Steven Soderbergh est un cinéaste américain révélé en 1989 avec son premier long de fiction, Sexe, Mensonges & Vidéo, Palme d’Or du Festival de Cannes.
Steven Soderbergh est le plus prolifique des cinéastes américains issus des années 80, puisqu’il a réalisé plus de trente longs métrages en moins de 35 ans, produit tout autant de longs, monté, photographié… Ce passionné de l’image est devenu un maître de l’expérimental, tout en alternant avec des projets plus commerciaux, des films noirs, thrillers ou biopic, notamment dans le domaine médical.
Les années de l’indépendance
La première partie de sa carrière, que l’on pourrait qualifier d’indépendante, est la plus intéressante. Elle caractérise un certain foisonnement de la scène alternative à Hollywood à la fin des années 80. Sexe, Mensonges & Vidéo, son premier long de fiction est non seulement incorporé à la Compétition officielle à Cannes, fait rare pour un premier essai, mais l’ingénieux petit film décrochera la Palme d’or. Une Palme toute fraiche et moderne avec des jeunes vedettes révélées aux yeux du public qui en redemande. On découvre ainsi les talents de James Spader, Andie MacDowell et Peter Gallagher.
© ARP 1989
Cette phase indépendante s’achèvera une décennie après, avec l’expérimental Schizopolis, où le cinéaste mettait en scène son ancienne épouse, Betsy Brantley.
Durant ces dix ans, Steven Soderbergh affiche sa différence, son ton, unique, il symbolise à lui seul un versant insolent des années 90.
Après Sexe, Mensonges & Vidéo qui connaît un succès considérable en France (plus d’un million d’entrées) et qui est distribué aux USA par les frères Weinstein via Miramax, le jeune auteur tourne coup sur coup le biopic Kafka, avec Jeremy Irons, King of the Hill, d’après le roman de Aaron Edward Hotchner, avec le jeune Jesse Bradford, A fleur de peau avec Peter Gallagher… Le succès n’est pas au rendez-vous.
George Clooney, Julia Roberts et les autres
Hors d’atteinte en 1998, il réalise un film accessible, avec George Clooney, Jennifer Lopez, sans pour autant appliquer le lot de ficelles hollywoodiennes attendues. Un succès qui correspond bien à la fin de la décennie qui marque l’ascension irrésistible de la star d’Urgences dans un cinéma plus convaincant que Batman et Robin.
L’Anglais en 1999, avec Terence Stamp et Lesley-Ann Warren démontre un peu plus l’amour de Soderbergh pour le film noir. Un succès en France. Les USA sont à la traîne avec moins de 5M$ de recettes.
Affiche d’Erin Brockovich, de Steven Soderbergh, avec Julia Roberts – Copyrights 2000 Universal Pictures
En 1999, Steven Soderbergh démarre une carrière hollywoodienne plus conventionnelle avec coup sur coup des films commerciaux comme Erin Brockovich, seule contre tous, biopic avec Julia Roberts, produit par Danny DeVito, et les collectifs Traffic et Ocean’s Eleven, film de gangsters qui lancera une nouvelle mode à Hollywood. Trois triomphes au box-office.
Soderbergh, nommé à l’Oscar du Meilleur réalisateur pour Erin Brockovich, seule contre tous, se pare, au tout début des années 2000, d’une hype remarquable, qui lui permettra par la suite d’alterner projets ambitieux sur un plan commercial ou productions personnelles, voire expérimentales. Par ailleurs Traffic lui vaudra même son seul Oscar en tant que réalisateur.
Entouré d’acteurs fidèles (Julia Roberts, Clooney, Don Cheadle, Albert Finney, Catherine Zeta Jones…), il trouve logiquement aux USA ses plus gros succès à cette époque. Cinq de ses œuvres se situent au-dessus des 100M$ de recettes entre 2000 et 2007, puisque durant cette même décennie, Ocean’s Twelve (2004) et Ocean’s Thirteen (2007) trouveront aussi un certain écho au guichet des cinémas.
© Bac Distribution
En 2002, en toute liberté, Soderbergh tourne Full Frontal, avec Julia Roberts, David Duchovny, Nicky Katt, Catherine Keener, et Mary McCormack. L’essai marque un retour peu convaincant au cinéma indépendant. Avec moins de 3M$ de recettes aux Etats-Unis et à peine 1 million de recettes à l’international, la comédie passe inaperçue et sera très vite oubliée.
Les expériences de Soderbergh
Solaris, en 2004, mettant en scène son ami George Clooney, est un nouveau désaveu commercial. Le space opéra reste un remake d’un film contemplatif russe (de Tarkovski, en l’occurrence) que l’auteur ne cherche pas à travestir en divertissement. Artistiquement réussi, sa relecture ne trouvera pas le public escompté. Pouvait-il en être autrement?
En 2006, Soderbergh livre une œuvre conceptuelle, sans aucune star, avec le micro budget Bubble qui ne suscite pas la curiosité. Le réalisateur enchaîne aussitôt avec un film noir au bide retentissant. Produit par Warner, The Good German, avec George Clooney, Cate Blanchett, et Tobey Maguire s’écrase à moins de 2M$ de recettes aux USA et 5.3M$ dans le reste du monde. Un désastre.
2009 : Steven Soderbergh sort quatre longs métrages en France
Ocean’s 13 suit la même année, mais le sequel avec George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon, Andy Garcia, Don Cheadle et Bernie Mac parvient à peine à se hisser au-dessus des 100M$ aux USA, loin des attentes du studio Warner. Malgré tout, le cinéaste proposera via cette même major, en 2009, un biopic sur le Che, en deux parties, avec Benicio Del Toro. Malheureusement, là encore, la déception est palpable au box-office, en particulier pour le second épisode qui sort trois semaines après en France, pour une fréquentation deux fois moindre.
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En 2009, l’année des deux Che, les Français peuvent découvrir deux autres longs de Steven Soderbergh. Le cinéaste semble en effet pris d’une frénésie de filmer. Durant l’été, l’exercice de style Girlfriend Experience, avec l’actrice issue du porno Sasha Grey, est avec Bubble ou Schizopolis, l’un de ses films les plus confidentiels. Il dépasse à peine les 20 000 entrées en France, mais sera décliné en série télévisée six ans plus tard. The Informant, chez Warner, permet au cinéaste de diriger son acteur fétiche, Matt Damon, dans un nouveau récit de scandale industriel qui évoque Erin Brockovich.
Les années 2010, vivre pour filmer
Dans les années 2010, Steven Soderbergh se disperse et tourne à tout va, dans tous les formats, avec pour seule motivation expérimenter l’image dans toutes ses possibilités, allant jusqu’à filmer un long entièrement avec un téléphone portable. Films de cinéma, téléfilms pour la SVOD (Netflix, HBO…), séries télévisées…, l’auteur ne manque jamais d’audace. Il tourne quelques œuvres commerciales pour faire illusions. Contagion et Effets secondaires sont des films de casting. Le premier, au budget de 60M$, exploite le sillon du film de science-fiction catastrophe. Avec Marion Cotillard, Matt Damon, Laurence Fishburne, Jude Law, et Gwyneth Paltrow en tête d’affiche, le produit bien marketé fonctionne plutôt bien.
En 2012, Soderbergh tourne l’improbable Magic Mike (2012), avec un autre acteur qu’il affectionne, Channing Tatum. Cette comédie à petit budget (5M$) est un triomphe aux USA où le strip-tease de beaux torses ravit le public féminin. Les Français seront moins convaincus, puisque le programme restera sous la barre des 300 000.
Le même été que Magic Mike, le réalisateur sort également Piégée (Haywire), qui passe inaperçu, malgré un casting royal : Gina Carano, Michael Fassbender, Ewan McGregor, Bill Paxton, Channing Tatum, et Antonio Banderas. Le film d’action ne parvient pas à apparaître comme autre chose qu’une série B estivale et ne semble pas marqué du sceau du cinéaste.
Un an plus tard, en 2013, Soderbergh dirige Michael Douglas et Matt Damon, dans un téléfilm et biopic sur le pianiste Douglas Eye Liberace, mort du sida en 1987. Ma vie avec Liberace est un énième budget moyen pour le cinéaste, au résultat peu enthousiasmant au box-office français où le téléfilm HBO sort sur le grand écran.
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Le cinéma mis à l’écart pour d’autres formats
Steven Soderbergh décide alors d’arrêter le cinéma pour la télévision. Il s’absente en fait pendant quatre longues années des salles pour aller tâter le chemin du petit format de la SVOD et de la télévision. Il ne revient au cinéma qu’en 2017, avec Logan Lucky qui mélange l’automobile et le casse, avec un casting masculin intéressant (Adam Driver, Daniel Craig, Channing Tatum). Enfin en 2018, armé de son Iphone, il plonge Claire Foy aux portes de la folie, dans l’expérience Paranoïa, thriller budgété à 1.5M$ que la Fox transformera en succès d’estime (200 000 entrées en France, 7.6M$ aux USA).
Auteur insolent d’indépendance aux talents multiples (il est également scénariste, producteur, directeur de la photographie, monteur…), Steven Soderbergh a évidemment réalisé de nombreux documentaires, dont un sur le groupe progressif Yes, en 1985.
Un producteur toujours enthousiaste
Il a produit le succès indépendant de l’année 1997 En route vers Manhattan de Greg Mottola, puis Pleasantville de Gary Ross en 1999 ; il a contribué à la découverte des frères Russo en produisant Bienvenue à Collinwood.
Steven Soderbergh, enthousiaste, passionné, toujours prêt à faire découvrir des talents, servira de producteur délégué sur le troisième Qatsi de Godfrey Reggio, Naqoyqatsi, mais aussi sur Insomnia de Christopher Nolan, Loin du paradis et I’m Not There de Todd Haynes, Confessions d’un homme dangereux et Good Night and Good Luck de George Clooney, Syriana de Stephen Gaghan, A Scanner Darkly de Richard Linklater, Magic Mike XXL de Gregory Jacobs, Ocean’s 8 de Gary Ross, Bill et Ted sauvent l’univers de Dean Parisot… La liste est non exhaustive.
Infatigable, Soderbergh a également réalisé pour HBO les séries The Knick (avec Clive Owen) et Mosaic (avec Sharon Stone et Garrett Hedlund). Pour Netflix, il est l’auteur du film sportif High Flying Bird, diffusé à partir de 2019, et The Laundromat : L’Affaire des Panama Papers avec entre autres Meryl Streep, qui fera sa première à Venise, en 2019. Un succès du géant du streaming.
Soderbergh retrouve la comédienne en 2020 à l’occasion de La grande traversée qu’il réalise pour HBO Max. En 2021, il poursuit sa collaboration avec HBO Max (donc le groupe Warner) avec le thriller No Sudden Move, puis, en 2022, il enchaîne avec un nouveau thriller, KIMI, avec cette fois-ci Zoë Kravitz en tête de générique.
Ces productions HBO sont visibles en France via Canal + et en VOD.
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