Deux actrices formidables, une réalisation inspirée et une musique anthologique font de ce Bagdad café un petit miracle cinématographique. A déguster sans modération.
Synopsis : Après une scène de ménage Jasmin atterrit au Bagdad Café, motel minable entre Disneyland et Las Vegas. La patronne, Brenda, Noire tapageuse et insatisfaite, règne sur tout un petit monde de routiers et de personnages énigmatiques. Peu à peu, Jasmin se fait apprécier de tous et remet même le café à flot grâce à “Magic”, une boîte de magie avec laquelle elle monte des tours, assistée de Brenda. Entre les deux femmes va naître une solide amitié.
Un triomphe inattendu
Critique : En 1988, personne n’a vu venir Bagdad café, signé par le cinéaste allemand Percy Adlon. A part quelques cinéphiles, peu de gens avaient vu les précédents efforts du réalisateur (les plus célèbres étant Céleste en 1981 et Zuckerbaby en 1985) et personne en France ne connaissait l’actrice Marianne Sägebrecht. Arrivé sur les écrans hexagonaux en avril 1988, le film cartonne rapidement au point de devenir le huitième plus gros score de l’année avec 2 354 340 entrées. Triomphe couronné l’année suivante par l’obtention du César du meilleur film étranger. Ce petit miracle s’est d’ailleurs renouvelé dans tous les pays où le film est sorti. Quelle est donc la recette miraculeuse de ce succès phénoménal ?
Tout d’abord, la vision peu orthodoxe du cinéaste sur les Etats-Unis présentés sous un angle pour le moins peu favorable (les populations marginalisées et exclues du système sont les Afro-américains, les vieux et les étrangers) a forcément séduit les Européens, avides de casser le mythe du rêve américain. Ensuite, l’aspect formel très travaillé (abus de filtres et de caméras penchées, très tendance à la fin des années 80), mêlé à une musique envoûtante de Bob Telson, a contribué à créer une ambiance nonchalante terriblement séduisante.
Bagdad Café, un feel good movie chaleureux
Chaleureux et cotonneux, Bagdad café est une œuvre confortable où le spectateur peut se lover en toute quiétude. Enfin, l’écriture des personnages et de leurs relations tout d’abord conflictuelles puis amicales, est suffisamment fine pour dépasser un certain nombre de clichés volontairement outrés ici. Ainsi, les Allemands présentés sont de véritables caricatures de Bavarois, tandis que les Noirs américains sont décrits très grossièrement.
Pourtant, au fur et à mesure que le film avance et que les relations s’approfondissent, les clichés volent en éclats et font place à une humanité franchement revigorante. Le happy end final apporte enfin une récompense à ces personnages que l’on a appris à aimer, par-delà leurs défauts. Dès lors les afféteries stylistiques du début sont oubliées au profit d’une émotion à fleur de peau où tolérance réciproque rime avec tendresse. Désormais, on parlerait de feel good movie à propos de cette œuvre qui en profite aussi pour souligner le rôle fondamental des femmes, sans pour autant se faire un porte-étendard de quelque cause que ce soit.
Des actrices et acteurs magnifiques dans ce qui est devenu un classique des années 80
Malgré quelques autres tentatives peu concluantes, le réalisateur Percy Adlon n’a jamais retrouvé la magie inhérente à cette œuvre, destinée à rester un unique spécimen, chaleureux et tendre. On notera que les deux actrices principales n’ont jamais retrouvé de rôle aussi savoureux malgré des carrières bien fournies. Il est également important de signaler l’excellente composition d’un Jack Palance en total contre-emploi. Celui qui restait encore une figure typique de méchant hollywoodien trouve là un rôle romantique à souhait qui révèle une sensibilité de jeu qu’on ignorait chez lui.
Oui décidément, Bagdad Café tient du miracle pur et simple. Preuve de cet impact toujours intact, le long-métrage a eu le droit à une magnifique cure de jouvence grâce à une restauration 4K et une présentation en grande pompe lors de Cannes Classics en 2018. Ce petit bijou a ainsi pu ressortir en salles, tout en bénéficiant d’une édition blu-ray anniversaire.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 20 avril 1988
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