Neil Marshall signe avec Sorcière un pseudo-film historique ampoulé qui tire davantage vers la grosse série B lourdingue. Son discours féministe y est assené à coup de marteau.
Synopsis : À la fin du 17e siècle, en Angleterre, la peste fait des ravages. Pourtant une nouvelle pandémie gangrène peu à peu la population : la chasse aux sorcières. Une jeune veuve, Grace, est prise pour cible par la folie des hommes. Elle est arrêtée et torturée pendant quatre jours. Sa vengeance sera terrible.
Neil Marshall signe un film historique féministe
Critique : Au cours de l’année 2018, le réalisateur Neil Marshall rencontre l’actrice Charlotte Kirk et une romance se développe entre eux. Désormais en couple, les deux artistes décident de s’associer pour écrire et produire en toute indépendance Sorcière, dont le tournage est finalement effectué en Hongrie au cours de l’été 2019. Ces précisions chronologiques sont importantes pour indiquer au spectateur que le choix d’évoquer une pandémie comme la peste ne relève pas de l’opportunisme, mais bien du pur hasard, puisque la crise sanitaire du coronavirus n’a commencé qu’à l’hiver 2019, alors que Sorcière était en montage.
Par contre, le long-métrage doit clairement son inspiration à la vague #MeToo qui déferle à cette époque, d’autant que Charlotte Kirk a elle-même été impliquée dans plusieurs scandales sexuels au cours des années 2010. Certes, Neil Marshall n’a pas attendu sa nouvelle compagne pour mettre en scène des femmes fortes et volontaires – on se souvient du génial The Descent en 2005 – mais Sorcière semble avoir été entièrement fait pour offrir à Charlotte Kirk sa vengeance sur la gent masculine. Effectivement, hormis le mari qui se sacrifie pour sa famille au début du long-métrage, l’intégralité des hommes apparaissent comme des monstres, menteurs, violeurs et agresseurs. Cela recoupe bien entendu une réalité bien tangible du 17ème siècle, mais la charge est ici tellement lourde qu’elle en devient caricaturale et manichéenne.
Neil Marshall ne sait pas choisir le ton à adopter
Situé à l’époque de la chasse aux sorcières, le long-métrage de Neil Marshall voudrait à la fois s’inscrire dans un cinéma sérieux avec une certaine rigueur historique, tout en satisfaisant les attentes d’un public de film d’horreur avec des séquences oniriques qui plongent le métrage dans la catégorie bis. En réalité, Neil Marshall ne parvient jamais à choisir et livre donc une œuvre hybride qui risque bien de ne satisfaire personne.
Cela commence très mal, avec des séquences d’une lourdeur pachydermique qui montrent les ravages de la peste en Angleterre. La première demi-heure souffre notamment d’une insistance coupable de la part d’un cinéaste incapable de se réfréner. Il utilise tous les artifices possibles pour rendre son film attractif : grands mouvements de caméra, photographie expressionniste, musique symphonique envahissante. Tout ici est surligné au marqueur pour faire éprouver au spectateur des sensations fortes. Malheureusement, la reconstitution d’époque sonne faux, les costumes paraissent trop apprêtés, les décors font factice. Et que dire de l’interprétation de Charlotte Kirk, absolument pas crédible en paysanne du 17ème siècle, tant on voit bien qu’elle n’a jamais mis les mains dans la terre de sa vie ?
Un festival de clichés et de scènes improbables
Le cinéaste ne nous épargne aucun cliché – jusque dans les dialogues, assez déplorables – avec en filigrane un discours féministe qui pourrait être intéressant si une once de nuance apparaissait de temps à autre. Pourtant, la suite s’améliore quelque peu, notamment une fois que le cinéaste se concentre sur le procès de la jeune femme accusée de sorcellerie. Dès lors, Neil Marshall parvient à signer quelques bonnes séquences de torture. On sent que le réalisateur connaît ses classiques comme Le grand inquisiteur (Reeves, 1968) ou encore La marque du diable (Armstrong, 1970). On apprécie également les scènes de vengeance tournées avec toute l’efficacité requise pour un revenge movie. En fait, Neil Marshall n’est jamais aussi bon que dans le pur film de genre. Dès qu’il tente d’aborder des thèmes plus profonds ou psychologiques, son film part en vrille et exaspère.
Un film bis d’une impressionnante lourdeur démonstrative
Alternant sans cesse le grotesque et l’efficacité, Sorcière est tout de même servi par de bons acteurs, dont l’excellent Sean Pertwee qui emporte vraiment l’adhésion. Il parvient même à rendre meilleure Charlotte Kirk lors de leurs confrontations. Finalement, Sorcière doit être vu comme un énième nanar bis d’un réalisateur toujours aussi doué sur le plan visuel, mais visiblement incapable de s’adapter au sujet qu’il entend traiter.
Le test Blu-ray :
Une édition basique pour ce DTV, porté toutefois par une excellente facture technique.
Les compléments : 0 / 5
Tout bonnement aucun, comme pour la plupart des DTV.
L’image : 5 / 5
Bénéficiant d’une très belle photographie, Sorcière s’avère une très bonne pioche sur le plan visuel, avec une colorimétrie chatoyante. Toutefois, cela peut également occasionner quelques revers au long-métrage en rendant plus artificiels encore les décors et costumes trop propres et lisses.
Le son : 5 / 5
Les deux pistes sonores (VO et VF) sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Elles sont toutes les deux d’une puissance égale, même si l’on préfère évidemment le naturel de la VO. L’éditeur nous fournit ici un rendu tonitruant avec un mixage idéal qui investit l’ensemble des enceintes avec fureur. On est ainsi pleinement immergé au cœur du long-métrage, avec intervention fréquente du caisson de basses et des enceintes arrière – qui font souvent décoration dans les sorties récentes.
Critique du film et test Blu-ray de Virgile Dumez
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