Sympathie pour le diable : la critique du film (2019)

Guerre, Drame | 1h40min
Note de la rédaction :
8/10
8
Sympathie pour le diable, affiche du film canadien

Note des spectateurs :

Sympathie pour le diable est un document coup de poing qui, à travers le regard de Paul Marchand, un journaliste de guerre hors du commun, revient sans complaisance sur l’ignominie du siège de Sarajevo lors de la guerre de Yougoslavie des années 90.

Synopsis : Sarajevo, novembre 92, sept mois après le début du siège.
Le reporter de guerre Paul Marchand nous plonge dans les entrailles d’un conflit fratricide, sous le regard impassible de la communauté internationale. Entre son objectivité journalistique, le sentiment d’impuissance et un certain sens du devoir face à l’horreur, il devra prendre parti.

Sympathie pour le diable, un authentique combat pour adapter Paul Marchand

Critique : Dès 2006, à partir du livre éponyme de Paul Marchand, le réalisateur québécois Guillaume de Fontenay, tisse, pour son premier long-métrage, la trame de ce récit de guerre d’un réalisme rarement atteint au cinéma sur un tel sujet. Il bénéficie alors de la collaboration de l’auteur jusqu’en juin 2009, date de son suicide. Démuni, peu rompu au mécanisme du journalisme de guerre (il a jusque-là réalisé essentiellement des films publicitaires), en butte aux sentiments controversés autour de la personnalité tapageuse de Paul Marchand, Guillaume de Fontenay se bat, avec ses coscénaristes Guillaume Vignault et Jean Barbe, pendant dix ans, pour rendre hommage non seulement à cet homme hors du commun qu’il a peu connu mais dont il a eu le temps d’apprécier l’intelligence et la générosité, mais aussi au courage du peuple de Sarajevo, abandonné aux tourments d’un carnage qui dura plus de quatre ans aux portes de l’Europe, à la fin du vingtième siècle.

La guerre dans toute son horreur

Dans sa voiture déglinguée sur laquelle on peut lire « Morituri te salutant » (les morts te saluent), un homme jeune, bonnet vissé sur la tête, file sur Sniper Avenue, l’artère principale de Sarajevo, dans un désert de carcasses de véhicules et de bâtiments éventrés. Quelques plans plus tard, dans un tonnerre de cris et de fureur, des images crues ne nous épargnent rien des dégâts humains occasionnées par un tout récent attentat qui vient d’avoir lieu.

Sympathie pour le diable, le grand-reportage de guerre au cinéma

© Shayne Laverdière Monkey Pack Films Gofilms

L’oppression faite film

Si insoutenables soient-elles, dépouillées de tout soupçon de voyeurisme, ces scènes nous préparent à affronter sans voile une violence crasse à laquelle, nous Européens de l’Ouest protégés, ne sommes guère accoutumés. Le choix d’un format 4/3, propice à créer une sensation d’enfermement, et d’une lumière désaturée s’attachent à montrer la guerre dans sa réalité la plus oppressante. La caméra, très mobile, toujours à l’affût du monde mouvement, ne lâche pas d’une semelle, son protagoniste principal, qui est de toutes les scènes.

Cet homme au profil ascétique, éternellement en mouvement et mû par une détermination sans faille, c’est Paul Marchand (époustouflant Niels Schneider). Il a déjà couvert plusieurs conflits quand en juin 1992, il arrive, parmi les premiers journalistes, à Sarajevo, en tant que freelance pour les journaux radio et télévision francophones d’Europe et du Canada. Connu pour ses actions choc, il fait figure de trublion au sein de cette famille à la fois éclatée et unie des journalistes en poste à Sarajevo. Il reçoit des leçons d’humilité et de solidarité mais assiste aussi à des actes d’une bassesse innommable.

Niels Schneider grand reporter dans Sympathie pour le diable

© Shayne Laverdière Monkey Pack Films Gofilms

Portrait d’un grand reporter atypique magnifiquement joué par Niels Schneider

S’il est plus provocateur que la plupart d’entre eux, il s’associe à ses collègues de presse, pour décrire, de jour en jour, entre fausse décontraction et vraie colère, l’escalade de l’injustice faite à près d’un demi-million de personnes qui vivent dans des conditions tragiques. Car la guerre est partout et les civils paient un lourd tribut. Mais il ne recueille que l’indifférence et même le mépris des Nations Unies. Jusqu’à ce l’abomination suprême, par l’intermédiaire d’un tireur embusqué, ne s’invite au cœur du nid douillet d’un jeune couple et de son bambin. Il sort alors sans préambule des limites de la neutralité que lui impose son métier de journaliste-reporter et décide définitivement de privilégier l’humain tout en mettant de côté son statut d’observateur. D’autant que sa rencontre et son amour pour Boba, la jeune femme qui le guide, Serbe opposée à la politique menée par ceux que l’on surnommera par la suite les bouchers des Balkans (Milosevic, Karadzic et Mladic) le rapproche encore davantage de la population en souffrance.

Une œuvre fougueuse, profondément tragique et débarrassée de tout conformisme

Pourtant et malgré toute l’admiration qu’il lui voue, Guillaume de Fontenay ne le présente jamais comme un héros et ne se risque pas davantage à porter un jugement  sur ses comportements complexes. Ce témoin au grand cœur se fracasse contre son personnage de dandy souvent hâbleur, parfois arrogant, à la fois charismatique et ambigu, attachant et agaçant dans la peau duquel Niels Schneider se glisse avec une aisance stupéfiante, restituant tout à la fois l’énergie, le phrasé saccadé et les fêlures de cet être que l’on pressent sensible et intransigeant. Un casting honorablement complété par le jeu animal de Vincent Rottiers et la sensibilité d’Ella Rumpf.

Animé d’une fougue efficacement tragique, débarrassé de tout conformisme, Sympathie pour le diable dont le titre traduit l’ambivalence des hommes, capables du pire comme du meilleur, ravive une réflexion pleine de justesse sur l’inutilité des guerres, à l’heure où les conflits se multiplient aux quatre coins du monde.

Critique : Claudine Levanneur 

Sorties de la semaine du 27 novembre 2019

Sympathie pour le diable, affiche du film canadien

© Shayne Laverdière Monkey Pack Films Gofilms

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