Ulli Lommel est un ancien collaborateur de Fassbinder et Andy Warhol, figure de la Nouvelle Vague allemande, qui plongea ensuite dans le bis.
Ulli Lommel, de Russ Meyer au cinéma bis
En démarrant sa carrière d’acteur, notamment chez Russ Meyer (Fanny Hill, 1964), Ulli Lommel était prédisposé au cinéma décalé, B et Z. C’est donc là qu’il forgera toute sa filmographie, notamment de réalisateur, avec quelques pépites allemandes et américaines, puisque le cinéaste s’est installé aux USA en 1977.
Au milieu des années 60, il joue pour Alfred Weidenmann dans Le grand jeu de l’amour (1963) et Maigret fait mouche ! (1966). Evidemment, Fassbinder emploie son physique de jeune premier et les deux compères vont souvent se croiser. Fassbinder le dirige dans L’amour est plus froid que la mort (1969), Prenez garde à la sainte putain (1970), Le monde sur le fil (1973), Effi Briest (1974), Roulette chinoise (1976) avec Anna Karina et Macha Méril, Le rôti de Satan (1976)… Il est aussi à l’affiche de nombreux films de Daniel Schmid.
Bon vivant, Ulli Lommel s’amuse à apparaître dans de nombreux films érotiques à la mode (Les impudiques)…
Toutefois, en tant que cinéaste, pas de doute, c’est bien le cinéma bis qu’il préfère. Il tourne La tendresse des loups, film choc, mais raté, dans lequel un psychopathe viole et dévore, puisqu’il est cannibale, de jeunes garçons. Fassbinder produit et joue dans cette shocker-(p)arty, proposée à Berlin en 1973. Sa carrière française fut réduite à peu d’écrans.
De façon alimentaire, Ulli Lommel réalise des gaudrioles teutonnes aux titres extravagants.
A son arrivée aux Etats-Unis, il dirige Andy Warhol dans un pur film de contre-culture derrière une intrigue criminelle : Cocaine Cowboys : culte. Il retrouve le roi du pop art en 1978 avec Blank Generation. Carole Bouquet, à peine 21 ans, et le chanteur rock underground Richard Hell en sont les interprètes principaux. Une œuvre d’époque singulière.
Une page d’histoire du cinéma underground
Ulli Lommel connaît ensuite son plus grand succès avec The Boogeyman, un ersatz d’Amityville éhonté, distribué en France sous le titre de Spectre. La magnifique affiche de Landi dissimule l’arnaque de ce qui deviendra un carton mondial. Le film réalise 100 000 entrées sur notre territoire, malgré son tout petit distributeur indépendant.
Le miroir hanté et son Boogeyman reviendront en 1983. Cette fois-ci, Ulli Lommel est crédité comme coréalisateur et producteur. On comprend très vite pourquoi, Le film ne fait que recycler des chutes du premier film ! L’ambiance musicale demeure toutefois sympathique, mais la qualité n’est pas là. Peu avant sa mort, Ulli Lommel réalisera un troisième et ultime épisode : Boogeyman : Réincarnation.
Ulli Lommel tournera d’autres films de ce genre comme Cauchemar (The Devonsville Terror), nanar très fréquentable, exploité en France en province puis en VHS. L’ambiance proche de Fulci (en version pauvre) et les effets spéciaux barrés en font une kitscherie attrayante.
L’exploitant allemand dirige aussi Tony Curtis dans Brainwaves, plus méconnu, malgré une ambiance encore une fois travaillée. Le film se veut un hommage à De Palma (Furie, Carrie) et Cronenberg (Scanners, Dead Zone). Hommage ou pompage ?
En 1984, Ulli Lommel réalise une production bis avec Klaus Kinski dont il doit gérer les crises de folie et l’alcoolisme durant un tournage où l’acteur était hors de contrôle.
Les derniers produits nanardesques d’Ulli Lommel, dans lesquels il poursuivait sa carrière d’acteur parallèlement, restent difficilement regardables, de par le format vidéo peu attrayant. Il adapte Lovecraft (The Tomb), Edgar Allan Poe (The Raven) et court après toutes les modes cinématographiques (Zombie Nation, Zodiac Killer, Curse of the Zodiac, Black Dahlia…).
Ulli Lommel, artiste bis ultra culte, décède d’une insuffisance cardiaque en 2017. Il travaillait alors sur l’adaptation de The Boogeyman en série télévisée, Boogeyman Chronicles. Il venait d’en réaliser le premier épisode.
Une page d’histoire du cinéma underground était tournée. Nous, on a envie de la relire…