Un dollar entre les dents : la critique du film et le test du Mediabook (1967)

Western | 1h26min
Note de la rédaction :
6/10
6
Un dollar entre les dents affiche du film

Note des spectateurs :

A la limite du plagiat de la trilogie signée Sergio Leone, Un dollar entre les dents est une petite production fauchée qui n’en demeure pas moins sympathique grâce à un joli travail sur les ambiances. A découvrir.

Synopsis : Un détachement de la cavalerie américaine convoie un coffret rempli d’or pour le gouvernement mexicain. Le bandit Aguila, prenant la place de l’officier chargé de la réception, le dérobe, avec l’aide d’un homme surgi de nulle part : l’Étranger. Quand vient le moment du partage, les deux ne s’entendent pas…

Critique : Au milieu des années 60 de nombreux acteurs américains sans emploi cherchent la rédemption du côté du marché européen. Appâtés par les gains substantiels obtenus par Sergio Leone et Clint Eastwood grâce à Pour une poignée de dollars (1964), beaucoup de petits malins cherchent la fortune du côté de l’Italie. Parmi eux, Tony Anthony compte bien saisir sa chance et se lance dans la coproduction d’une œuvre où il tiendrait le rôle principal. Contre un salaire modeste, l’acteur se réserve les droits d’exploitation du long-métrage aux Etats-Unis, ce qui sera pour lui une excellente affaire puisque Un dollar entre les dents (1967) a connu un beau succès au pays de l’oncle Sam, alors qu’il fut un échec en Italie.

© Primex Italiana / Taka Production. Tous droits réservés.

Script minimal pour budget rachitique

Il faut dire que le scénariste Giuseppe Mangione n’a pas eu beaucoup à se creuser la tête pour écrire son script, tant celui-ci est un démarquage à peine déguisé du film séminal de Sergio Leone évoqué précédemment. On retrouve ici la localisation dans une ville frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, ainsi qu’un personnage mutique qui s’immisce entre plusieurs bandes pour leur soutirer de l’or. Si l’on ne peut pas parler de plagiat pur et simple, la formule est quand même très fortement inspirée de l’œuvre de Leone. Toutefois, le budget estimé à 190 000 $ ne permet absolument pas à Luigi Vanzi de rivaliser avec Leone. Tout d’abord, le tournage est localisé dans des studios italiens, ainsi que dans une carrière romaine pour les extérieurs, l’Espagne étant hors d’atteinte pour une telle production. Cela se ressent surtout dans la pauvreté des scènes en extérieur, heureusement peu nombreuses. Limité par des paysages peu raccords avec les Etats-Unis, Vanzi doit se contenter de quelques pauvres chevauchées dépourvues du moindre souffle épique à cause d’un abus de plans serrés.

Vanzi compense par l’optimisation de son unique décor et de beaux cadrages

Afin de compenser cette faiblesse, le cinéaste se concentre sur les séquences d’intérieur en studio. Par souci d’économie, il table sur des décors mexicains épurés où les murs blancs des maisons découpent l’espace du cadre de manière symétrique. Réalisé avec un certain sens du classicisme, Un dollar entre les dents démontre à de nombreuses reprises la capacité du réalisateur à optimiser son unique décor en variant les angles de prise de vues. Il se sert de la lenteur de l’action et du mutisme de son personnage principal pour créer une ambiance intrigante, alternant les moments sadiques avec des passages un peu plus légers. Il use et abuse parfois du thème musical de Benedetto Ghiglia pour compenser la faiblesse des séquences. La musique, un peu répétitive à la longue, recycle la plupart des gimmicks initiés par Ennio Morricone, pour le plus grand bonheur des fans de western-spaghetti.

Ambiance à mi-chemin entre sadisme et humour à froid

Au niveau des acteurs, les amateurs apprécieront la prestation impeccable de Frank Wolff en méchant mexicain, tandis que l’interprétation de Tony Anthony demeure légèrement en retrait. Ni bon ni mauvais, l’acteur fait le job sans briller, mais sans être ridicule non plus. Côté charme, on aime le personnage de méchante sadique incarnée par Gia Sandri. La séquence où elle manie le fouet avec dextérité est un beau moment d’érotisme sadomasochiste comme savait le faire les Italiens. Si l’on peut regretter un rythme lancinant, une absence de scénario construit et quelques grosses erreurs de continuité, Un dollar entre les dents demeure foncièrement sympathique grâce à son ambiance travaillée et un humour à froid plutôt réussi. Il ne s’agit aucunement d’un incontournable, mais les amateurs du genre sauront lui donner sa chance. D’ailleurs, le joli succès rencontré par le métrage à l’étranger, et notamment aux Etats-Unis a permis d’initier une franchise comprenant trois suites entre 1967 et 1975.

 

Le test du Mediabook :

© 2019 Artus Films / Design : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.

Compléments & packaging : 4/5

 Tout d’abord, il faut signaler la beauté de l’objet proposé par l’éditeur Artus. Sur le modèle de sa collection Fulci, le Mediabook comprend à la fois le DVD et le blu-ray du film, mais aussi un superbe livre d’Alain Petit de 62 pages magnifiquement illustrées. Le texte est très informatif et permet de compenser en partie le manque de compléments sur support vidéo. Sur la galette bleue, on retrouve une introduction d’une douzaine de minutes avec l’ami Curd Ridel qui a du mal à cacher son peu d’enthousiasme face à un film qu’il ne porte pas dans son cœur. Il le démolit de manière un peu trop systématique à notre goût, même si ses arguments sont recevables. Plus intéressant, l’entretien avec Tony Anthony et Ron Schneider lors d’une séance de cinéma en public (23min) n’est pas centré sur ce film précis, mais les deux hommes en profitent tout de même pour l’évoquer, ainsi que toute la saga de l’Etranger. Ils insistent sur le manque d’argent qui ne permettait pas de payer les figurants ou l’équipe technique. Leur passion est bien visible.

L’éditeur nous offre également en bonus le générique de la version française (3min) dans un état critique digne d’une VHS très abîmée. Enfin, la bande-annonce et un riche diaporama avec les affiches internationales nous sont offerts. Il s’agit donc d’une édition très soignée qui fera partie des pépites de votre collection.

Image du blu-ray : 4.5/5

La restauration 2K indiquée sur la jaquette est bien effective car la copie est de toute beauté. Elle permet de sublimer un long-métrage qui mérite d’être redécouvert dans de telles conditions. La luminosité est superbe, les couleurs pimpantes et la définition est à couper au rasoir. Si vous voulez connaître le moindre recoin de la peau de Tony Anthony, cette édition est faite pour vous. Le rendu est donc exceptionnel pour un film aussi rare et ancien.

Le son du blu-ray : 4/5

Les deux pistes en mono DTS HD Master Audio (français et italien) sont de très bonne tenue. Si l’on préfère largement la piste italienne, plus équilibrée et naturelle dans son mixage et son intégration de la musique, le doublage français ne démérite pas. Le rendu est un peu plus étouffé. De toute façon, le long-métrage est majoritairement muet, donc il faut mieux opter pour la V.O.

Critique et test blu-ray : Virgile Dumez

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