent que, peu avant son accident, elle essayait encore de joindre Hasnat pour le convaincre de revenir à elle.
Diana ou les deux dernières années du mythe
Critique : La princesse de Galles n’a de cesse de faire la Une, encore quinze ans après son accident mortel à Paris. Alors que Scotland Yard rouvrirait le dossier pour approfondir les circonstances de son décès (les théoriciens du complot doivent se frotter les mains), Lady Diana, connue aussi sous le diminutif de Lady Di, fait l’objet d’un nouveau biopic royal, après les exemples réussis qu’étaient The Queen, Le discours d’un roi et W.E.. Pourquoi autant d’intérêt de la part de nos cinéastes pour une monarchie qui ne veut pas mourir ? Pour un modèle de démocratie un peu archaïque qui a besoin d’idolâtrer l’abstrait pour mieux cimenter la nation ? La naissance surmédiatisée du petit-fils de feue Diana en a été un autre exemple cet été. Ne serait-ce pas pour déminer le sacré, désacraliser des figures que le décorum voudrait extraordinaires et qui finalement s’avèrent être des âmes blessées par une vie confortablement installée dans une tour d’ivoire fissurée de toute part ?
Le nouveau film d’Oliver Hirshbiegel (L’expérience, La chute) conforte cette idée. En ne s’intéressant qu’aux deux dernières années de l’ancienne star people des tabloïds mondiaux, le cinéaste allemand s’éloigne le plus possible du royal (d’Elizabeth ou de Charles, vous n’en verrez même pas l’ombre) pour s’accrocher à l’humain, aussi célèbre soit-il. La princesse ne l’intéresse guère dans son titre. Ou alors celui de « princesse du cœur », qui a bouleversé la nation britannique, car du cœur, oui, il y en a beaucoup dans ce film qui ramasse la “divorcée” à la petite cuillère après l’étalage des infidélités de son époux épris depuis toujours par le troisième pion, en coulisse.
La chute de la famille royale
Basée sur des sources proches de la mère de William et Henry, et une synthèse d’articles publiés, notamment sur l’ouvrage de Kate Snell Le dernier amour de Diana, consultante officielle sur le tournage, le biopic Diana rouvre les blessures d’une femme apatride, si l’on peut considérer la famille comme une patrie. Le rejet de la famille royale à son égard, en particulier de la reine, des tromperies de son époux qui en aimait une autre bien connue mais qui lui avait été officiellement refusée, le rejet infligé également par la famille musulmane de son nouvel amour, sont autant d’échos à sa propre famille, d’origine aristocratique où l’amour n’était pas toujours au rendez-vous.
L’auteur de la Chute (les dernières heures de Hitler) va donc chercher Diana, dans la déconstruction d’une femme au divorce unique dans l’histoire récente de la royauté britannique (le précédent mit fin au catholicisme en Grande Bretagne, à l’époque d’Henri VIII au XVIe siècle !). Il fait resurgir les névroses, les angoisses primaires, la fébrilité d’un individu animé par des sentiments humains : l’orgueil après la trahison, la peur de l’abandon, le besoin viscéral d’être aimé d’un homme. Parfois pathétique ou hystérique, Diana souffre, en format cinéma, et l’empathie l’emporte.
Gourde ou potiche, ne pas choisir
On disait de Diana Spencer qu’elle était gourde ou potiche, elle apparaît ici dans toute sa psychologie de femme. Profonde dans ses abîmes de détresse. En dressant le portrait d’une fin de vie dépressive, accentuée par une love story impossible avec un chirurgien pakistanais, Hirschbiegel s’intéresse à l’impossibilité d’aimer, aux rouages tragiques d’un contexte extraordinaire qui broie dans ses rouleaux compresseurs une femme juste, portée par le cœur (son combat contre le sida, les mines antipersonnel), mais traquée comme un monstre par une presse à scandales, attachée à elle comme des parasites assoiffée de liquide sanguin. Ou de cash. Le jeu avec les paparazzis apparaît d’ailleurs dans le film plus ambigu qu’il ne l’est a priori, puisque Diana les utilisait également dans un but de manipulation de ses proches.
Et le Fatum frappa
Le personnage qui nous est dévoilé est beau, même pour ceux qui prêtent peu d’intérêt pour ces personnalités royales. La bonté d’âme dont fait montre la princesse est rare et il fallait bien une actrice de qualité pour retranscrire à la perfection les tics et subtilités d’une femme pas si sotte. Le choix de Naomi Watts devient alors une évidence. Non pas pour la ressemblance physique avec l’original (le charme de Watts est infiniment plus visuel), mais l’actrice de Mulholland drive détient ce pouvoir d’incarnation qui nous fait croire en cette habitation peu aisée.
Le film s’ouvre et se ferme sur le moment le plus délicat à mettre en scène pour le réalisateur, à savoir les derniers instants. Dans une ambiance un peu fantastique au chic ténébreux, l’ouverture et le final pèsent dans leur inéluctabilité : le Fatum va frapper et, honnêtement, il est difficile de rester insensible à ce grand moment de deuil collectif, qui prend au cinéma une dimension cathartique, libératrice et surtout noble. Car, au travers de ce biopic, c’est bien toute la noblesse d’âme d’un bout de femme assez triviale, mais à la destinée hors du commun, qui est rendue.