Tuer pour tuer (San Babila – un crime inutile) : la critique du film (2013)

Polar | 1h41min
Note de la rédaction :
6/10
6
Rétrospective en 3 films de Carlo Lizzani (San Babila : un crime inutile)

  • Réalisateur : Carlo Lizzani
  • Acteurs : Daniele Asti, Giuliano Cesareo, Brigitte Skay
  • Date de sortie: 26 Avr 2023
  • Année de production : 1976
  • Nationalité : Italien
  • Titre original : San Babila ore venti : Un delitto inutile
  • Titres alternatifs : Tuer pour tuer (Cinéma, France, Sud-Est, VHS, Télévision), Kill to Kill - tuer pour tuer (VHS, France) San Babila : un crime inutile (blu-ray, 2018 ; Cinéma 2023), San Babila: 8 P.M. (Etats-Unis, Royaume-Uni), San Babila, godzina 20 (Pologne), San Babila egy napja (Hongrie), San Babila, 20 Uhr: Ein sinnloses Verbrechen (Allemagne)
  • Autres acteurs :
  • Scénaristes : Mino Giarda, Carlo Lizzani, Ugo Pirro
  • Monteur : Franco Fraticelli
  • Directeur de la photographie : Piergiorgio Pozzi
  • Compositeur : Ennio Morricone
  • Chef Maquilleur : Silvani Petri
  • Chef décorateur : Natalia Verdelli
  • Producteurs : Carlo Maietto, Adelina Tattilo
  • Producteurs exécutifs : Carlo Tattilo
  • Sociétés de production : Movietime
  • Distributeur : France Inter Cinema (Cinéma, province, années 80), Les Films du Camélia (2023)
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise : 26 avril 2023
  • Editeur vidéo : MYP (VHS), Select (VHS), Le Chat qui Fume
  • Date de sortie vidéo : 1985 (VHS, Select), Avril 2018 (blu-ray)
  • Budget : Inconnu
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1 673 entrées* (* chiffres englobant les trois films de la rétrospective)
  • Classification : Interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur (35mm) / Mono
  • Festivals : Moscow International Film Festival 1977
  • Illustrateur/Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Le Chat qui fume. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachés de presse : Paulina Gautier-Mons
Note des spectateurs :

San Babila : un crime inutile, film cinéma pertinent de 1976, a été sorti de l’oubli par le Chat qui fume, en 2018. Le film de Carlo Lizzani évoque la montée du fascisme chez les jeunes Italiens, dans les années 70. Entre drame social et avertissement politique, le film d’action est criant de réalisme, brillamment interprété par des bouilles de rebelles habitées par la fureur de détruire.

Synopsis : 1975. Les années de plomb. Milan, place San Babila. Un groupe de jeunes néo-fascistes, dont font partie Michele, Franco, Fabrizio et Alfredo, fait régner sa loi, importunant les passants, s’empoignant avec les gauchistes de passage, draguant les filles. Lors d’une journée classique, ce petit groupe d’amis va provoquer une série de drames croissant dans la violence, jusqu’au crime inutile.

Tuer pour tuer (Kill to Kill), jaquette VHS de San Babila

© Movietime. All Rights Reserved.

Critique : Inédit au cinéma en France, à l’exception d’une sortie très locale, dans le Sud de la Francedans la première moitié des années 80 (information Encyclociné.com), San Babila : un crime inutile est resté pendant très longtemps inconnu de beaucoup de Français. Les plus chanceux l’ont découvert en VHS, puisqu’il a été exploité par deux indépendants à cette même époque sous le titre de Kill to Kill – Tuer pour tuerOCS reprendra d’ailleurs ce titre pour sa diffusion peu avant une sortie blu-ray, chez Le Chat qui fume, en 2018 qui permet enfin aux cinéphiles de découvrir cette rareté méritante.

Il  San Babila ore 20: un delitto inutile est une rareté d’un cinéaste à la carrière prolifique mais méconnue. Carlo Lizzani, malgré plus de 60 ans de cinéma, est resté à l’écart de l’inconscient cinématographique des Français, malgré le succès de La chronique des pauvres amants, de nombreuses coproductions françaises (Le bossu de Rome, Traqués par la Gestapo, avec Jean Sorel et Gérard Blain…), son rôle de directeur du festival de Venise, et de très nombreux documentaires à son actif.

Photo de San Babila : un crime inutile de Carlo Lizzani

© Le Chat qui fume, Les Films du Camélia, Compass Film SRL. All Rights Reserved.

Orienté à gauche, cet ancien communiste proposait avec San Babila , pur produit des années de plomb italiennes, son savoir-faire de documentariste et de cinéaste néoréaliste, au sein d’une plongée plutôt fine dans l’ébullition de la jeunesse milanaise à une époque où les philosophies marxistes et néo-fascistes s’affrontaient dans la violence.

Projet instantané qui trouva naissance au lendemain d’un fait divers, un assassinat sur la place de San Babila où aimaient rôder les jeunes fachos, au cœur d’une ville déjà ensanglantée par l’attentat de la piazza Fontana en 1969, Tuer pour tuer relate un rapport de force entre les classes, animées par différents courants idéologiques. Dans les deux camps, les jeunes gens sont paumés, plombés par des rapports familiaux complexes, et livrés à une pensée fasciste qui leur donne le sentiment d’une supériorité qui se manifeste dans le rapport aux femmes.

La femme réduite à un statut de bécasse, purement utilitaire, est tout l’inverse de l’icône féminine qui se développait au cinéma, ou parallèlement chez les intellectuelles “rouges”. Aussi, les scènes les plus violentes se résument souvent au traitement insupportable infligé à une jeune femme naïve (le viol au gourdin). On remerciera l’auteur Lizzani de ne pas se livrer à l’exploitation propre à une partie de la production italienne de l’époque, fidèle à ses convictions d’auteur, pour ne pas rendre l’agression encore plus insupportable qu’elle ne l’est déjà.

 

Photo de San Babila : un crime inutile de Carlo Lizzani

© Le Chat qui fume, Les Films du Camélia, Compass Film SRL. All Rights Reserved.

Filmant sans fioriture, mais toujours avec discernement, avec un sens du cadrage réel (l’assassinat final est superbement mis en scène), Carlo Lizzani s’est orienté vers un casting amateur pour les premiers rôles, de jeunes acteurs inconnus au jeu et au physique magnétiques. Le casting est  impressionnant dans ses gueules d’ange, à la beauté vénéneuse (des faux airs de Delon ou de Matt Dillon). L’air rebelle, aussi maléfique qu’insupportable dans leur rapport condescendant à la société, ou fêlé et animé par la peur, ces gamins deviennent les protagonistes d’une chronique politique qui démontre l’absurdité de la violence, pour des causes idéologiques. San Babila met effectivement en scène le néant existentiel de ces gamins, incapables de penser par eux-mêmes

Si certains dialogues peuvent s’étirer un peu trop (un montage plus resserré aurait pu faire l’économie d’une dizaine de minutes), on peut trouver également que, dans la dénonciation de l’hypocrisie bourgeoise, les plus inconséquentes des scènes sont également celles qui complètent le mieux le récit central, sur la préparation d’un attentat au cœur d’un syndicat gauchiste, qui va mener à un meurtre de sang-froid, celui du titre.

San Babila : un crime inutile, drame sociologique et politique puissant dans sa nature réaliste et son refus de l’exagération propre au cinéma italien de l’époque, méritait bien de renaître de ses cendres. Cinq ans après sa vigoureuse sortie vidéo, le distributeur Les Films du Camélia l’inclura dans sa rétrospective en trois films de Carlo Lizzani. Un bon choix.

Les sorties de la semaine du 26 avril 2023

Rétrospective 2023 de Carlo Lizzani en 3 Films

Rétrospective en 3 films de Carlo Lizzani (San Babila : un crime inutile)

© Les Films du Camélia

Le test blu-ray

San Babila : un crime utile n’a pas été l’édition limitée du Chat qui Fume qui s’est vendue le plus vite, mais elle demeure l’un des bons films du cru 2018 de l’éditeur qui proposait encore alors des combo DVD Blu-ray.

Compléments : 3 / 5

L’édition limitée à 1000 exemplaires dispose d’un digipack qui se range facilement avec les autres collectors du Chat qui Fume, même si le choix du visuel intérieur laisse à désirer. Au niveau des bonus audiovisuels, une interview de Carlo Lizzani permet à l’auteur, qui s’est suicidé en 2013, de prendre la parole, dans un document filmé peu avant sa mort. Il revient en 5mn sur sa carrière, sans évoquer en particulier San Babila : un crime inutile. C’est à l’assistant réalisateur Gilberto Squizzato qu’en incombe la tâche. Pendant une heure, il plante le contexte politique du film et développe son travail avec Lizzani. Pendant une heure, il dépeint le Milan du début des années 70, les groupes fachos qui secouaient la ville, les choix artistiques de l’auteur, qu’il loue à raison, et les personnages du film, ainsi que l’accueil critique. Une interview précieuse pour une œuvre inconnue du public français et qui dresse le portrait d’une situation politique qui rappelle énormément la situation française actuelle (les groupes d’extrême droite qui ont fusionné avec la droite, jusqu’à entrer au Parlement italien).

Quelques bandes annonces sont également proposées.

Image 4 / 5

Très beau master. Au cœur du Milan un peu gris des années 70 qui apparaît clairement grâce à une profondeur de champ impeccable, l’on découvre cette rareté dans des conditions exceptionnelles. Superbe piqué de cinéma, avec un contraste qui définit clairement les éléments des différents plans. Texture de vêtement ou de peau, apparente, on est clairement face à un excellent cru visuel, pour une œuvre qui, en VHS, a dû être exposée en France aux pires conditions de visionnage.

Son : 3 /5

Le doublage français est livré dans sa version d’origine, avec quelques voix pas piquées des hannetons, qui donne un caractère bis à une œuvre plutôt sulfureuse. Le Mono ne souffre d’aucun étouffement. En revanche, les inserts de VO italienne sous-titrée en français démontrent que le film a largement souffert lorsqu’il a été exploité en catimini sur notre territoire, en VHS. De nombreuses scènes de bla bla ont été coupées pour rendre le montage plus nerveux. La version originale italienne est également proposée en Mono avec un niveau identique à celui de la française.

Frédéric Mignard

Jaquette de San Babila : un crime inutile de Carlo Lizzani (Editions du Chat qui Fume)

© Le Chat qui fume. All Rights Reserved.

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