Dix ans après Le bonhomme de neige, nommé aux Oscars, et 5 ans après When the Wind Blows, magnifié par la musique de Roger Waters et la chanson de David Bowie, Raymond Briggs était de nouveau adapté avec Sacré Père Noël. Sorti dans nos salles en 1998 et édité en DVD en 2023, cet éclatant film d’animation s’impose comme un cadeau évident pour les enfants qui découvriront ce pur bonheur seuls et à répétition grâce à la touche replay de leur lecteur vidéo. La famille entière sera conquise par l’effervescence de créativité de ce spectacle qui confine au bonheur sous ses oripeaux faussement datés de divertissement du début des années 90. Il prend encore tout son sens en 2023.
Synopsis : Mais que fait le Père Noël après la nuit du 24 décembre ? Comme chaque année, après avoir terminé sa livraison de cadeaux, le Père Noël quitte ses bottes et son manteau pour partir en vacances ! Son traîneau transformé en caravane, il vole à la découverte de la France et ses bons petits plats, de l’Ecosse et de Las Vegas. Un voyage mouvementé, mais qui ne fera pas oublier à ce bougon, grognon, glouton de revenir à temps pour ouvrir les premières lettres, préparer les cadeaux et décrasser son traîneau. Il faut vite reprendre le rythme, à renfort de chocolat chaud, pour organiser la nouvelle tournée et réveiller la magie de Noël.
Une édition DVD opportune pour les fêtes de Noël 2023
Critique : Pour les fêtes de Noël 2023, l’éditeur Hopikid, un nouveau venu dans l’édition, sort deux titres en DVD, Titeuf et Sacré Père Noël. On s’arrêtera volontiers sur l’adaptation de la bande dessinée du célébré Raymond Briggs que l’on connaît tous pour le roman graphique apocalyptique When the Wind Blows, adapté au cinéma en 1986, avec une musique de Roger Waters et une superbe chanson éponyme de David Bowie, dont il avait même sorti en maxi 45 tours une version longue.
Paru entre autres en France en 2012 chez Grasset Jeunesse, Sacré Père Noël est l’occasion de revenir sur une figure adorée des enfants qui a même fait l’objet d’une (petite) intégrale en livre, toujours chez Grasset en 2022. Des idées de cadeaux évidentes. Et pour cause.
Une figure ronde et rubiconde qui demeure charismatique des décennies après
Le DVD Hopikid propose pour un petit prix un court de 26 minutes, de 1991, destiné initialement à la télévision britannique où le personnage jovial et curieusement très terre-à-terre du Père Noël s’adonne à dérouler la chronologie heureuse d’une année qui suit son travail éreintant de pourvoyeurs de cadeaux. Une année avec un Père Noël doux de rondeur jusqu’à son nez rubicond.
Autoportrait d’un retraité très actif
Dans cette fiction éducative, la figure préférée des enfants sert de narrateur pédagogue et relate son activité post-25 décembre. Un autoportrait rond et sans niaiserie d’un grand-père irrésistible dont les petites chenapans sont bel et biens les enfants d’un monde qui n’était pas alors globalisé. Cela renforce l’enchantement du conte.
Sacré Père Noël s’amuse avec délice, d’un Père Noël globe-trotteur qui célèbre la vie avec un trait de crayon inventif et un sens du rythme et du montage qui ne rend jamais ses tribulations ennuyeuses, évidemment pour les enfants qui trouveront absolument tout ce que l’on peut attendre d’un spectacle de saison, mais aussi pour les adultes qui trouveront matière à rêverie et à comédie, à partager en famille.
Une animation pleine de sens qui s’amuse des stéréotypes
Alors, l’agenda du Sacré Père Noël, après la féérie des cadeaux, se compose t’-il d’une retraite pépère jusqu’à l’hiver suivant? Après tout, il en a l’âge et même la mentalité heureuse. D’une certaine façon, oui. Le gros bonhomme, aussi grognon que ronchon, va s’amuser à parcourir notre monde en foulant sa terre, attifé de tout ce qui peut faire un touriste curieux, mais aussi maladroit. Briggs s’amuse des archétypes avec une ironie qui donne toute l’intelligence à son récit qui ne se contente jamais du premier degré.
Ce beau film d’animation s’amuse ainsi des vacances du Père Noël à travers différents pays, au gré des stéréotypes dont le protagoniste enchanteur s’amuse en essayant de se fondre parmi les locaux sans apparaître grossier ou malintentionné auprès des autochtones qui en auront une autre vision. Notre patriarche est maladroit. La séquence en France est par exemple d’une loufoquerie absolue dans la bonhommie d’un Père Noël à l’appétit d’ogre et au goût prononcé pour le vin qui fait la réputation de l’Hexagone. Le résultat n’est pas prout prout, car l’humour de Raymond Briggs n’est jamais malheureux, mais à la hauteur des lendemains de Fêtes que passeront les plus grands, avec des douleurs intestinales qui le conduiront droit dans les buissons, au milieu des mouches et des vaches. On apprécie également sa plongée dans un loch écossais où vient poindre l’aileron d’un poisson inconnu ; un beau clin d’œil aux mythologies populaires qui ravira les enfants…
Après les vacances, Sacré Père Noël reprend le “taf”
Reprenant du service, le Père Noël doit ensuite revenir sur terre pour mieux préparer son envol de fin d’année. Découverte des lettres dans toutes les langues, avec l’aide d’un facteur tout heureux de son travail d’artisan de la communication, costume à récupérer chez la teinturière : “Vous allez à un bal costumé, monsieur?”. Et notre bougon de répondre, “si seulement cela pouvait être le cas…!”. C’est que dans ses rêves, le vieil homme rêve encore d’une oisiveté estivale, de baignade au soleil et de jolies femmes. On notera que le montage américain du film d’animation, selon Wikipédia (nous ne l’avons pas vu), semblerait avoir été aseptisé et les moments de gueules de bois et les plans de belles femmes auraient été coupés et remplacés. Le DVD français propose lui la version originale. Fort heureusement.
La féérie finale est totale
Les dix minutes consacrées à la féérie de Noël, avec numéro chanté, danse magique avec des bonhommes de neige (qui convoque le souvenir du classique The Snowman, du même Raymond Briggs) et livraisons délicieuses de pluies de cadeaux, comptent parmi les grands moments du programme. Elles complètent avec magie et surtout avec créativité ce moyen métrage vraiment attachant que l’on se doit d’avoir dans sa DVDthèque si l’on veut émerveiller ses enfants.
La magnifique fluidité est propice aux rêveries d’enfants qui se devront aussi de découvrir une autre magnifique production britannique adaptée de l’imaginaire impeccable de Raymond Briggs, à savoir The Snowman qui avait été nommé aux Oscars et aux BAFTA dans la catégorie du Meilleur film d’animation. Entièrement sans paroles, avec une musique très élaborée, ce conte sublime mettait l’accent sur des personnages que l’on retrouve aussi dans Sacré Père Noël, à savoir un enfant trognon de rousseur et un bonhomme de neige qui ne laisse pas de glace. Notre Sacré Père Noël y apparaît également, mais plus succinctement. Il devra attendre neuf longues années avant de prospérer dans son propre film. Entre temps, Raymond Briggs publiera When the Wind Blows, (1982), dystopie noircie par sa peur de l’apocalypse nucléaire, un ouvrage destiné aux adultes, qui brillera au cinéma de par l’adaptation culte par le réalisateur Jimmy T. Murakami. Un autre chef d’œuvre.
Enfin disponible en DVD, un an après la mort de Raymond Briggs
Pour les Fêtes de Noël 2023, le DVD tout beau, tout frais de Sacré Père Noël par l’éditeur Hopikid, est comme un beau doigt d’honneur à la modernité des temps changeants, renforçant l’amour des enfants pour le format physique pour son intemporalité, et surtout célébrant de façon bouleversante le grand Raymond Briggs qui nous a quittés à l’âge de 88 ans, en août 2022.
Oui, un beau cadeau en perspective qui séduira toute la famille sous ses oripeaux de courts de 26 minutes loin de rivaliser par sa durée avec les trois heures à la mode des Marvel que l’on pourra ici considérer peut-être à juste titre comme démodés. Sacré Père Noël garde toute notre ferveur.
Box-office France de Sacré Père Noël
Sacré Père Noël a été diffusé à la télévision, sur Channel 4, au Royaume-Uni pour les fêtes de Noël, en 1991. La France a pour sa part bénéficié d’une sortie en salle via le distributeur indépendant Les Grands Films Classiques qui officia dans le cinéma de répertoire dans les années 90 jusqu’au début des années 2010. Entre une réédition de La chatte sur un toit brûlant et Little Big Man, la société française proposait des films pour enfants comme La souris du Père Noël et même La vieille dame et les pigeons du grand Sylvain Chomet, celui-là même qui, 5 ans plus tard, triompherait avec Les triplettes de Belleville dans le monde entier.
Sacré Père Noël sacré film de cinéma en France
Les Grands Films Classiques propose Sacré Père Noël le 2 décembre 1998, avec une volonté de faire voyager les copies sur toute la France, essentiellement dans des cinémas d’art et essai ou à l’occasion de matinées dans les grandes villes françaises. Parallèlement, Disney triomphait avec Mulan sorti une semaine plus tôt, et Dreamworks réitérait avec l’une de ses premières sorties animées (Fourmiz était paru 3 semaines auparavant).
A Paris, Sacré Père Noël parvient à trouver 3 salles en première semaine, puisqu’on le retrouve au Reflet Médicis, au République et au Denfert. Il amuse 614 bouilles heureuses face aux géants américains.
Un indépendant avec Kirikou, face à Mulan et Le Prince d’Egypte
En deuxième semaine, 561 petits Parisiens découvrent le programme lors de la semaine du 9 décembre durant laquelle Mulan demeure en tête. Un film pour enfant historique est lancé sur les écrans français cette semaine-là : Kirikou et la sorcière apparaissait dans 6 cinémas parisiens et via 61 copies sur toute la France. Cela sera un triomphe.
La semaine du 16 décembre, Sacré Père Noël, durant laquelle les vacances commencent, remonte à 721 petits spectateurs parisiens, toujours sur trois salles indépendantes. Cette semaine-là, un nouveau géant débarque en salle : Le prince d’Egypte de Dreamworks sur 690 copies françaises, dont 52 à Paris. Appuyée par le duo Whitney Houston – Mariah Carey, la production Jeffrey Katzenberg – Steven Spielberg, prend la première place parisienne quand, en France, Mulan demeure bon numéro 1.
La semaine de Noël, Sacré Père Noël ne trouve plus que 357 mignons face à 13 202 petits Parisiens pour Kirikou, 158 444 amateurs de Disney pour Mulan, et 205 046 curieux pour Le prince d’Egypte. Fourmiz grappillait encore 19 134 franciliens.
Une sortie minuscule à la veille de la révolution globalisée d’une animation de surconsommation
Avec la confiance gardée du Denfert, du République et du Reflet Médicis, Father Christmas (titre en VO), reste quelques séances à l’affiche, pour sa 5e semaine, soit 179 spectateurs pour un total de 2 432. En tête des entrées France et parisiennes, Le Prince d’Egypte et Mulan réalisent une fois de plus un doublet historique : deux films d’animation au sommet, c’était inenvisageable les décennies précédentes et cela allait donner des idées à tous les distributeurs et studios hollywoodiens.
Le monde globalisé changeait. A jamais, le spectateur sera infantilisé avec des divertissements consensuels transformés en franchises, réalisés pour du merchandising et des ventes vidéo à l’âge d’or du support.
Sacré Père Noël restera néanmoins jusqu’à sa 10e semaine au Denfert pour des séances hebdomadaires uniques avant de changer de rive et de quartier. Pendant deux semaines, il investira le MK2 Nation, où il finira sa course à 2 596 Franciliens.
Sur la France, sa carrière sera plus longue, avec 13 902 sur ses 4 premières en décembre, donc en incluant la fameuse semaine des Fêtes. C’est ça le prix de l’indépendance.