Apprécié des fans de Jackie Chan, Big Brother est assurément une œuvre ambitieuse. Le résultat n’est pas pour autant aussi enthousiasmant que prévu.
Synopsis : 1930. Sans un sou en poche, Jackie, tout juste débarqué à Hong Kong, se retrouve au milieu d’une guerre des gangs. Avant de mourir, le chef d’un des gangs le désigne alors comme son successeur. Choix qui est loin de faire l’unanimité…
Critique : Piqué au vif par les propos de la presse qui lui reproche de tourner toujours le même film, Jackie Chan décide à la fin des années 80 de sortir de sa zone de confort en réalisant une œuvre plus complexe. Il parvient à convaincre les producteurs de débourser plus de 9 millions de dollars de l’époque (somme astronomique pour Hong Kong) pour tourner ce qu’il considère toujours aujourd’hui comme son œuvre la plus ambitieuse.
Il faut dire que Jackie Chan y fait preuve de beaucoup de prétention en livrant une réalisation nettement plus travaillée que d’habitude. Cela commence très fort avec de nombreux plans-séquences vertigineux dans des boîtes de nuit, mais aussi dans des rues entièrement décorées dans le style des années 30. La reconstitution historique est d’ailleurs impeccable et la plupart des séquences sont emballées avec un certain talent par des techniciens rompus à l’exercice. Big Brother propose donc un spectacle qui a coûté cher et cela se voit clairement à l’écran. Le film jouit d’ailleurs d’une excellente réputation auprès des fans du petit dragon.
Pourtant, on a également le droit de penser que ces dépenses somptuaires ont été occasionnées en pure perte puisque Big Brother a la mauvaise idée de délaisser l’action pour la comédie et le mélodrame. A partir d’une histoire largement inspirée par Frank Capra et son Milliardaire d’un jour (1961), Jackie et ses nombreux scénaristes n’ont rien trouver de mieux que d’enchaîner les digressions pour détourner le spectateur d’une évidence : la totale vacuité de l’intrigue principale.
Ne racontant finalement pas grand-chose, le long-métrage se disperse sans cesse et nous convie à un nombre conséquent de séquences comiques qui ne feront rire que les amateurs des comédies hongkongaises. Pour mémoire, il s’agit d’un humour un peu ringard, souvent basé sur le quiproquo, avec acteurs grimaçants à la clé. Quand ces effusions humoristiques sont noyées dans un déluge d’action et de cascades, cela reste supportable. Malheureusement, dans Big Brother, on ne compte que peu de scènes d’action – qui demeurent très bonnes, d’où la note finale – en comparaison des multiples séquences censément drôles, mais généralement affligeantes. La partie mélodramatique n’est guère plus réussie puisque Jackie Chan y fait preuve d’une mièvrerie insupportable, tandis que la naïveté de l’ensemble des personnages ne nous pousse guère à l’indulgence.
Si l’on ajoute à cela une durée de plus de deux heures bien trop longues pour être honnêtes, le spectacle devient rapidement ennuyeux, car dépourvu de rythme. Visiblement peu convaincus de ce changement apparent de registre, les Hongkongais ont largement boudé ce grand spectacle qui se voulait un hommage au cinéma classique américain qu’il est pourtant incapable d’égaler. L’échec commercial du film a sérieusement entamé la confiance absolue des producteurs envers Jackie Chan qui ne s’est jamais vraiment remis de ce camouflet. Il est ensuite revenu à des productions plus standardisées, mais qui ont au moins le mérite de réellement divertir le public.
Généralement aimé des fans hardcore de Jackie, Big Brother est assurément une œuvre à part dans sa filmographie, mais pas nécessairement pour le meilleur. A noter que le film n’est jamais sorti dans les salles françaises et qu’il n’a été exploité qu’en VHS dans les années 90 dans une version écourtée de 1h25min. Depuis, le DVD a effacé des mémoires ce honteux charcutage.