Un automne à Great Yarmouth : la critique du film et le test DVD (2023)

Drame social | 1h53min
Note de la rédaction :
6,5/10
6,5
Un automne à Great Yarmouth, affiche

  • Réalisateur : Marco Martins
  • Acteurs : Kris Hitchen, Nuno Lopes, Beatriz Batarda, Romeu Runa
  • Date de sortie: 06 Sep 2023
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Portugais, Français, Britannique
  • Titre original : Great Yarmouth : Provisional Figures
  • Titres alternatifs : -
  • Autres acteurs : Rita Cabaço, Hugo Bentes, Peter Caulfield
  • Scénaristes : Marco Martins, Ricardo Adolfo, Guilherme Branquinho
  • Monteurs : Mariana Gaivão, Karen Harley, Marco Martins
  • Directeur de la photographie : João Ribeiro
  • Compositeur : Jim Williams
  • Chef Maquilleur : -
  • Chef décorateur : Wayne Dos Santos
  • Directeurs artistiques : Chris Barber, Sara Lança
  • Producteurs : Kamilla Hodol, Filipa Reis, Yohann Cornu, François d'Artemare
  • Producteurs exécutifs : Ian Hutchinson, Emilie Jouffroy, Saskia Thomas
  • Sociétés de production : Uma Pedra no Sapato, Les Films de l'Après-Midi, Elation Pictures, Damned Films
  • Distributeur : Damned Distribution
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Damned Films (DVD, 2023)
  • Date de sortie vidéo : 6 février 2024
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 236 entrées / 653 entrées
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.39 :1 / Couleurs / Son : 5.1
  • Festivals : Festival de San Sebastian 2022 : compétition officielle / Festival International du film d'Inde 2022 / Festival du film de Glasgow 2023 / Festival international du film d'Uruguay 2023 / Festival du film de La Rochelle 2023 / Festival international du film de Guadalajara 2023
  • Récompenses : Festival international du film de Guadalajara 2023 : Prix de la meilleure actrice pour Beatriz Batarda et du Meilleur scénario
  • Illustrateur/Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Uma Pedra no Sapato, Les Films de l'Après-Midi, Elation Pictures, Damned Films. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attaché de presse : Jean-François Gaye
  • Recommandé Art et Essai par l'Afcae
Note des spectateurs :

Glauque dans son contexte, son esthétique et sa thématique, Un automne à Great Yarmouth ausculte les failles du capitalisme mondialisé avec une froideur calculée. Le manque total de lumière au bout du tunnel pourra éconduire certains spectateurs.

Synopsis : Octobre 2019, en Grande-Bretagne, trois mois avant le Brexit. Tânia organise le travail, transport et logement des travailleurs immigrés portugais de l’usine de volailles de Great Yarmouth, dans le Norfolk. Flottant dans un monde où les bâtiments sont délabrés et les conditions de travail des ouvriers à l’abattoir particulièrement dures, Tânia apprend l’anglais en rêvant d’ouvrir un jour un hôtel pour y accueillir les touristes du troisième âge.

De la pièce de théâtre au film

Critique : Peu avant le Brexit, le réalisateur portugais Marco Martins se rend en Angleterre dans la localité de Great Yarmouth afin d’y observer les conditions de vie misérables des travailleurs immigrés portugais. Afin de créer une pièce de théâtre, il fait de multiples rencontres et amasse un nombre impressionnant de témoignages tous plus poignants les uns que les autres. Dès lors, il estime qu’il possède suffisamment de matériel pour écrire une pièce de théâtre, mais également pour en tirer un scénario de cinéma qui serait le prolongement de sa pièce.

Alors que le spectacle proposé sur scène était clairement politique et doté d’une volonté documentaire forte, son script préfère embrasser la fiction à travers le destin d’une femme dont on suivrait pas à pas le cheminement. Ainsi, Un automne à Great Yarmouth (2022) est tourné dès le début 2020 en Angleterre, avec un budget minimal. Pourtant, la fatalité s’abat sur le film puisque la crise de la Covid-19 oblige toute l’équipe à stopper le tournage pour revenir au Portugal. Il a fallu attendre la fin de l’année 2020 pour que les affaires reprennent, notamment grâce à un soutien financier du BFI (British Film Institute). Pour un peu Un automne à Great Yarmouth ne voyait jamais le jour, victime collatérale d’une terrible pandémie.

L’automne ressemble terriblement à l’hiver

Ce contexte troublé peut sans doute expliquer l’extrême noirceur qui frappe ce long métrage social dont le constat est pour le moins radical. Comme le dit très bien l’un des personnages vers la fin du film, l’être humain descend peut-être des animaux, mais il ne mérite pas vraiment ce titre, tant il déshonore les espèces dites inférieures par son attitude. Effectivement, dans Un automne à Great Yarmouth, rien ne suinte l’espoir ou la lumière des jours heureux.

Un automne à Great Yarmouth, photo d'exploitation

© 2022 Uma Pedra no Sapato – Les Films de l’Après-Midi – Elation Pictures – Damned Films. Tous droits réservés.

Située dans une ancienne ville balnéaire abandonnée par les Britanniques et colonisée par les migrants portugais, l’intrigue suit les pas d’une Portugaise qui guide les nouveaux arrivants dans leurs démarches pour trouver un emploi dans l’abattoir local et leur fournit un logement. Mais attention, point d’inclination humanitaire ici puisque l’héroïne est bien une femme sans scrupules qui exploite ses congénères et qui s’avère être une marchande de sommeil (on signalera le jeu intense de Beatriz Batarda dans un rôle pas si évident). Elle-même dans une misère crasse, elle se débat pour se sortir de cet enfer et pour monter sa petite affaire – un hôtel qui recevrait des touristes britanniques âgés. Pour cela, elle semble prête à toutes les compromissions qui passent notamment par la disparition de personnes encombrantes.

Un système libéral qui avilit animaux et êtres humains

Certes, Marco Martins ne juge jamais ce personnage qui tente de survivre dans cet enfer libéral, mais le spectateur aura sans aucun doute du mal à s’attacher aux pas de cette héroïne finalement assez détestable. Histoire d’appuyer un peu plus sur les plaies du libéralisme britannique forcené – pour mémoire un pays entièrement ruiné par le capitalisme sauvage qui y sévit depuis des décennies – le cinéaste situe son film non loin d’abattoirs où sont froidement exécutées des dindes. Loin de nous épargner quoi que ce soit, Marco Martins filme de manière documentaire l’horreur et l’inhumanité totale de ces lieux de mort. Il semble nous crier à la face qu’un être humain incapable de respecter le vivant ne peut pas se clamer une espèce supérieure. On ne lui donnera pas tort.

A ce constat glaçant, le réalisateur ajoute un nombre conséquent de séquences où certains personnages se retrouvent humiliés. On pense notamment au pauvre Raul (excellent Romeu Runa) qui passe son temps à divertir les Britanniques du cru (l’odieux Kris Hitchen, dans un emploi très éloigné de ceux qu’il tient d’ordinaire pour Ken Loach) en imitant le dindon. Les scènes où il s’humilie volontairement pour plaire à ses hôtes font vraiment mal. Si l’on ajoute encore à cela une esthétique volontiers crade, avec des décors pisseux, Un automne à Great Yarmouth ne propose vraiment aucune lumière dans un monde gangrené par le fric.

Trop de désespoir finit par nuire

Un peu trop rapidement comparé au cinéma de Ken Loach, celui de Marco Martins s’en différencie de manière radicale car le vieux briscard britannique insufflait toujours une forme de solidarité (et donc d’espoir) dans ses œuvres. Ce n’est absolument pas le cas de Martins qui sombre allègrement dans le misérabilisme et dans la noirceur absolue. Cela peut être lassant au bout des deux heures de projection qui semblent bien longues à qui n’a pas envie d’être ainsi maltraité.

Toutefois, son point de vue radical a le mérite d’exister et de pointer du doigt sans fioritures un monde libéral et capitaliste totalement inhumain et qui ne pourra que périr à force de ne rien respecter, ni l’environnement, ni les animaux et encore moins les êtres humains devenus de simples variables d’ajustement de la politique économique.

Critique de Virgile Dumez

Box-office d’Un automne à Great Yarmouth

Sorti à Paris à l’Espace St-Michel et aux Parnassiens, ainsi qu’au François Truffaut de Chilly-Mazarin, Un automne à Great Yarmouth a sabré le moral de 441 franciliens en première semaine, avant de passer à 133 spectateurs en semaine 2. En 3e semaine, la dépression filmique ne tourmente plus que 52 spectateurs dans 1 seul cinéma Parisien, l’Espace St-Michel. En 5e semaine, le distributeur Damned cueille encore 8 spectateurs dans ce même cinéma pour une pêche à 653 curieux.

L’échelle française ne sera guère plus productive : 1 024 entrées (12 salles, 53e), 133e en semaine 2 qui se restreint en fait à la seule fenêtre parisienne. Ce film portugais coup de poing cesse de respirer à 1 236 entrées. La Province n’en aura jamais voulu.

Heureusement, Damned l’éditera en vidéo dans une édition de qualité mais tirée en peu d’exemplaires. La force du format physique… il est encore temps de se l’approprier avant sa disparition annoncée.

Box-office de Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 6 septembre 2023

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Un automne à Great Yarmouth, affiche

© 2022 Uma Pedra no Sapato – Les Films de l’Après-Midi – Elation Pictures – Damned Films. Tous droits réservés.

Biographies +

Marco Martins, Kris Hitchen, Nuno Lopes, Beatriz Batarda, Romeu Runa

Mots clés

Cinéma portugais, Films anticapitalistes, Films sur les migrants, Critique sociale

Le test DVD

Damned Films nous propose un nouveau film radical dans sa riche collection de perles rares. Test réalisé à partir du produit finalisé.

Compléments & packaging : 3 / 5

Comme toujours chez cet éditeur, le packaging se présente sous forme de digipack slim qui renferme le DVD et une photo issue du film. C’est simple, mais on évite ainsi le boitier Amaray conventionnel. En matière de supplément, l’éditeur propose un entretien d’une quinzaine de minutes avec le cinéaste Marco Martins qui explique par le menu la création du film, son tournage compliqué par la Covid-19 et ses liens privilégiés avec l’actrice Beatriz Batarda, une amie d’enfance. L’ensemble est passionnant à écouter et essentiel pour mieux comprendre le film.

L’image : 3,5 / 5

Il s’agit d’une copie SD tout à fait classique qui nous est proposée ici, avec un léger manque de piqué et surtout une tendance à ne pas suffisamment approfondir les noirs. Toutefois, cela demeure satisfaisant en ce qui concerne le rendu photographique d’un long métrage qui ne sacrifie jamais l’esthétique à son aspect documentaire.

Le son : 4 / 5

Proposé en version originale 5.1 ou 2.0, le long métrage mérite amplement d’être vu en version spatialisée. Effectivement, la piste 5.1 s’avère très efficace dans son rendu, avec un emploi assez étonnant de toutes les enceintes, notamment dans l’usine d’abattage, y compris le caisson de basses. Cela participe grandement à l’immersion totale dans cet univers désespéré qui est celui du film. Une très belle surprise sur ce plan.

Test du DVD de Virgile Dumez

Un automne à Great Yarmouth, jaquette du DVD

© 2022 Uma Pedra no Sapato – Les Films de l’Après-Midi – Elation Pictures – Damned Films. Tous droits réservés.

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Un automne à Great Yarmouth, affiche

Bande-annonce d'Un automne à Great Yarmouth (VOstf)

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