Shorta est un film de violence urbaine danois qui possède la force des grands longs métrages du genre. Pesant et efficace. A voir.
Synopsis : Talib, 19 ans, adolescent noir, meurt des suites de blessures en garde à vue. Son décès provoque une révolte dans la banlieue de Copenhague au moment où deux policiers que tout oppose, Jens et Mike, s’y trouvent justement en patrouille. Pris en chasse, ils vont devoir se frayer un chemin pour échapper aux émeutes. S’engage alors un affrontement implacable.
Critique : Coréalisé par Anders Ølholm et Frederik Louis Hviid, deux auteurs complètement en phase avec leur sujet de société, Shorta évoque un Danemark sclérosé par le racisme, y compris au sein des forces de l’ordre, la violence urbaine et une jeunesse périphérique paumée. Les deux réalisateurs ne prennent jamais partie pour leurs protagonistes, tant les deux mondes qu’ils dépeignent sont interdépendants dans l’incompréhension réciproque. D’une part, on plonge dans le Copenhague des zones de non-droits où la police répond aux provocations par des préjugés et des actes violents, de mort ou d’héroïsme. De l’autre côté de l’échiquier, les auteurs érigent la problématique des habitants des banlieues, une population issue de l’immigration qui tantôt subit ce que la minorité bruyante des quartiers leur impose ou bien participent à cette déliquescence généralisée d’une société en panne d’intégration.
Shorta puise ses références dans un cinéma urbain déliquescent
Le constat pourrait être celui de l’Hexagone où des uppercut semblables ont été mis en scène : La haine de Kassovitz, Ma 6-T va crack-er de Jean-François Richet dès les années 90, ou plus récemment Les misérables de Ladj Ly. Les décennies passent et le schmilblick n’avance pas ; l’incompréhension s’installe, la peur et la haine des uns et des autres envahissent les sociétés qui se droitisent, s’extrémisent et s’adonnent dans les deux camps à la violence sous toutes ses formes.
Les deux auteurs évitent les pièges du film à thèse, mais délivrent une photographie effroyable d’une société en perdition, avec violence policière immonde et meutes de jeunes sans visage enflammant des véhicules de police au risque de tuer. Les humanoïdes à capuche sont dignes des monstres de Citadel de Ciarán Foy dans un contexte de béton irlandais semblable. La menace est partout et quand les deux flics, dont l’un nauséeux qui va n’apprendre une leçon de vie que trop tard, tombent en rade un soir de guérilla urbaine dans le quartier embrasé, la terreur est à son paroxysme.
Nid de guêpes
Shorta est loin d’être une œuvre originale dans son script. On pense à Eden Lake de James Watkins, ’71 de Yann Demange, La chute du faucon noir de Ridley Scott… Les deux hommes sont lâchés dans un nid de guêpes et de frelons où la personnalité totalement antinomique des deux coéquipiers va mener le film vers des rebondissements tragiques, et à la perte de beaux personnages.
Véritable tragédie humaine, celle d’adolescents sacrifiés, de destins brisés, d’injustices insoutenables, Shorta mélange les ambiances d’Assaut de Carpenter et des Guerriers de la nuit de Walter Hill. Il convoque surtout le souvenir des films de “blocks” britanniques avec une capacité à susciter par l’atmosphère le drame et la terreur dans un cinéma de genre total, ce que le cinéma français, trop souvent droit dans les bottes d’un réalisme documentaire, échoue à instiller.
Reçu très favorablement aux États-Unis, où Shorta est devenu Enforcement, le thriller urbain cède sûrement aux obsessions contemporaines autour des violences policières qui abondent de part et d’autre de l’Atlantique. Certaines thématiques, étaient également portées par l’impressionnant Ill Manners de Ben Drew (alias Plan B). Ainsi, le déterminisme, le manque d’éducation et la drogue menant à une déchéance humaine (extrême dans le cas du thriller britannique), devraient aussi nous interpeller, au-delà d’affrontements binaires.
Dans tous les cas, Shorta demeure un projet percutant par sa réalisation inspirée, sa musique nocturne stressante et une vision d’un cinéma destiné aux grands écrans.
La production danoise sélectionnée à Reims Polar en 2021 trouve logiquement sa place dans nos cinémas en juin 2021, avec une interdiction aux moins de 12 ans signifiante. Shorta est à découvrir.