Reboot d’un remake au succès surprise, The Grudge a tout d’un nanar, avec son esthétique laide, sa trame faussement alambiquée et son script effarant de médiocrité.
Synopsis : Dans une petite ville de Pennsylvanie, la découverte d’un corps en putréfaction dans un véhicule mène la détective Muldoon à faire une macabre trouvaille dans une maison associée à la victime. Troublée, elle constate que l’endroit a déjà été la scène d’un crime familial atroce. A mesure qu’elle recompose l’histoire de la tragédie, Muldoon est frappée de visions effrayantes qui semblent être reliées à une présence maléfique dans la demeure.
Critique : Revenons aux origines du mal, Ju-on. Le premier film de la franchise The Grudge est un succès japonais de 2002 qui pompait allègrement le triomphe de Ring d’Hideo Nakata, en exploitant la thématique du spectre vengeur aux cheveux longs, plein de “ressentiment” (“grudge”, en anglais). Cette base n’était pas très solide, et faisait suite d’ailleurs à deux premiers Ju-on, du même réalisateur, sortis en DTV deux ans auparavant. Le film japonais de 2002 connaît un sequel, toujours réalisé par Takashi Shimizu, qu’Hollywood conviera dans la foulée pour réaliser The Grudge 1 (2004) et sa suite (2006). Il faut dire qu’entre-temps, le remake de Ring, Le Cercle, de Gore Verbinski, avec Naomi Watts, avait affolé les compteurs en dépassant les 120 millions de dollars au box-office américain. On commence sérieusement à tourner en rond.
Sorti pour Halloween 2004, le remake américain de The Grudge, produit par Sam Raimi, est aidé par la présence de Sarah Michelle Gellar, ancienne star adolescente en manque d’idées pour se réinventer. Le démarrage (39M$) est ahurissant et, in fine, ce bien piètre cauchemar parvient à récolter le pactole (110M$). Pas de bol, trois ans plus tard The Grudge 2 se prend un vent et non des moindres, alignant sur toute sa carrière en salle ce que le segment originel avait engrangé en trois jours. Vous suivez ? Dans “le ressentiment”, le studio Sony et Screem Gems enterrent la saga qui n’intéressera plus que les Japonais. La mode des “japoniaiseries” est passée.
En 2020, Sony sort le reboot du remake d’une franchise oubliée depuis plus de quatorze ans, mais qui profite ici et là de sa présence bon marché sur les plateformes de SVOD. Toujours produit par la firme de Sam Raimi, Ghost House Pictures, cette nouvelle version de The Grudge ne voit le jour qu’avec 10 millions de dollars de budget dans le moteur et accuse les retards dans sa sortie. La réalisation est confiée au jeune Nicolas Pesce, fort de deux films indépendants bien reçus dans les festivals et disponibles en VOD. Aucune vraie star au compteur, mais des noms sympathiques : Andrea Riseborough (Oblivion), John Cho (Star Trek) et Lin Shaye, promue vedette pour adolescentes à plus de soixante-dix ans grâce à la franchise Insidious.
Tout ceci n’est pas forcément sexy sur le papier, mais cela devient totalement calamiteux à l’écran quand on vérifie sur place le désamour des critiques et du public américain pour cette proposition de… fête foraine. La peur étant outrageusement gonflée d’apparitions surnaturelles et de jump scares imbéciles.
C’est que The Grudge 2020 n’est pas bon, dans la forme tout d’abord. La réalisation est celle d’un produit vidéo qui évoque le remake 2017 de Ring, Le Cercle – Rings de F. Javier Gutiérrez. Dans sa chair, la série B pâtit du même manque d’émotion, de la même fadeur visuelle, de la même ambiance faussement ténébreuse, mais réellement soûlante, bref, tout une architecture de vilain petit direct-to-vod lui colle à l’esthétique. Ensuite, ce remake (reboot ?) est surtout accablant dans sa trame qui, à l’instar des autres volets de la saga, nous inflige ses rebondissements laborieux, sa fausse complexité chorale et sa lourde manipulation temporelle. Si on ajoute à cela le travail peu percutant des acteurs (rendre Andrea Riseborough mauvaise, il faut le faire), The Grudge dans ses faits, corrobore tout ce que sa réputation américaine exécrable laissait entendre, nourrissant un peu plus notre “rancœur” envers une franchise sans personnalité, mais qui vient tout simplement d’avoir l’outrecuidance de proposer le numéro de trop…
Critique : Frédéric Mignard